Amira Haas - Haaretz
Vous voulez réellement affaiblir le Hamas ? Prenez-le au dépourvu. Allez ouvrir les portes de Gaza - au mouvement normal des personnes, pas simplement aux cerises, aux rasoirs et à une poignée de musulmans pieux qui ont réussi à se frayer un chemin à travers la bureaucratie égyptienne.
Ouvrez le poste-frontière d’Erez. Vous verrez alors combien les Gazaouis aspirent à vivre.
Laissez les jeunes gens étudier à l’extérieur de la Bande de Gaza. Malgré l’exaspérante domination étrangère israélienne dans les enclaves palestiniennes de Cisjordanie, ces jeunes gens rencontreront une diversité qui est en voie d’extinction à Gaza. Ils découvriront qu’une telle diversité est préférable à la réalité monolithique imposée par le siège israélien et les politiques messianiques. Permettez aux étudiantes et aux enseignantes de découvrir leur pays et de voir que le monde est plus compliqué que ne le laisse entendre une télévision de propagande et la lutte pour l’obtention de colis de secours. Réfléchissez : des diplomates ont signalé que la plupart des camps d’été du Hamas à Gaza ont été fermés, les enfants préférant en majorité les camps organisés par l’UNWRA.
Arrêtez de suffoquer des fabricants réduits à la pauvreté depuis cinq ans. Faites front à ceux qui appellent au boycott et permettez aux chômeurs involontaires de trouver du travail en Israël. Voyons si le Hamas peut les en empêcher. Le centre d’appels des travailleurs, Kav La’oved, fera consciencieusement campagne contre leur exploitation, tandis que les organisations palestiniennes essaieront de les dissuader, en douceur ou non, de travailler en Israël.
Pourtant leur estime de soi, renforcée par le fait qu’ils pourront à nouveau subvenir aux besoins de leur famille, trouvera sa place dans de telles contradictions internes. Permettons au ciment et au fer de pénétrer à Gaza afin que les ingénieurs, les entrepreneurs et les peintres puissent reprendre le travail. Ils reconstruiront les décombres en même temps que leur attitude envers la vie.
Lorsque que les habitants de Hébron, de Nazareth et de pays étrangers se rendront sur la côte de Khan Yunis, ou qu’ils visiteront un centre culturel au nord du camp de réfugiés de Al-Shatti, leurs illusions au sujet des merveilles du régime religieux totalitaire se dissiperont. Plus vite on éliminera la quarantaine imposée aux Gazaouis depuis 20 ans, plus il sera dur au Hamas de resserrer la vis.
La légende apocryphe dit que la fermeture - c.-à-d. le régime de restrictions aux mouvements - a été imposée aux Palestiniens à cause du renforcement du mouvement islamique et des frappes terroristes contre les citoyens israéliens. Toutefois, la séquence des événements doit être lue en sens inverse : la politique de l’enfermement de masse a commencé en janvier 1991, avant les attaques suicides en Israël. Il s’agit d’une société à laquelle on a progressivement fermé l’accès au monde extérieur et qui a subi des variantes toujours plus sophistiquées de l’oppression israélienne et de l’absence de solutions concrètes de la part du leadership de l’OLP. Dans de telles circonstances, est-il étonnant que les émissaires terrestres d’Allah aient trouvé le chemin du coeur de la population ?
Si la politique du gouvernement israélien avait effectivement pour but de renverser le Hamas en interdisant les activités de production et de fabrication et en utilisant des formules mathématiques pour s’assurer que les animaux - excusez-moi, les êtres humains - ne soient pas nourris au-delà d’une ligne rouge, alors elle a lamentablement échoué. Cet échec était évident avant que la pression internationale n’ait obligé Israël à annuler les restrictions à l’entrée de biens de consommation. Grâce à leur célèbre seuil de résistance élevé à la douleur et à leur niveau d’endurance, les habitants de Gaza ont pu résister pendant les trois dernières sombres années. C’est à tort que cette résilience a été attribuée au Hamas.
Faisant montre de plus en plus de confiance et de suffisance, le Hamas consolide sa domination. Il est vrai que celle-ci consiste à étouffer les dissensions, à intimider et à opprimer la population (tout comme son rival, l’Autorité palestinienne). Mais grâce à un impressionnant talent d’improvisation, le Hamas apprend à servir la population et à répondre à ses besoin vitaux dans des circonstances extrêmement hostiles. Est-ce que les décideurs politiques qui ont conçu des restrictions draconiennes sont aussi fous que pour imaginer que l’interdiction du chocolat et des jouets ainsi que la destruction du secteur manufacturier susciteraient un soulèvement contre le Hamas ou convaincraient celui-ci de remettre les clés du pouvoir à Mahmoud Abbas ?
Il serait erroné de mettre en doute la sagesse de nos dirigeants. Peut-être ont-ils obtenu exactement ce qu’ils voulaient : renforcer le Hamas dans la Bande de Gaza, aussi bien pour perpétuer la division entre Gaza et la Cisjordanie que pour encourager une guerre perpétuelle de faible intensité (avec d’occasionnelles escalades).
C’est uniquement dans un tel contexte que nos dirigeants savent fonctionner tout en s’assurant l’appui de leur population.
http://www.haaretz.com/print-editio... Traduction : Anne-Marie Goossens