Benjamin Barthe
Dans  une lettre ouverte, une vingtaine de personnalités de la gauche  israélienne, comme Avraham Burg, ancien président de la Knesset et de  l’Agence Juive, appellent les Etats européens à voter en faveur de  l’indépendance de la Palestine, au mois de septembre prochain, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies [1].
Fort du blanc-seing de la  Banque Mondiale et du FMI qui ont estimé dans de récents rapports que  l’Autorité palestinienne disposait d’institutions dignes d’un Etat, le  président palestinien est déterminé à faire reconnaître la Palestine comme un membre à part entière de l’ONU, en obtenant le soutien des deux tiers des Etats membres.
Prenant acte de l’intransigeance du premier ministre  israélien Benyamin Netanyahou, exprimée mardi 24 mai dans un discours  devant le Congrès américain, et du renoncement de la Maison Blanche à  exercer de réelles pressions sur lui, les signataires appellent les  capitales européennes à reconnaître un Etat palestinien sur les  frontières de 1967, avec échanges de territoires de taille équivalente  et Jérusalem-est pour capitale.
"En tant qu’Israéliens, nous déclarons que le jour où  les Palestiniens proclameront leur indépendance dans un Etat souverain,  destiné à vivre dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël, nous  soutiendrons cette proclamation", peut on lire dans le document qui doit  être rendu public vendredi 27 mai et que Le Monde s’est procuré en  avance.
A Washington, sous les applaudissements des  "congressmen", Netanyahou avait écarté tout retrait sur les lignes de  1967 et toute division de Jérusalem, deux paramètres communément  considérés comme les conditions sine qua non à tout règlement du conflit  au Proche-Orient.
Outre Avraham Burg, un ex-baron du parti travailliste,  reconverti en pourfendeur des dérives du sionisme depuis qu’il a quitté  la politique en 2004, la lettre a été paraphée par d’anciens hauts  responsables de l’appareil d’Etat israélien comme Michaël Ben Yaïr,  procureur général dans les années 90, par plusieurs sommités du monde de  la recherche, comme les philosophes Yirmiyahou Yovel et Avishaï  Margalit ainsi que par des vedettes de la scène culturelle, comme le  romancier Nir Baram.
"LA PAIX PRISE EN OTAGE PAR LE ‘PROCESSUS DE PAIX’"
"La paix a été prise en otage par le ‘processus de  paix’, écrivent les pétitionnaires. La continuation de la colonisation  en Cisjordanie et à Jérusalem-est (…) démontre que l’actuelle direction  israélienne utilise le processus de paix comme une manœuvre de diversion  plutôt qu’un moyen de résoudre le conflit ".
Le timing de la publication coïncide avec une tournée en  Europe du président américain Barack Obama, durant laquelle il devrait  s’efforcer de dissuader ses interlocuteurs de soutenir la stratégie  onusienne de Mahmoud Abbas  et de son Premier ministre Salam Fayyad. Si le président français  Nicolas Sarkozy a laissé entendre dans un entretien à L’Express qu’il  pourrait répondre favorablement à la demande palestinienne, Londres et  surtout Berlin semblent moins disposés à le faire.
" Nous sommes réalistes, nous savons qu’aussi  prestigieux soient-ils, nos signataires ne peuvent pas grand-chose face à  la détermination diplomatique américaine, affirme Hillel Ben Sasson,  l’un des initiateurs de la lettre ouverte, membre du comité de  solidarité avec Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-est, menacé par  la colonisation juive. Mais nous voulons faire comprendre aux Européens,  qu’après la visite désastreuse de Netanyahou à Washington, c’est à eux  qu’il appartient de nous sauver de nos dirigeants. S’ils disent oui à  l’Etat palestinien en septembre, nous avons une chance d’empêcher un  nouveau bain de sang et de relancer les négociations de paix sur la base  d’une plateforme décente".
A la fin du mois d’avril, à Tel Aviv, plusieurs dizaines  d’artistes et d’intellectuels israéliens, dont le professeur de  sciences politiques Zeev Sternhell, avaient déjà lancé un appel à la  création d’un Etat palestinien, face au bâtiment même où l’Etat d’Israël  avait été proclamé, en 1948.
Ces initiatives, qui tentent de ressusciter le camp de  la paix, tombé dans le coma durant la seconde Intifada, ne semblent pas  émouvoir l’opinion publique. Selon un sondage publié par le quotidien  Haaretz, 47% des Israéliens estiment que le voyage de Netanyahou à  Washington est un "succès" et seulement 10% le voient comme un "échec".