Julien Salingue
Au cours des dernières semaines, la  question palestinienne a occupé, à plusieurs reprises, le devant de la  scène médiatique. A l’heure où nous écrivons, deux événements  cristallisent l’attention : le mini-scandale diplomatique consécutif à  l’annonce par le Ministère israélien de l’Intérieur, en pleine visite du  Vice-Président des Etats-Unis Joe Biden, de la construction de 1600  nouveaux logements dans les colonies de Jérusalem ; la reprise des  affrontements, à Jérusalem et dans plusieurs villes de Cisjordanie,  entre manifestants palestiniens, pour la plupart très jeunes, et forces  de sécurité israéliennes.
Décalage
Certains ont semblé surpris. Ne parlait-on pas, depuis  plusieurs mois, d’une « accalmie », propice à la « remise en route du  processus négocié » ? La reprise des visites d’émissaires européens et  états-uniens ne laissait-elle pas supposer qu’enfin, le « processus de  paix » allait pouvoir redémarrer ? Les deux protagonistes (Autorité  Palestinienne et Gouvernement israélien) n’avaient-ils pas déclaré,  chacun de leur côté, qu’ils étaient prêts à « faire des concessions » en  vue d’un « retour à la table des négociations » ? Enfin, la population  palestinienne ne bénéficiait-elle pas d’une « amélioration de ses  conditions de vie », élément favorable à un « retour de la confiance »  et à des « discussions en vue d’un accord global » ?
Les récents événements ont révélé à quel degré la  rhétorique diplomatique était en décalage flagrant avec la réalité du  terrain et à quel point les évolutions de la situation en Israël et dans  les territoires palestiniens étaient en totale contradiction avec ce  que véhiculent nombre de gouvernements et de médias occidentaux. Car ce  qui s’est produit ces dernières semaines n’est pas un accident : les  projets israéliens de colonisation de Jérusalem-Est et les  manifestations palestiniennes ne sont pas des dérapages qui viendraient  contredire une logique de fond « globalement positive ». Ce sont bien au  contraire les expressions les plus visibles des tendances lourdes à  l’œuvre au Proche-Orient.
Pour comprendre ce qui se trame en ce moment en Israël  et dans les territoires occupés, il est indispensable de s’élever  au-dessus du chaos des événements et de revenir sur la nature profonde  du conflit qui oppose Israël au peuple palestinien. Il ne s’agit  évidemment pas de dire que « rien ne change » et de se débarrasser de  l’actualité, mais bien d’analyser cette actualité en la situant dans  l’histoire du conflit, afin de percevoir ce qu’elle nous révèle quant  aux probables évolutions de la question palestinienne.
La fiction du « processus de paix »
Les mots ayant un sens, il convient d’interroger l’idée  même de « processus de paix », qui revient comme une ritournelle dans  l’actualité proche-orientale. Dans son acception la plus courante, le  « processus de paix israélo-palestinien » se serait ouvert au début des  années 1990, et se serait matérialisé par la signature des Accords  d’Oslo (1993-1994) qui promettaient, selon nombre de commentateurs et  diplomates, « la fin du conflit israélo-palestinien ». Ce « processus de  paix » aurait été à plusieurs reprises « interrompu », mais il  existerait toujours, suspendu au-dessus des événements, attendant d’être  « relancé ».
La réalité est bien différente, et les Palestiniens nous  l’ont rappelé à au moins deux reprises au cours des 10 dernières  années. En septembre 2000 tout d’abord, lorsque la population de Gaza et  de Cisjordanie s’est soulevée pour exprimer sa colère contre la  poursuite de l’occupation israélienne, de la colonisation et de la  répression. En janvier 2006 ensuite, lorsque les Palestiniens ont élu,  lors du scrutin législatif, un parlement largement dominé par le Hamas,  organisation politique alors ouvertement hostile au processus négocié et  prônant la poursuite de la résistance, y compris armée, contre Israël.
Les Palestiniens étaient-ils devenus fous ? Non. Les  Palestiniens, contrairement aux diplomates, vivent en Palestine. Ils ont  vu le nombre de colons implantés en Cisjordanie et à Jérusalem doubler  entre 1993 et 2000. Ils ont vu sortir de terre des centaines de barrages  israéliens et des dizaines de routes réservées aux colons, qui ont  subordonné le moindre déplacement au bon vouloir des autorités  israéliennes. Ils ont vu Jérusalem coupée du reste de la Cisjordanie.  Ils ont vu la Bande de Gaza coupée du reste du monde. Ils ont vu, à  partir de septembre 2000, une répression israélienne sans précédent, des  milliers de maisons détruites, des dizaines de milliers d’arrestations,  des milliers de morts et des dizaines de milliers de blessés. Ils ont  vu un mur, qui les enferme dans des ghettos. Ils n’ont vu ni paix, ni  processus.
