mercredi 21 juillet 2010

L'Autorité palestinienne refuse de délivrer des passeports aux Palestiniens de Gaza

Gaza - 20-07-2010
Par Rami Almeghari

Rami Almeghari est journaliste et professeur d'université dans la Bande de Gaza
Nidal Abdo vit dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de la Bande de Gaza. Il y a quatre ans, il était chez des amis dans le camp de réfugiés voisin d’al-Bureij, lorsque les chars israéliens sont entrés. Lorsqu’Abdo a essayé de fuir le secteur, les soldats israéliens l’ont blessé au pied gauche. A cause de la blessure, Abdo ne peut toujours pas marcher ni se tenir debout longtemps. Il a besoin qu’on lui insère une tige métallique dans le pied et parce que l’opération chirurgicale ne peut être effectuée dans la bande de Gaza, ses médecins l’ont adressé à des spécialistes à l'étranger.















Un jeune palestinien quittant Gaza tend son passeport à un fonctionnaire du Hamas au carrefour frontalier de Rafah (Wissam Nassar/MaanImages)

Au milieu de tous les obstacles qui empêchent les Palestiniens de Gaza de sortir du territoire assiégé, Abdo en rencontre un supplémentaire. Il a besoin d’un passeport et ces cinq tentatives pour en obtenir un ont jusqu’à maintenant échoué.
« Après trois semaines, un autre agence de voyage m’a téléphoné et m’a dit que les fonctionnaires ont refusé de me délivrer un passeport, pour des raisons de sécurité, » a dit Abdo à The Electronic Intifada alors qu’il revenait juste d’une visite médicale à Gaza ville. « Je suis membre du club de handball du camp de Nuseirat, et, Dieu merci, la plupart des membres de l’équipe sont considérés comme partisans du Fatah. » Ce qui est important pour Abdo, parce que de nombreux Palestiniens pensent que les passeports sont maintenant délivrés en fonction de leur appartenance politique.
L’Autorité palestinienne (PA) de Ramallah, contrôlée par le Fatah, dit cependant qu’elle ne délivre ni ne restreint les passeports en fonction de l’appartenance politique.
Ghassan Khatib, directeur du centre des médias de l’AP à Ramallah, a expliqué le problème à EI par téléphone : « Obtenir un passeport est un droit. Pourtant, récemment, le Ministère de l’Intérieur a observé quelques cas où les passeports étaient utilisés de façon illégale. Par conséquent, les demandes de passeport venant de Gaza sont passées au crible. Il peut donc y avoir du retard pour la délivrance d’un passeport, mais absolument aucune intention de refuser un passeport pour des motifs politiques ou intellectuels. »
La Bande de Gaza, où vivent 1,5 million de Palestiniens, est sous blocus israélien serré depuis que le Hamas a remporté les élections législatives en 2006. En 2007, le dirigeant de l’AP Mahmoud Abbas a limogé le gouvernement d’unité nationale dirigé par le Premier ministre Hamas Ismail Haniyeh, après que le Hamas ait mis en déroute, dans des combats sanglants, les milices loyales à Abbas qui tentaient de renverser le gouvernement dirigé par le Hamas.
Israël a renforcé encore davantage le blocus. Abbas a nommé son propre premier ministre « intérimaire » à Ramallah, qui a été reconnu par les gouvernements occidentaux alors même qu’il n’a jamais été confirmé par le Conseil Législatif Palestinien, comme l’exige la loi. En dépit de cette scission, la Bande de Gaza sous contrôle Hamas et la Cisjordanie sous contrôle Fatah doivent pourtant coopérer sur divers dossiers, dont la délivrance des passeports. Ceci sont maintenant émis à Ramallah et envoyés au Ministère de l’Intérieur à Gaza pour remise à leurs destinataires.
Le Ministre de l’Intérieur de Ramallah a récemment déclaré qu’il accélérait le traitement des demandes et qu’il émettait quotidiennement 500 à 800 passeports pour les habitants de Gaza, et qu’il espérait en envoyer 15.000 à Gaza d’ici la fin du mois.
Mais les responsables du gouvernement Hamas à Gaza affirment que l’AP à Ramallah retient ou refuse les passeports à quiconque est affilié au Hamas et que la Bande de Gaza a toujours besoin de dizaines de milliers d’autres passeports.
« Malheureusement, ce qui se passe est une conséquence de la division actuelle entre les Palestiniens, et le citoyen palestinien semble être la victime, » dit Ihab al-Ghussein, porte-parole du ministre de l’intérieur à Gaza. « Parmi ceux qui sont privés de passeports, la plupart sont des étudiants ou des patients. Nous avons besoin à Gaza d’au moins 10.000 passeports par mois et depuis août 2008, seulement 18.000 ont été émis. »
Récemment, le centre pour les droits de l’homme Al-Mezan, basé à Gaza, a déclaré que « l’appareil du renseignement général » de l’AP à Ramallah « a confisqué les passeports des Gazaouis en Cisjordanie, même après les avoir émis, ou a empêché les Gazaouis d’obtenir de nouveaux passeports, pour des raisons de sécurité. » Mais Al-Mezan dit également que « l’appareil de la sécurité intérieure du gouvernement de Gaza a confisqué les passeports de plusieurs Gazaouis. »
« Le problème réside dans deux choses, » a dit à The Electronic Intifada Samir Zaqout, chercheur à AlMezan-Gaza. « D’abord le gouvernement basé à Ramallah a rejeté les demandes de renouvellement ou d’obtention de passeports venant d’habitants de Gaza. Il s’est avéré que les Services secrets palestiniens en Cisjordanie étaient derrière ces refus, pour de soi-disant considérations sécuritaires. Entretemps, nous avons été surpris d’apprendre que le Service de la sécurité générale de Gaza avait confisqué les passeports de 45 habitants de Gaza, qui ont déjà déposé plainte chez nous. »
En réponse à ces accusations, le Ministre de l’Intérieur de Gaza al-Ghussein dit, « Si nous voulions traiter avec le gouvernement de Ramallah de manière réciproque, nous aurions pris une série de mesures à Gaza. Il y aurait donc eu confiscation de passeports. Si c’est le cas, cela a certainement eu lieu en accord avec la loi palestinienne. »
Al-Mezan a demandé aux autorités tant en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza de cesser de tels abus et de garantir « que chaque Palestinien jouisse de son droit constitutionnel à avoir un passeport. »
Après la création de l’Autorité Palestinienne pendant les accords d’Oslo de 1993, signés par Israël et l’OLP, elle a commencé à émettre des passeports aux résidents palestiniens en Cisjordanie occupée et dans la Bande de Gaza. Tous les pays au monde ne reconnaissent pas ces passeports, et tout Palestinien qui veut voyager a besoin habituellement d’une autorisation israélienne pour quitter ou rentrer dans leur pays car l’Autorité Palestinienne n’exerce aucun contrôle sur les frontières extérieures. Néanmoins, ils sont pour beaucoup de Palestiniens la seule possibilité de voyager à l’étranger.
Les étudiants, les patients qui veulent se faire soigner et ceux qui ont un permis de résidence dans un pays arabe voisin peuvent quitter Gaza par le terminal frontalier de Rafah sous contrôle égyptien quand il est ouvert, mais seulement s’ils sont en possession d’un passeport.
« Nier mon droit à un passeport est incompatible avec nos valeurs sociales et religieuses palestiniennes, » a déclaré Nidal Abdo. Mais comme des milliers d’autres Palestiniens, il attend toujours le sien.