Lamis Andoni - Al Jazeera
          Dans son dernier discours, Obama a prouvé en termes à peine  voilés qu’il fera tout pour satisfaire sa base électorale  pro-israélienne.         
Juin  2008 - Des jeunes Palestiniens jettent des pierres sur un bulldozer de  l’armée israélienne dans la bande de Gaza. Pour la troisième journée  Israël avait mené des incursions dans le territoire assiégé, assassinant  plus de 20 personnes dont un enfant.
En 2008, Barack Obama, alors candidat démocrate à la  présidentielle, cédait devant les électeurs pro-israéliens et devant  Israël en promettant dans un discours adressé à l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), que Jérusalem serait pour toujours « la capitale indivisible d’Israël. »
Trois ans plus tard, Obama est à nouveau en pré-campagne  électorale en vue d’améliorer ses chances de réélection en 2012. Dans  le cadre de cette campagne, il a fait quelques timides tentatives pour  relancer un « processus de paix » au point mort, mais selon les  conditions d’Israël.
Dans son dernier discours adressé à l’AIPAC, Obama a  fait acte de complète allégeance à Israël en réaffirmant le soutien de  l’Amérique aux objectifs politiques et sécuritaires d’Israël. Son  discours a nié le droit des Palestiniens à déclarer l’existence de leur  nation et il a même promis de bloquer tous les efforts de Palestiniens  pour faire valoir leurs droits auprès des organisations internationales.
Obama a évoqué du bout des lèvres  « l’autodétermination » pour les Palestiniens mais ce n’est rien de plus  que de la rhétorique vide de sens - alors qu’il a clairement laissé  entendre que les intérêts israéliens, en particulier ses intérêts  sécuritaires, demeureront la priorité de la politique étrangère  américaine dans la région.
Il a mécaniquement répété son engagement à la vision  d’une solution à deux Etats - l’établissement d’un Etat palestinien aux  côtés d’Israël. Toutefois, comme on pouvait s’y attendre, il subordonne  la question des frontières et des conditions de création d’un tel Etat  aux « intérêts de sécurité » d’Israël.
Qu’il ait évoqué la reprise de négociations de paix sur  la base des frontières de 1967 (également connues sous le nom de « Ligne  verte ») ne signifie ni un retrait israélien complet des territoires  occupés, ni la création d’un Etat palestinien souverain sur l’ensemble  des terres à l’intérieur de cette « Ligne verte », dont Jérusalem-Est.
Il y a une différence significative dans le « jargon »  des  négociations, et même dans le langage juridique, entre évoquer la  création d’un Etat palestinien « basé sur » les frontières de 1967 et  dire qu’un tel Etat « sera établi sur » les frontières de 1967.
La première expression laisse beaucoup de marge à Israël  pour continuer d’occuper et même d’annexer de vastes blocs de colonies  (et peut-être  même la totalité de toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie et à  Jérusalem-Est, toutes illégales au regard du droit international) pour  « des raisons de sécurité. »
Prenez ce que vous pouvez
Juste au cas où sa base pro-israélienne aurait mal compris ses déclarations  à peine voilées dans son discours sur le Moyen-Orient vendredi dernier,  Obama n’a pas manqué de préciser que selon son point de vue  définitivement pro-israélien, il n’y avait pas à revenir aux frontières  1967.
« [La déclaration] signifie que les parties elles-mêmes -  les Israéliens et les Palestiniens - vont négocier une frontière qui  est différente de celle qui existait le 4 juin, 196 ... Il incombe à ces  parties de tenir compte des changements qui ont eu lieu au cours des  dernières 44 années, y compris  de la nouvelle réalité démographique. »
En termes plus clairs, le président dit effectivement,  bien que non explicitement, qu’il tire un trait d’égalité entre la  présence des Palestiniens sur leur propre terre et la présence illégale  de colons israéliens installés sur des terres volées aux Palestiniens  ces 44 dernières années.
Cela revient à dire que - malgré le fait que les colons  vivent sur cette terre illégalement en vertu du droit international -  parce qu’ils sont physiquement établis là, la terre deviendrait la leur.
Cela confirme la conviction de beaucoup de personnes  dans la région que la construction de colonies israéliennes et du Mur  d’Apartheid à l’intérieur des frontières de 1967 est le moyen utilisé  par Israël pour imposer progressivement une annexion de facto des terres palestiniennes.