Les Accords d’Oslo : l’occupation  par d’autres moyens
« Depuis le début, on peut identifier deux conceptions  sous-jacentes au processus d’Oslo. La première est que ce processus peut  réduire le coût de l’occupation grâce à un régime palestinien fantoche,  avec Arafat dans le rôle du policier en chef responsable de la sécurité  d’Israël. L’autre est que le processus doit déboucher sur l’écroulement  d’Arafat et de l’OLP. L’humiliation d’Arafat, sa capitulation de plus  en plus flagrante conduiront progressivement à la perte de son soutien  populaire. L’OLP va s’effondrer ou succomber à des luttes internes. (…).  Et il sera plus facile de justifier la pire oppression quand l’ennemi  sera une organisation islamiste fanatique » 1.
Ces lignes, écrites en février 1994 par l’Universitaire  israélienne Tanya Reinhart, semblent, a posteriori, prophétiques. Mais  Tanya Reinhart n’avait rien d’une medium : elle avait compris, avant  d’autres, ce qu’était réellement le processus d’Oslo. Quiconque lit de  près les textes signés à partir de 1993 se rend bien compte qu’il a  affaire à tout autre chose que des « accords de paix ». Des questions  essentielles comme l’avenir de Jérusalem, le sort des réfugiés  palestiniens, les colonies israéliennes… sont absentes des accords et  sont renvoyées à d’hypothétiques « négociations sur le statut final ».  On n’y trouve pas non plus mention du « retrait » de l’armée israélienne  des territoires occupés, mais seulement de son « redéploiement ».
Quelles qu’aient été les intentions ou les illusions des  négociateurs palestiniens quant à la constitution d’un hypothétique  « Etat palestinien », la vérité d’Oslo est ailleurs : Israël, qui occupe  alors toute la Palestine, s’engage à se retirer progressivement des  plus grandes agglomérations palestiniennes et à en confier la gestion à  une entité administrative conçue pour l’occasion, l’Autorité  Palestinienne (AP). L’AP doit prendre en charge la gestion de ces zones  et faire la preuve qu’elle est capable d’y maintenir le calme, au moyen  notamment d’une « puissante force de Police » 2 Tout « progrès » dans le  processus négocié est subordonné aux « bons résultats » de l’AP dans le  domaine sécuritaire. L’occupation et la colonisation se poursuivent, et  l’AP est chargée de maintenir l’ordre dans la société palestinienne.  L’ordre colonial, donc 3 .
Les contradictions d’Israël et du  sionisme
Les Accords d’Oslo n’ont été, dans leur logique, qu’une  réactualisation d’un vieux projet israélien connu sous le nom de « Plan  Allon ». Du nom d’un Général travailliste, ce plan, soumis au Premier  Ministre israélien Levi Ehskol en juillet 1967, entendait répondre à la  situation nouvelle créée par la Guerre de juin 1967, au terme de  laquelle Israël avait conquis, entre autres, toute la Palestine. Ygal  Allon avait identifié, avant beaucoup d’autres, les contradictions  auxquelles Israël et le projet sioniste seraient tôt ou tard confrontés,  et se proposait de les résoudre le plus pragmatiquement possible.
Lorsqu’à la fin du 19ème Siècle le jeune mouvement  sioniste se fixe pour objectif l’établissement d’un Etat juif en  Palestine, 95% des habitants de ce territoire sont des non-juifs.  Convaincus que l’antisémitisme européen révèle l’impossibilité pour les  Juifs de cohabiter avec les nations européennes, les sionistes  préconisent leur départ vers la Palestine afin qu’ils y deviennent  majoritaires et puissent y établir leur propre Etat. Le premier Congrès  sioniste (1897) entérine donc le principe de la « colonisation  systématique de la Palestine », à une époque où nationalisme sur une  base ethnique et colonialisme ont le vent en poupe.
