Pierre Puchot, Thomas Cantaloube
Au  pays de Oui-Oui, Barack Obama est président honoraire. Malgré un déluge  de commentaires positifs dans les médias, qui ont cru voir dans son  discours du 23 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU un pas en  avant vers la création et la reconnaissance d’un État palestinien, le  président américain n’a rien annoncé de notable, et encore moins de  nouveau. Il a, au contraire, délivré un speech qui tenait plus du « Si  tous les gars du monde décidaient d’être copains » que de la  démonstration d’une Amérique fermement engagée sur le dossier  israélo-palestinien.
Une grande partie de la  presse a interprété la phrase clé de son intervention comme le signal de  sa volonté de voir un État palestinien devenir membre de l’ONU d’ici un  an (« When we come back here next year, we can have an agreement that  will lead to a new member of the United Nations – an independent,  sovereign state of Palestine, living in peace with Israel »).
En fait, si l’on traduit exactement ce passage, et qu’on  le replace dans le contexte général de son discours, Barack Obama est  beaucoup plus vague et certainement pas aussi définitif : « Cette fois,  nous devrions nous appuyer sur les notions de tolérance qui sont au cœur  des trois grandes religions qui considèrent le sol de Jérusalem comme  sacré. Cette fois, nous devrions nous appuyer sur le meilleur de  nous-mêmes. Si nous le faisons, en revenant ici l’an prochain, nous  pourrons avoir un accord qui aboutira à l’inclusion d’un nouveau membre  aux Nations unies – un État de Palestine indépendant et souverain,  vivant en paix avec Israël. »
Non seulement le président américain ne donne aucune  indication réaliste sur la manière de parvenir à cet objectif, mais il  préface son annonce de plusieurs conditionnels. Précisons également  qu’il ne fait que répéter la position américaine régulièrement exprimée  depuis George W. Bush en 2002 sur la création d’un État palestinien.  Quant à la date d’un an, elle n’est pas vraiment mentionnée comme date  butoir, ou date souhaitable, mais simplement parce qu’il s’agit de la  prochaine assemblée générale de l’ONU.
Les Américains ont une expression pour ce genre de  rhétorique : le « wishful thinking », prendre ses désirs pour la  réalité. Comment qualifier autrement les deux paragraphes qui précèdent  cette mention d’un peut-être-futur-probable Etat palestinien ? Voici les  mots d’Obama : « Le conflit entre Israéliens et Arabes est aussi vieux  que cette institution. Et nous pourrons revenir ici l’an prochain, comme  lors des soixante années précédentes, et faire de longs discours à ce  sujet. (...) Ou, nous pouvons dire que, cette fois-ci, les choses seront  différentes – que nous ne laisserons pas le terrorisme, les aléas, les  imprécations, ou la basse politique se dresser sur notre chemin. Cette  fois, nous ne penserons pas à nous, mais à la petite fille de Gaza qui  ne veut pas avoir de limite à ses rêves, ou au petit garçon de Sderot  qui veut dormir sans le cauchemar d’une roquette lui tombant dessus. »  Gageons que seul un président américain peut se permettre ce genre de  discours sans tutoyer le ridicule.
La politique a beau souvent n’être faite que de belles  paroles, ce discours d’Obama n’a été nullement remarquable, sauf par ses  omissions : « Le moratoire israélien, juge Barack Obama, sur les  colonies a fait la différence sur le terrain et amélioré l’atmosphère en  vue des pourparlers. » Obama crédite donc Israël pour ses efforts, même  s’il rappelle que la position des États-Unis « est connue : nous  croyons que le moratoire devrait être étendu ».       C’est oublier que ce moratoire ne s’applique pas à Jérusalem-Est,  où Israël expulse chaque semaine des habitants palestiniens pour loger  des familles israéliennes. Que ce moratoire ne s’est appliqué que  partiellement à la Cisjordanie, tant les entorses y ont été nombreuses  depuis sa mise en place, le 25 novembre 2009. En témoigne le dernier  rapport annuel de l’ONG israélien La Paix maintenant.
Qu’au cours des années 2008 et 2009, le rythme de la  colonisation s’était accru de manière exponentielle, toujours selon les  rapports annuels de La paix maintenant. La construction de logements  dans les colonies israéliennes de Cisjordanie a pratiquement doublé  depuis le début 2008 par rapport à 2007, et a progressé sur le même  rythme en 2009.
Ce passage du discours d’Obama reprend en fait la ligne  initiée par la visite d’Hillary Clinton à Jérusalem, fin octobre 2009. À  la surprise générale, alors qu’Israël refusait de geler les  constructions en Cisjordanie, la secrétaire d’État américaine qualifiait  les efforts d’Israël de « sans précédent », convertissant ainsi la  diplomatie américaine à la notion de « gel partiel » mis en avant par le  gouvernement israélien.