Ces dernières déclarations d’Obama sont peut être celles qui sont les plus proches d’une simple légitimation des colonies israéliennes.
Le message d’Obama à Israël semble confirmer qu’il est  prêt à maintenir la promesse de l’ancien président George Bush faite en  2005 :  qu’Israël serait en mesure de garder ses principaux blocs de  colonies à l’issue de n’importe quelle solution négociée du conflit.
En d’autres termes, l’idée d’Obama d’une  autodétermination palestinienne est que les Palestiniens acceptent tout  ce qu’Israël décide.
Dans son discours devant l’AIPAC, et dans le discours  précédent sur le Moyen-Orient, Obama semble avoir été soit en dehors de  tout contact avec - ou a tout simplement ignoré - les changements amenés  par le printemps arabe. Puis il a ensuite soutenu l’idée qu’Israël  devait comprendre que le printemps arabe avait modifié l’équilibre  politique dans la région, et qu’il lui fallait maintenant faire la paix  non pas avec des dirigeants arabes corrompus mais avec les peuples  arabes eux-mêmes.
Tant d’espoir de changement...
En fait, quand il s’agit de la cause palestinienne,  Obama parle et agit comme si le printemps arabe n’avait pas eu lieu. Il  ne faut pas oublier que même les plus fidèles alliés arabes de  l’Amérique dans la région ne pouvaient pas soutenir ouvertement la  formule américano-israélienne pour faire la paix avec les Palestiniens.  Alors, pourquoi cela serait-il acceptable pour des millions et des  millions d’Arabes pro-palestiniens ?
Le printemps arabe peut avoir influé sur la sémantique  du discours américain sur les droits des Palestiniens, mais il n’a pas  créé de près ou de loin le moindre changement dans la politique  américaine.
Une fois de plus, Obama a succombé au chantage politique  de Netanyahu - dont le principal objectif en accumulant les embûches  pour un quelconque processus de paix est de faire en sorte qu’Israël  poursuive tranquillement ses politiques expansionnistes, et sans aucune crainte face aux timides sollicitations du président.
Oui, il ne fait aucun doute que Netanyahu ne veut  entendre aucune référence aux frontières de 1967 dans ce discours, car  Israël est actuellement en train de dessiner militairement ses propres  frontières, et il ne peut pas avoir mal interprété les déclarations clairement pro-israéliennes d’Obama.
Comme le président américain l’a souligné dans son  discours, il a bien insisté sur sa déclaration de « plein engagement »  vis à vis des intérêts israéliens et de ses exigences sécuritaires :  « C’est pourquoi nous avons augmenté la coopération entre nos forces  armées à des niveaux sans précédent. C’est pourquoi nous rendons  disponibles pour nos alliés israéliens nos technologies les plus  avancées. »
« Et c’est pourquoi, malgré une période financière  difficile, nous avons augmenté le financement militaire vers l’étranger à  des niveaux records. »
Obama n’a pas seulement été clair dans son maintien d’un  plein soutien américain à Israël, mais il a également formulé une  nouvelle prise de position qui confirme explicitement la politique  américaine de longue date visant à bloquer tous les efforts pacifiques  palestiniens à travers le droit international et l’Organisation des  Nations Unies.
« ... Les États-Unis vont s’opposer à tout effort visant  à condamner Israël devant les Nations Unies ou devant n’importe quelle  instance internationale. Parce que la légitimité d’Israël n’est pas un  sujet de débat », a-t-il affirmé devant le rassemblement des supporters  les plus motivés et les plus influents d’Israël.
En prenant parti pour Israël contre le projet de  l’Autorité palestinienne de solliciter l’Assemblée Générale des Nations  Unies pour la reconnaissance d’un Etat palestinien sur les frontières de  1967, les États-Unis ont de fait déclaré la guerre à tous les  Palestiniens, à l’Autorité palestinienne et à tous ceux qui militent  [pour une paix juste].
Sans vergogne, les Etats-Unis feront tout pour invalider  toute tentative des Palestiniens par des moyens légaux et pacifiques de  contester la colonisation israélienne de leurs terres.
