Pierre Haski
Benyamin  Netanyahou, le premier ministre israélien, voudrait le beurre et  l’argent du beurre ou, dans son cas, la reprise de la colonisation ET  les négociations. Il n’est pas impossible qu’il obtienne gain de cause.  Mais ce qu’il n’aura pas en même temps, c’est la paix.
Une partie d’Israël était en  fête, dimanche soir, pour célébrer la fin du moratoire imposé à toute  nouvelle construction en Cisjordanie occupée. Il y avait dans les  reportages effectués auprès des colons et de leurs partisans, lors de la  reprise symbolique des constructions dans les colonies juives, une  ambiance de kermesse indécente au-dessus du volcan, de défi au reste du  monde qui désapprouve mais ne fait rien [1].
Pour ces Israéliens, le titre de propriété de ces terres  est de droit divin, et a donc une légitimité supérieure à ces  résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui sont simplement  l’émanation des hommes. Ils le disent sérieusement et, pour les avoir  rencontrés, ils le croient vraiment.
On attendrait d’un gouvernement d’un pays démocratique  qu’il attache, pour sa part, plus d’importance aux résolutions de l’ONU  qu’à la parole attribuée à Dieu… Pas en Israël (ni dans les autres pays  où une part de théocratie entre en ligne de compte dans la manière dont  ils sont gouvernés, comme… l’Iran) où, cyniquement ou pragmatiquement,  les « fous de Dieu », pas si fous que ça, en fait, ont toujours réussi à  tenir les partis laïques en otage.
Le dilemme de Mahmoud Abbas
Cette situation place une fois de plus les Palestiniens  devant une situation inextricable. Mahmoud Abbas, le pathétique  président de l’Autorité palestinienne, a accepté sous pression de  reprendre les négociations avec Israël sous l’égide américaine, sans  avoir obtenu d’assurance que le moratoire israélien sur la colonisation  serait prolongé.
Il est aujourd’hui sous pression d’accepter de  poursuivre ces négociations malgré tout, laissant les mains libres aux  Israéliens de continuer un processus qui menace l’idée même d’un Etat  palestinien auquel tout le monde, en paroles, apporte désormais sa  caution.
Qu’il accepte, et il continuera sa descente aux enfers  aux yeux des Palestiniens et ouvre un boulevard à ses rivaux islamistes  du Hamas ; qu’il refuse et il se retrouve sans stratégie de  substitution, déplaisant à ses parrains américains et européens qui  assurent le financement de son administration.
La position du premier ministre israélien est  indéfendable : s’il n’est pas capable aujourd’hui d’imposer un simple  moratoire à l’aile la plus extrémiste de sa coalition gouvernementale et  de l’opinion israélienne, qui peut croire qu’en cas d’accord avec les  Palestiniens aux négociations de Washington, il sera capable d’évacuer  les colons par la force, comme avait dû le faire Ariel Sharon pour  évacuer ceux de Gaza [2] ?
La démission d’Obama
La véritable interrogation ne devrait pas être celle de  Mahmoud Abbas, mais celle de Barack Obama. S’il était cohérent, c’est  sur Benyamin Netanyahou que devrait s’exercer sa pression pour qu’il  prolonge son moratoire le temps que dureront les négociations. Mais,  affaibli à l’intérieur et à quelques semaines des élections de  mi-mandat, il ne le fera pas.
C’est pourtant entre les mains du président des  Etats-Unis que reposent aujourd’hui les très maigres chances de ne pas  voir dérailler l’énième processus de paix.
L’alternative à la passivité ou à l’échec, on la  connaît. A ceux qui estiment que la Cisjordanie leur appartient parce  que Dieu l’a dit, répondra la violence de ceux qui, de l’autre côté,  pensent que Dieu leur a donné pour mission de chasser les colons. C’est  le prix de la lâcheté diplomatique.
[1] voir aussi Karim Lebhour dans la Croix
Le moratoire partiel imposé par le gouvernement de  Benyamin Netanyahou sur les constructions israéliennes en Cisjordanie  expirait hier.
