Abdel Bari Atwan - Al Quds Al Arabi 
          Difficile de comprendre « l’assaut » de concessions gratuites  que se  permettent  l’Autorité et ses dirigeants. Tout aussi  incompréhensible le silence polaire qui les entoure dans les milieux  Palestiniens, écrit Abdel Bari Atwan.         
Abbas  [à d.], ex-président de la défunte Autorité Palestinienne et actuel  chef de son résidu, l’Autorité de Ramallah, reçoit ici Joe Biden,  vice-président américain et connu comme sioniste fanatique. L’Autorité  de Ramallah dépend totalement des financements américains et européens  et du bon vouloir israélien. Mahmoud Abbas n’a strictement aucun moyen  [à condition qu’il en ait le souhait]  de s’opposer aux volontés de ses  mentors - Photo : AP
Après les déclarations  « indécentes » de M. Yasser Abd  Rabo, secrétaire général du Comité exécutif « instance périmée » de  l’OLP, par lesquelles il affirme reconnaitre le caractère juif de l’Etat  d’israel en contrepartie d’une carte de celui-ci fixant nettement ses  contours et frontières,  voilà qu’à son tour et une fois de plus,  son  président Abbes nous assène  un choc  par une « Fatwa » plus grave : sa  disposition à décréter la fin du conflit assortie de renonciation aux  revendications historiques palestiniennes dès règlement négocié entre  les parties devant aboutir à la création de l’Etat Palestinien à   l’intérieur des lignes du 4 juillet 1967.
Il n’est pas question ici de simples ballons d’essai   mais d’un plan méthodique mûrement réfléchi qui vise, entre autres à  préparer l’opinion publique en Palestine à un règlement fondé sur  l’abdication totale aux préalables israéliens parmi lesquels figurent  l’abandon du Droit au retour, la reconnaissance de la judaïté de l’Etat  d’Israël et l’acceptation d’échanges de populations en sus de celui des  territoires.
M. Salem Fayadh se dit déterminé à proclamer la  naissance de l’Etat Palestinien avant le mois de Septembre prochain ; de  son côté Obama  affirme ne concéder aux pourparlers en cours qu’un  délai n’excédant pas l’année et qui devront aboutir à la création d’un  Etat Palestinien  membre de la société des nations et qui prendra part  es qualité aux réunions de la prochaine  Assemblée Générale qui se  tiendra, justement en Septembre prochain. Les deux affirmations ne sont  pas que pure coïncidence ordinaire !
M. Fayadh a opté pour la presse et les dirigeants des  communautés juives pour faire ces déclarations. Ce choix n’est pas  fortuit mais délibéré. Car à travers ces lucarnes juives, c’est aux  Palestiniens et derrière eux aux Arabes qu’il s’adresse en vérité,  quoique de façon indirecte pour leur signifier qu’ils doivent revoir à  la baisse  leurs ambitions  et renoncer aussi bien aux rêves qu’aux  légitimes espoirs. Ensuite mais directement cette fois, c’est aux  Israéliens eux-mêmes qu’il s’adresse pour les rassurer quant à  la  sécurité future de l’Etat d’Israël et de son peuple grâce à la  protection qui sera gracieusement assurée par leurs voisins   Palestiniens, entendre par là leurs ex et actuels domestiques.
Quiconque aurait entendu les propos obséquieux et  quémandeurs de hauts fonctionnaires de l’Autorité ne peut que partager  notre point de vue,  entendre M. Saeb Erakat entamer un  message à  l’intention des Israéliens par ces mots :   « Nous avons commis des  péchés à votre encontre ; veuillez nous en absoudre »  c’est saisir à  coup sûr l’ampleur de la dérive dans laquelle s’engagent l’Autorité et  ses responsables.
Un spectacle de négociations au point-mort s’offre à  nous en ce moment, on ne sait pas si la scène est truquée ou non,  si  les actes qui s’y jouent ne sont pas un jeu théâtral, un leurre destiné à  nous abuser en créant en nous l’impression fallacieuse d’une  hypothétique et prétendue difficulté de tout règlement et ceci afin de  légitimer de futures concessions déjà projetées à  fonder sur divers  prétextes : inflexibilité d’Israël, manque ou absence d’alternatives  et/ou d’équilibre entre les parties, partialité américaine et  désintéressement  arabe pour la Cause Palestinienne.
Beaucoup ont cru à tort qu’il ne pouvait s’agir de la  part de M. Abd Rabo que d’une analyse personnelle ou d’un lapsus lorsque  celui-ci a lancé son « ballon d’essai » sur le caractère juif de l’Etat  d’Israël, mais depuis qu’on a vu son président lui emboîter le pas et  s’enfoncer encore plus dans les concessions jusqu’à affirmer être prêt à  renoncer à l’ensemble des droits historiques palestiniens, le doute  n’est plus permis pour ne pas conclure à l’identité de vues entre les  deux hommes et dire que  quelque chose serait en train de mijoter  quelque part  au moyen de négociations parallèles et  secrètes tout à  fait à l’instar de celles d’Oslo alors que se déroulaient celles dites  de Madrid.
Curieuse coïncidence s’il en est quand on se rappelle  que ce sont justement ces deux hommes M. Abbas et M. Abd Rabo qui furent  les principaux « marmitons » des premières négociations d’Oslo, qu’ils  ont tous deux initiées et menées à partir du QG établi pour l’occasion  dans les bas-fonds du bureau du premier à Tunis.