Mais en qualifiant à l’avance  de tentatives de  « délégitimation » d’Israël les campagnes visant à la reconnaissance  d’un Etat palestinien, le président reconnait involontairement  que les  politiques israéliennes elles-mêmes manquent de légitimité.
Un discours fondé sur les droits ?
Bien que l’affirmation d’Obama selon laquelle la  reconnaissance devant les Nations Unies ne suffit pas à créer un Etat  palestinien, est techniquement juste, cette initiative refera de la  question [palestinienne] une question juridique concernant les droits -  et qui ne sera alors plus définie par les préoccupations sécuritaires  d’Israël comme cela a toujours été le cas dans le passé.
Cette reconnaissance par les Nations Unies, bien  entendu, ira dans le sens de l’instauration d’un Etat palestinien défini  par les frontières de 1967 - ce qui signifie que toutes les colonies  israéliennes dans cette frontière devront être évacuées. Sans cela, elle  ne ferait que légitimer et perpétuer la formule américano-israélienne  des négociations.
Mais Obama n’a pas pris de risques en vue de promouvoir la paix...
Il craint de contredire des décennies de politique  américaine qui ont eu pour but de s’opposer à toute résolution des  Nations Unies relative aux crimes israéliens, et il craint aussi  d’inaugurer un nouveau discours sur le conflit qui serait fondé sur les  droits.
Ce n’était pas une surprise non plus quand Barack Obama a déclaré que l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas,  signé plus tôt ce mois-ci, était un « obstacle » à la paix dans la  région. Après tout, dans son état d’esprit purement pro-israélien, toute  tentative visant à l’unité palestinienne - quelle que soit sa faiblesse  - ne sert pas les intérêts d’Israël et de ses méthodes éprouvées de  « diviser pour régner » qui ont empêché tout progrès réel depuis des  années.
Le refrain répété d’Obama selon quoi le Hamas n’est pas  un partenaire de paix acceptable sonne non seulement comme un disque  rayé, mais aussi comme une excuse boiteuse pour l’extrémisme et  l’intransigeance des Israéliens.
S’il veut savoir qui sont les véritables partenaires  « inacceptables », tout ce qu’il a à faire est d’obtenir une  transcription anglaise des débats à la Knesset (le parlement israélien)  et de lire comment les députés de droite traitent les Arabes  « d’animaux » et profèrent toutes sortes d’insultes racistes à  l’encontre ses Palestiniens.
Mais si Obama est prêt à encourager les politiques  israéliennes telles que « les transferts de terres », dont le but est de  déplacer l’ensemble des communautés palestiniennes et se référer à ces  transferts comme à de simples « changements démographiques », alors  pourquoi se préoccuperait-il de la rhétorique raciste et des menaces  venant des Israéliens de droite ?
Dans son dernier discours, Obama ne mentionne pas une  fois les événements qui ont eu lieu lors des manifestations du 15 mai à  l’occasion de la « Journée de la Nakba ». Au cours de ces manifestations  pacifiques, l’armée israélienne a réagi de façon prévisible et de la  seule façon qu’elle connait : en tirant à l’aveuglette sur des  manifestants non armés. Au cours de la fusillade, plus de 20 personnes  ont été assassinées aux frontières syriennes et libanaises.
Peut-être  la partie la plus troublante du discours d’Obama est sa volonté  choquante d’adopter la version israélienne et de nier complètement les  droits nationaux palestiniens.
A la fin de son discours, l’affirmation d’Obama selon  laquelle l’histoire d’Israël pourrait être caractérisée par une lutte  pour la liberté (une répétition de son discours de 2008 devant l’AIPAC)  résume le tout. 
Le président américain refuse de voir l’oppression israélienne et la répression. Il refuse de reconnaître la légitimité de la lutte palestinienne pour la liberté - parce que s’il le faisait, il risquerait de nuire grandement à ses chances de gagner un second mandat en tant que président des États-Unis.
Le président américain refuse de voir l’oppression israélienne et la répression. Il refuse de reconnaître la légitimité de la lutte palestinienne pour la liberté - parce que s’il le faisait, il risquerait de nuire grandement à ses chances de gagner un second mandat en tant que président des États-Unis.
* Lamis Andoni est analyste et commentatrice pour le Middle Eastern and Palestinian Affairs
23 mai 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://english.aljazeera.net/indept...Traduction : Claude Zurbach