Le sort du processus de paix au Proche-Orient se  joue peut-être ici, dans les rangés de maisons tracées au cordeau de  Shilo, l’une des 120 colonies juives de Cisjordanie dans lesquelles  vivent 300 000 Israéliens. Un panneau indique la mise en chantier d’un  nouveau lotissement : « douze maisons, cinq chambres. Vue panoramique.  Début des travaux immédiatement après la fin du gel », est-il précisé.
Le moratoire partiel imposé par le gouvernement de  Benyamin Netanyahou sur les constructions israéliennes en Cisjordanie  pendant dix mois expirait hier. Pour les Palestiniens, la fin du  moratoire pourrait bien signer l’arrêt prématuré des pourparlers de  paix. Le président Mahmoud Abbas n’a cessé d’affirmer qu’il ne négociera  pas « un seul jour » si Israël relance la colonisation dans les  territoires occupés. Ces tout derniers jours, les Américains pressaient  Palestiniens et Israéliens de trouver un compromis.
Yisrael Medad, résident de Shilo et représentant du  conseil régional de Samarie, ne se trouble pas pour autant. « Nous  allons mettre les bouchées doubles. Les bureaux d’ingénierie ont  travaillé sans relâche. Ces dix mois nous ont permis de faire toutes les  études de terrain et les paperasses en retard de ces deux dernières  années. Des centaines de projets sont prêts. On n’attend plus que la fin  du gel », se félicite-t-il.
Quelques kilomètres plus au nord, dans  l’implantation d’Ariel, l’impatience est la même. Avec près de 20 000  habitants, ses trottoirs pavés, son centre sportif et son théâtre, Ariel  est gratifiée du statut de ville à part entière par les autorités  israéliennes. Elle fait partie des « blocs » que l’État hébreu entend  conserver dans le cadre d’un accord avec les Palestiniens.
Le gel sur les constructions y a été vécu comme une  punition. « Les gens ne pouvaient même pas construire un patio »,  s’indigne Chen Keden, porteparole de la municipalité. La jeune femme  passe la main sur une carte de la ville : « Toute la partie sud est  encore constructible. Nous pourrions atteindre 35 000 habitants. »
Ces derniers jours, le comité de planification  s’est réuni pour approuver les constructions qui débuteront la semaine  prochaine. Le projet prioritaire : 100 unités de logements pour les  colons évacués de Gaza en 2005. Ariel se trouve à une quinzaine de  kilomètres de la frontière supposée avec Israël, à l’intérieur de la  Cisjordanie. « L’autoroute n° 5 va directement à Tel-Aviv. Ma femme  prend le bus le matin pour aller travailler. Nous sommes en Israël, pas  en territoire palestinien », dit Rouven Franks, un résident.
Ces derniers jours, les États-Unis ont pressé  Benyamin Netanyahou de prolonger le gel des constructions pendant trois  mois, le temps de définir les frontières du futur État palestinien et de  distinguer les implantations qui resteront sous contrôle israélien de  celles qui devront être évacuées. Le premier ministre israélien a  refusé. « Israël ne poursuivra pas le gel, mais ne construira pas non  plus les dizaines de milliers de logements planifiés », a-t-il déclaré,  appelant les colons à « faire preuve de retenue ».
« Le gouvernement va tenter de créer un goulot  d’étranglement en freinant l’obtention des permis de construire, prédit  Daniel Dayan, président du Conseil de Yesha, l’organisation  représentative des colons. Son prédécesseur Ehud Olmert avait déjà  utilisé ce procédé, mais nous avons suffisamment de poids politique pour  gagner cette bataille. » Pour ce résident de Ma’ale Shomron, une petite  implantation près de Qalqilya, il est hors de question de remettre en  question le « droit des Juifs à vivre partout où ils l’entendent » entre  le Jourdain et la Méditerranée. « Depuis ma maison, je vois les tours  de Tel-Aviv. Si un militant islamiste prend ma place, les roquettes  pleuvront sur la ville, poursuit-il. Nous sommes la première ligne de  défense du pays. Un État palestinien serait une menace existentielle  pour Israël. » http://www.la-croix.com/Les-colons-...
[2] voir  la Croix : Pourquoi Israël ne renonce-t-il pas à la colonisation