M. Abd Rabo, comme en témoigne son parcours politique  est « friand » de concessions gratuites, il se complaît énormément à  répondre favorablement aux exigences israéliennes pour démontrer   combien il est modéré et civilisé. Il est entré dans l’histoire comme  étant le premier responsable palestinien à avoir renoncé au Droit de  retour des réfugiés en signant de sa main en qualité de membre du Comité  Exécutif  de l’Organisation le document de Genève. Maintenant  il  ambitionne de renouveler cette « prouesse » par la reconnaissance de la  judéité d’Israël ce qui a pour effet de consolider ses amitiés  américaines et israéliennes.
Aujourd’hui on est en face d’un parcours  de concessions  qui nous  rappelle ses précurseurs initiés depuis 1974 par l’OLP  lorsque celle-ci accepta  les dix points reconnaissant implicitement  l’existence d’Israël et renonça à l’Etat laïque. Elle réitère la  reconnaissance d’Israël (en souscrivant par la suite aux décisions 242  & 338 du conseil de sécurité). Elle déclare l’indépendance mais  tombe dans les affres du gouffre des accords d’Oslo. Plus significatif  encore : M. Abbas est l’un des doctrinaires de cette tendance !
Le même scénario se répète en ce moment mais d’une  manière plus attentatoire aux constantes nationales. La première boucle  en fut la surprise réservée par  M. Abbas à ses hôtes du lobby juif à  Washington en Août dernier, alléguant un prétendu « Droit des juifs en  Palestine en tant que détenteurs de lointaines racines historiques ! »  Enhardi par l’absence de réactions populaires ou des factions, ce  dernier écoute sans réagir  le moins du monde les propos des leaders du  lobby juif parlant d’Etat juif en parlant d’Israël et ce, lors d’une  autre rencontre avec eux en marge des travaux de la dernière session de  l’Assemblée Générale des Nations Unies le mois dernier.
Le revoilà, encore plus encouragé par l’absence de  réactions, continuer sur sa lancée en violant tous les tabous et   franchissant toutes les lignes rouges. Parlant à un journal israélien il  se dit prêt à décréter la fin du conflit, à laisser choir tous les  Droits du Peuple Palestinien en échange d’un Etat Palestinien en  Cisjordanie et à Gaza !
On ne sait pas l’origine de pareils pouvoirs et   confiance en soi pour oser de telles concessions, lui qui ne possède nul  mandat et ne dispose d’aucune légitimité tant nationale que  constitutionnelle. Un président au mandat expiré depuis deux ans, qui ne  consulte aucune autre instance élue et qui ne respecte point l’opinion  de son peuple dont nous doutons encore une fois qu’il en reconnaisse  l’existence.
Nous ne pensons pas que le président Abbas soit à ce  degré d’ingéniosité politique pour oser de telles concessions gratuites  en dehors du cadre des négociations  sans plan préparé,  sans rôle à  jouer à lui assigné et sans un projet de règlement convenu dans ses  moindres détails et pas seulement dans ses grandes lignes.
L’homme a en effet rencontré plus de 17 fois à huis-clos  et en tête-à-tête Ehud Olmert et plus de 50 réunions entre les  délégations de négociateurs ont eu lieu. Il a par ailleurs eu plusieurs  autres réunions à huis-clos avec Netayahou. Il a été révélé lors de  rencontres avec la presse qu’il (le président Abbas)  est parvenu avec  Olmert à un projet de règlement substantiel dont copie a été présentée à  Netanyahou pendant les négociations indirectes. Si les négociations directes sont réellement, comme la rumeur le  suggère, chaotiques, que le courant ne passe pas entre Abbas et son  adversaire Netanyahou, comment expliquer alors, que le premier dîne chez  le second à Jérusalem occupée, que les deux échangent courtoisie et  anecdotes et que Abbas et ses accompagnateurs ne tarissent pas d’éloges à  propos des talents de cordon bleu de la femme de Netanyahou ? Est-ce là  comportement d’adversaires ou d’amis ?
Ce qui est  commis par  l’Autorité et ses dirigeants est  contraire à tous les usages. Le mouvement Fatah en premier lieu, le  reste des factions Palestiniennes en second et l’ensemble du Peuple  Palestinien en troisième -  tous -  sans exception,  sont entièrement et  pleinement  responsables  pour le silence observé,  par leur fébrilité   et par leur piètre  appréciation des dangers inhérents à cette  déviation et aux concessions qu’elle génère.
Notre reproche va  au mouvement  « Hamas » plus qu’à  tout autre, nous le lui disons avec amertume car, en tant que chef de  file des mouvements constitutifs  du camp de la résistance en Palestine   il aurait  « facilité » ces concessions en fermant les yeux sur la  pratique de certains de ses responsables ou considérés comme tels,  pratique  exactement comparable à celle de M. Abd Rabo : de leur propre  initiative, et sans qu’il ne leur soit demandé, ils ont proposé des  projets de règlement d’autant plus proches de ceux de l’Autorité que  de  tout autre, comme l’acceptation d’un Etat en Cisjordanie et à Gaza en  échange d’une trêve ou par la reprise de nouveaux  pourparlers de  réconciliation avec l’Autorité dont ils mettent,  par ailleurs en cause  la légitimité, la représentativité et  la capacité de traiter au nom du   Peuple Palestinien.
Ainsi en fut-il de la rencontre à Damas avec une  délégation de l’Autorité à laquelle il fut manifesté la propension au  retrait de nombre de réserves et d’oppositions à la feuille égyptienne  tout ceci en concomitance avec la poursuite des négociations directes  auxquelles le Hamas s’est déclaré farouchement opposé.
* Abdel Bari Atwan est  palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand  quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est  considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la  presse arabe.
http://alquds.co.uk/index.asp?fname...Traduction de l’arabe : Kamsa Méga