Juan Cole
          Un épisode occulté de l’histoire vient de faire surface pour le  plus grand embarras d’Israël et des USA dans leur campagne contre le  programme d’enrichissement nucléaire iranien à des fins pacifiques de  Natanz près de Isfahan.         
Scène d’une répression cruelle à Soweto -  Est évidente la profonde analogie existant entre le traitement appliqué à  la population palestinienne par Israël et celui appliqué à la majorité  noire par les racistes blancs en Afrique du Sud de l’Apartheid.
Dans un interview récent, Tzahi Hanegbi, président du  Comité de Défense et des Affaires Etrangères de la Knesset en Israël a  dit :" Cela nous inquiète que l’Iran soit insensible aux pressions  mondiales et ne tienne pas compte des demandes de l’Agence  Internationale de l’Energie Atomique et de l’ONU, parce que le temps  presse". Dimanche dernier le Premier Ministre israélien Benjamin  Netanyahu a dit :"le plus gros danger auquel l’humanité aurait à faire  face, serait qu’un régime radical dont la cruauté n’a pas de limites  entre en possession d’armes nucléaires".
De telles explosions d’indignation à propos de l’Iran,  semblent un peu suspectes quand on sait qu’Israël refuse d’admettre que  lui-même possède un petit stock de têtes nucléaires. Toutefois s’il  était difficile par le passé de prouver l’existence de cet arsenal,  aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Selon les services secrets américains, l’Iran ne semble  pas posséder de programme nucléaire militaire, et son programme de  recherche nucléaire civil respecte les règles du Traité de Non  Prolifération Nucléaire. Le Conseil de Sécurité de l’ONU, cependant ne  cesse d’insister pour que l’Iran cesse d’enrichir de l’uranium, bien  qu’on ne comprenne pas ce qui autorise cet organe à modifier ainsi le  TNP à posteriori. Mais il est exact que l’Iran n’a pas informé l’ONU  comme il aurait dû le faire quand il a commencé à enrichir de l’uranium à  la fin des années 1990. Et il est tout aussi exact qu’aujourd’hui  l’Iran n’est pas aussi transparent avec les inspecteurs de l’Agence  Internationale de l’Energie Atomique que l’ONU le souhaiterait.
De leur côté, les hommes politiques iraniens comme le  porte parole du parlement Larijani et le Président Mahmoud Ahmadinejad  ont menacé de se retirer de l’accord conclu la semaine dernière avec la  Turquie et le Brésil selon lequel l’Iran enverrait une quantité  importante de son stock d’uranium faiblement enrichi en Turquie pour  être mis sous séquestre en échange de la fourniture par la communauté  internationale de combustible enrichi à la hauteur de 19, 75 pour cent  pour le réacteur qui produit des isotopes médicaux.
Barry Posen a démoli l’argument quelquefois brandi par  ceux qui veulent "renverser Téhéran" selon lequel l’Iran fournirait des  armes nucléaires à d’autres pays, y compris terroristes, s’il en avait.  Cet argument fait partie des nombreux arguments fantaisistes invoqués  contre Téhéran (puisque l’Iran n’a pas de bombe et n’en aura pas avant  au moins 10 ans et que ce n’est même pas prouvé, selon les services  secrets américains, qu’il cherche à en avoir).
On peut comprendre que l’allégation selon laquelle  l’Iran fournira les pays voisins si l’on ne l’arrête pas, revienne  hanter les artisans de la propagande pro-israélienne étant donné l’offre  secrète de Tel Aviv de fournir des armes nucléaires à l’Afrique du Sud.
Nétanyahu insiste sur le danger spécifique que l’Iran  fait courir au monde, pourtant peu de régimes furent aussi cruels et  menaçants pour leurs voisins que le régime d’Apartheid de l’Afrique du  Sud, et il est loin d’être avéré que l’Iran veuille des missiles pour la  même raison que l’Afrique du Sud.
