Serge Dumont - Le Temps
Acculé par la pression internationale et alors que d’autres  flottilles promettent d’appareiller en direction de la bande  palestinienne verrouillée, l’Etat hébreu devra lâcher du lest. Mais il  ne veut surtout pas perdre le contrôle de la zone.         
L’expulsion par Israël de la quinzaine de passagers  embarqués par le Rachel Corrie, un navire irlandais  intercepté samedi alors qu’il tentait de forcer le blocus de la bande de  Gaza, a débuté comme prévu dimanche. Sans incident majeur. Mais les  dirigeants israéliens, qui insistent sur la différence entre les « mercenaires terroristes » du Marmara,  le navire turc arraisonné la semaine dernière, et les « militants  de la paix du Rachel Corrie », ne sont pas quittes du mouvement de  protestation contre le blocus de Gaza.
En effet, en Egypte, une petite flottille se prépare à  son tour à appareiller avec plusieurs députés cairotes à son bord. Et en  Turquie, des rumeurs prêtent au premier ministre turc Recep Tayyip  Erdogan l’intention de participer en personne à un nouveau convoi d’une  dizaine de bateaux censés prendre la mer dans environ deux mois. Mais  dimanche, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a  démenti vigoureusement cette éventualité.
Pour Israël, la pression internationale pour la levée du  blocus de Gaza est devenue intenable. Outre les prises de position  américaine et européenne, le Nicaragua a rompu ses relations  diplomatiques avec Israël et l’Afrique du Sud a rappelé son ambassadeur  pour consultation. Dans la foulée, les syndicats de dockers suédois ont  décrété le boycott des marchandises israéliennes alors que la Turquie  réduisait au minimum ses relations politiques et économiques avec I’Etat  hébreu. Au point que plusieurs liaisons aériennes entre Tel-Aviv et les  villes côtières turques ont été coupées ce dimanche.
Pour ajouter à cet isolement grandissant, le Vietnam a  demandé au président israélien Shimon Peres de reporter à une date  indéterminée le voyage officiel qu’il devait y effectuer à partir de  mardi. Or, le Vietnam est en passe de devenir un client important pour  l’industrie israélienne de l’armement. Un client susceptible de  remplacer la Turquie, qui a bloqué tous les contrats en cours.
A Gaza-City où le Hamas crie victoire, les médias  proches de l’organisation islamiste célèbrent dorénavant l’« intifada de la mer » qui va selon eux « briser  la volonté de l’ennemi sioniste ». En revanche, à Jérusalem, des  voix de plus en plus nombreuses s’élèvent en faveur d’un assouplissement  du blocus. « Cela ne peut plus continuer comme cela,  nous devons prendre une initiative et le temps presse », a déclaré  le ministre israélien des Infrastructures nationales Benyamin Ben  Eliezer. Quant à son collègue des Affaires sociales Ytzhak Herzog, il a  estimé que « le moment est venu de reconsidérer  l’embargo ». Notamment, selon lui, parce que la poursuite de « l’intifada des mers » aurait un « impact  catastrophique » pour l’image de leur pays. Ce qui explique sans  doute pourquoi Benyamin Netanyahou, le Premier ministre, a reconnu au  cours d’une réunion informelle des ministres de son parti, le Likoud,  que son pays « cherche des aménagements au blocus sans  nuire à la sécurité d’Israël et sans renforcer le potentiel militaire du  Hamas ».
Quelques heures après l’interception du Marmara, la  semaine passée, et alors que l’indignation internationale était à son  comble, l’entourage du premier ministre et celui de la secrétaire d’Etat  américaine Hillary Clinton ont entamé des pourparlers visant à définir  les conditions d’un aménagement du blocus de Gaza qui ne ferait pas  perdre la face à Israël.
Pour l’heure, l’appareil militaro-sécuritaire de l’Etat  hébreu (l’état-major, les services de renseignement) est opposé à une  telle « marque de faiblesse ». Mais deux solutions sont d’ores et déjà  envisagées. La première consiste en un contrôle des bateaux en route  vers Gaza effectué en mer par une force multinationale à créer et dont  Israël serait partie prenante. Quant à la seconde, elle envisage une  relâche obligatoire des bateaux à Ashdod où une inspection serait  effectuée par les Israéliens flanqués de délégués étrangers.
C’est d’ailleurs pour discuter de ces solutions que  Benyamin Netanyahou y a réuni dimanche les sept « super-ministres » du  cabinet de la Défense et de la politique. En fin de journée, rien  n’avait filtré de leurs débats à l’exception d’un éventuel allégement  substantiel de la liste des deux mille produits interdits d’entrée dans  la bande de Gaza.