Eric Walberg - Al Ahram
          Il y a beaucoup d’angoisse parmi les gens de conscience sur le  sort de la flotille Liberté II, mais en la sabordant Israël, en réalité,  enfonce plus de clous dans son propre cercueil, écrit Eric Walberg.         
Des  enfants palestiniens brandissent des drapeaux grecs et palestiniens en  soutien à la flottille internationale pour Gaza le 3 juillet 2011 à Gaza  City
Les efforts d’Israël d’empêcher la flottille Liberté II  de quitter la Grèce ont été couronnés de succès.  Des 10 bateaux  d’origine, seuls le bateau français Al-Karama (dignité) avec 10 activistes incluant des politiciens français, qui a quitté la Corse il y a deux semaines, et le Juliano,  réparé, ont réussi à échapper aux gardes-côtes grecs. [Le bateau  français a depuis été piraté en mer par l’armée israélienne d’occupation  - N.d.T].
Al Karama fut appréhendé pendant qu’il se ravitaillait en carburant en mer près de la Crète.  Le sort du Juliano  (baptisé d’après Juliano Meir Khamis, le directeur assassiné du Théâtre  libre de Jenin) n’est pas connu.  Le dernier à résister au port était  le canadien Tahrir mais les organisateurs ont  renoncé quand les autorités grecques ont soudainement demandé de  nouveaux papiers  sachant que les organisateurs ne pourraient les  fournir dans un bref délai.
Les agents spéciaux israéliens ont été autorisés à plonger dans les eaux grecques pour saboter des bateaux y compris le Juliano, propriété conjointe d’organisations Bateau pour Gaza  suédoise, norvégienne et grecque.  Les autorités grecques ont utilisés  des plaintes « anonymes » (israéliennes) d’incapacité d’aller en mer  pour retarder d’autres bateaux.
Les Grecs, agissant clairement sur des ordres  israélo-américains, ont arrêté le capitaine du navire américain et  ensuite les membres de son équipage qui, le 4 juillet, anniversaire de  l’indépendance américaine, ont fait une grève de la faim devant  l’Ambassade des EU à Athènes.
Le navire canadien Tahrir est parti  avant que les officiels puissent arrêter son capitaine mais fut stoppé 5  km plus loin en mer.  Son capitaine avait décidé qu’il mettait son  équipage en danger en restant dans le port avec des hommes grenouilles  israéliens susceptibles d’effectuer d’autres actes de sabotage.  Le  porte-parole Dylan Kenner a expliqué que les garde-côtes grecs ont  illégalement arraisonné le bateau et l’ont remorqué jusqu’au port.   Quand les 50 passagers ont refusé d’identifier le capitaine du navire  ils ont tous été arrêtés.
Les autorités grecques ont joué leurs atouts  bureaucratiques sans réserve insistant parfois pour que les générateurs  électriques soient éteints « pour des raisons de sécurités » (lire :  pour empêcher les médias de contacter le monde extérieur). Le canadien  Dylan Kenner soutient que le gouvernement israélien à fait pression sur  le gouvernement d’Athènes, étendant effectivement son blocage illégal de  Gaza aux ports grecs.
La Grèce a proposé de transporter, en collaboration avec  l’ONU,  l’aide par ferry jusqu’à Gaza, offre refusée par les activistes  comme insuffisante car leur mission concernait également les droits du  peuple palestinien et non pas juste l’aide.
Les actions grecques ont enchanté Israël.  A Jérusalem,  le président israélien Shimon Peres a dit au président grec Karolos  Papoulias « Je tiens à vous remercier d’avoir suivi les instructions du  Secrétaire général des Nations Unies et d’avoir stoppé la flottille de  Gaza.  Israël a toujours la main tendue en faveur de la paix ».
La réponse du congrès EU fut un vote 407-6 pour  suspendre les fonds à l’Autorité palestinienne si elle persiste dans sa  déclaration unilatérale d’état aux NU en septembre.  Le leader de la  majorité au congrès Eric Cantor a dit « nous soutenons Israël comme  notre allié le plus précieux ».
Information liée, un autre navire l’Esprit de Rachel Corrie   de Malaisie, après avoir essayé de briser le siège durant sept  semaines, fut finalement autorisé à décharger ses 32 tonnes de tuyaux de  PVC dans le port égyptien d’Arish grâce à l’intervention directe du  Premier Ministre égyptien qui a assuré les activistes que les tuyaux  arriveraient à Gaza.  Leur succès coïncide avec la visite en Egypte du  précédent Premier Ministre malaisien Mahathir Mohamed, un ami dévoué de  la Palestine.  La Malaisie ne reconnait pas Israël et est l’un des rares  pays ayant une position de principe vis-à-vis des atrocités  israéliennes.