Le Guardian dit avoir trouvé des textes de l’historien  Sasha Polakow-Suranski dans les archives sud africaines qui démontrent  qu’Israël avait proposé l’arme nucléaire à Prétoria en 1975. Ces  documents sont commentés en détail dans le livre de Polakow-Suranski  "l’alliance tacite : la relation secrète entre Israël et l’Afrique du  Sud de l’Apartheid". les comptes rendus et notes qui concernent  l’affaire ont été publiés par le Guardian.
Le gouvernement blanc sud africain semble avoir envisagé  d’acheter ces ogives nucléaires pour les utiliser éventuellement contre  leurs voisins noirs comme l’Angola, le Botswana, la Zambie et certains  des pays du Mozambique dans lesquels le régime criminel faisait des  raids. Il faut rappeler à quel point le régime d’Apartheid d’Afrique du Sud  était un régime inique, raciste et répressif. Des résolutions non  contraignantes du conseil de sécurité de l’ONU dès 1960 préconisaient de  ne pas vendre d’armes conventionnelles à ce régime, et encore moins des  armes atomiques ! (La vente d’armes fut interdite par l’ONU en 1977,  peu de temps après l’offre israélienne). L’impact de la suprématie  blanche imposée officiellement sur la santé et le niveau de vie de la  population était connu en 1978 :
Apartheid et le peuple d’Afrique du Sud.
| Noirs | Blancs | |
|---|---|---|
| Population | 19 millions | 4,5 millions | 
| Répartition des terres | 13% | 87% | 
| Part du revenu national | 20% | 75% | 
| Ratio du revenu moyen | 1 | 14 | 
| Revenu imposable minimum | 360 rands | 750 rands | 
| Docteurs / population | 1/44 000 | 1/400 | 
| Mortalité infantile | 20% urbaine | 2,7 % | 
| 40% rurale | - | |
| Dépense annuelle éducation par enfant | $ 45 | $ 696 | 
| nombre d’enfants par professeur | 1/60 | 1/22 | 
Tableau 1. traitement inégalitaire circa 1978. Source  [lco80] 
La coopération entre Israël et l’Afrique du Sud a même  été jusqu’à utiliser la Ligue Anti-diffamation, un organe soit disant  civil de défense des droits humains et de lutte contre l’antisémitisme,  pour espionner et causer des problèmes à des personnes et des  organisations de San Francisco qui soutenaient les Palestiniens ou  luttaient contre l’Apartheid sud africain.
L’embarras s’est aggravé à cause des similarités  croissantes entre la politique de l’Afrique du Sud contre les noirs sud  africains et la politique israélienne contre les Palestiniens. On a  l’impression que Gaza et la Cisjordanie se sont mises à ressembler aux  homelands crées pour les Sud Africains privés de leurs droits civiques  et devenus dans leur propre pays des étrangers soumis à un contrôle  permanent.
Mais il n’est pas certain que le gouvernement Sud  Africain d’Apartheid ait mis en place quelque chose d’aussi cruel que le  siège et le blocus de la bande de Gaza. Une flottille de volontaires  est en train d’essayer de briser ce blocus mais il est probable qu’elle  sera repoussée avant d’avoir pu débarquer l’aide humanitaire qu’elle  apporte aux habitants de Gaza à moitié morts de faim, et dont la moitié  sont des enfants.
Qu’il soit intentionnel ou non, l’inégalité de  traitement du Conseil de Sécurité de l’ONU en ce qui concerne d’une part  les armes nucléaires d’Israël (y compris les folles menaces voilées de  s’en servir et le dessein d’en fournir à d’autres pays) et d’autre part  le programme pacifique d’enrichissement de l’Iran qui ne mènera  peut-être jamais à la bombe a été mis en évidence par les révélations de  Polakow-Suranski. A cause de ces découvertes, il sera un peu plus  difficile aux USA et à Israël de convaincre d’autres états membres de  l’ONU que l’Iran est un état hors la loi qu’il faut sanctionner tandis  qu’Israël est inoffensif.
                24 mai 2010 - Juancole.com - Vous pouvez consulter cet  article à : 
http://www.juancole.com/2010/05/isr...
Traduction de l’anglais : Dominique Muselet
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Traduction de l’anglais : Dominique Muselet