Tandis que les flottilleurs léchaient leurs plaies, le 8  juillet, des centaines d’activistes occidentaux essayaient d’entrer  Israël en masse par avion pour montrer leur solidarité avec les  Palestiniens de la Cisjordanie.  Les « services secrets » israéliens  étaient cependant préparés, fournissant aux aéroports européens des  listes de déni de vol pour des pacifistes connus empêchant plus de 200  d’entre eux d’embarquer en violation (est-ce une nouveauté ?) de la loi  internationale.  Plus de 500 sont quand même arrivés à l’aéroport  international Ben Gourion à Tel Aviv.  250 d’entre eux ont été arrêtés,  40 font la grève de la faim après qu’on leur ait refusé l’accès à des  avocats et à des traitements médicaux et 69 ont déjà été déportés.
Comme toujours Israël réalise ses victoires tactiques  restreintes aux dépens d’une stratégie à long terme pour gagner le  respect en tant que nation légitime, et s’isole encore plus comme une  nation criminelle sans souci des droits de l’homme ou du bien être des  autres, et est méprisée par la plupart.  Un sondage européen, effectué  en 2010, montre que 60 % considère Israël comme la plus grande menace  pour la paix (74 % aux Pays-Bas).
Il étend son occupation de Gaza et de la Cisjordanie aux  ports grecs et aux aéroports européens. Il agit pour encourager un  sentiment anti-juif là où il n’existe pas et prétend parler au nom des  juifs du monde, sa véritable raison d’être étant d’agir comme un  « refuge sûr » pour eux.
Selon Gilad Atzmon, la réaction exagérée d’Israël à ces  protestations pacifiques prouve une fois de plus qu’Israël signifie que  « l’état juif est une société fermée conduite par un  ‘trouble, stress  pré traumatique’ alimenté par des fantaisies imaginaires et vives de  destruction ».
La flottille, composée de pacifistes bien intentionnés,  peut-être naïfs, n’envisageait jamais de l’emporter sur la société super  militarisée la plus dangereuse du monde.  Face à  tous les  gouvernements du monde virtuellement esclaves d’Israël, elle avait pour  seul but d’abord de montrer aux Palestiniens qu’ils ont l’appui des  peuples du monde et de les encourager à continuer leur résistance  héroïque et, ensuite, de souligner à quel point Israël est répréhensible  comme état et sans principes et indigne de confiance comme partenaire.
Par ses actions le gouvernement israélien et ses meneurs  ont involontairement participé à cette campagne de relations publiques  pro-palestinienne.  Quel que soit le sort de la flottille elle a encore  alimenté la campagne de boycott, de dépossession, de sanctions et la  lutte pour la perte de légitimité d’Israël ou plutôt pour l’assister  dans le processus de perte de discrédit comme état apartheid qu’il  s’inflige à lui-même.
Opportunément, cette semaine, septième anniversaire de  la décision de la Cour internationale de Justice contre le mur de  séparation, le mouvement de libération de Gaza (Free Gaza Movement FGM)  et le Comité national de boycott palestinien ont appelé à un embargo  militaire immédiat et complet contre Israël.
Israël a un long palmarès de crimes de guerre et de  crimes contre l’humanité et « la communauté internationale a une  obligation légale et morale de mettre fin à sa complicité avec les  actions illégales d’Israël » a déclaré le FGM. C’est l’unique moyen de  faire pression sur Israël pour respecter la loi internationale, de  cesser d’attaquer des navires civils dans les eaux internationales et de  lancer des bombes au phosphore blanc sur des civils.
Les politiciens israéliens affichent un petit sourire  supérieur à propos de leur habilité à coincer la flotille Liberté II.   Mais, comme l’écrit le bloggeur Saker, c’est une victoire à la Pyrrhus  pour l’état israélien.  Il est semblable aux fêtards sur le pont du  Titanic qui ignoraient le fait que, à cause de leur orgueil démesuré,  leur navire allait bientôt reposer au fond de l’océan.
* Eric Walberg est un journaliste qui a travaillé en Ouzbékistan et qui écrit actuellement pour l’hebdomadaire Al-Ahram au Caire.