C’est en novembre 1947 que l’ONU adopte le principe du  « partage de la Palestine » entre un Etat juif (55% du territoire) et un  Etat arabe (45%). Les Juifs représentent alors environ 1/3 de la  population. Les armées du nouvel Etat d’Israël vont conquérir  militairement nombre de régions théoriquement attribuées à l’Etat  arabe : en 1949, Israël contrôle 78% de la Palestine. Afin que soit  préservé le caractère juif de l’Etat, les non-Juifs sont  systématiquement expulsés : 80% des Palestiniens, soit 800 000 d’entre  eux, sont contraints à l’exil. Ils n’ont jamais pu retourner sur leurs  terres.
La Guerre de 1967 a été une « Guerre de 1948 ratée ». Si  la victoire militaire israélienne est incontestable et si Israël  contrôle 100% de la Palestine, cette fois-ci les Palestiniens ne sont  pas partis. Or Israël prétend être un Etat « juif et démocratique » :  attribuer des droits aux Palestiniens, c’est renoncer au caractère juif  de l’Etat ; ne pas leur en attribuer, c’est renoncer à ses prétentions  démocratiques. Allon propose donc d’abandonner les zones palestiniennes  les plus densément peuplées en leur attribuant un semblant d’autonomie  tout en conservant le contrôle sur l’essentiel des territoires conquis :  quelques îlots palestiniens au milieu d’un océan israélien.
De la guerre des pierres à  l’Intifada électorale
Oc-an2.jpgC’est la philosophie du Plan Allon qui guide  les gouvernements israéliens dans les années 70 et 80, même s’ils  repoussent autant que possible le moment où ils accorderont quelques  droits aux Palestiniens. La 1ère Intifada (déclenchée fin 1987),  soulèvement massif et prolongé de la population de Cisjordanie et de  Gaza, change la donne. Au tournant des années 90 la question  palestinienne est un facteur d’instabilité au Moyen-Orient, zone  stratégique sur laquelle les Etats-Unis veulent assurer leur emprise  après la chute de l’URSS. L’administration US contraint Israël à  négocier : ce sont les Accords d’Oslo, qui « offrent » aux Palestiniens…  un semblant d’autonomie sur les zones les plus densément peuplées.
Ytzak Rabin, souvent présenté comme « celui par lequel  la paix aurait pu arriver », était très clair : « L’Etat d’Israël  intégrera la plus grande partie de la Terre d’Israël à l’époque du  mandat britannique, avec à ses côtés une entité palestinienne qui sera  un foyer pour la majorité des Palestiniens vivant en Cisjordanie et à  Gaza. Nous voulons que cette entité soit moins qu’un Etat et qu’elle  administre, de manière indépendante, la vie des Palestiniens qui seront  sous son autorité. Les frontières de l’Etat d’Israël (…) seront au-delà  des lignes qui existaient avant la Guerre des 6 jours. Nous ne  reviendrons pas aux lignes du 4 juin 1967 » 4. Il ajoutait plus loin  qu’Israël annexerait la majorité des colonies et conserverait la  souveraineté sur Jérusalem, sa « capitale une et indivisible », et sur  la Vallée du Jourdain.
La population palestinienne constate rapidement  qu’Israël n’a pas l’intention de renoncer à contrôler la quasi-totalité  de la Palestine : la colonisation s’accélère, les expulsions se  multiplient et les Palestiniens sont de plus en plus cantonnés dans des  zones encerclées par l’armée et les colonies. Tandis que la situation de  la population se dégrade, une minorité de privilégiés, membres ou  proches de la direction de la nouvelle Autorité Palestinienne,  s’enrichit considérablement et coopère avec Israël de manière ostensible  dans les domaines sécuritaire et économique : en septembre 2000, les  Palestiniens se soulèvent de nouveau.
La « 2ème Intifada » est écrasée par Israël, qui va en  outre marginaliser Yasser Arafat, considéré comme trop réticent à signer  un accord de reddition définitive. Israël et les Etats-Unis favorisent  l’ascension de Mahmoud Abbas (Abu Mazen) qui participera, par exemple, à  un sommet avec Bush et Sharon, en juin 2003, alors qu’Arafat est  enfermé à Ramallah. A la mort du vieux leader, Abu Mazen sera mal élu  Président de l’Autorité Palestinienne en janvier 2005 (participation  relativement faible, pas de candidat du Hamas). Abu Mazen ayant besoin  d’une légitimité parlementaire pour faire accepter un accord avec  Israël, des élections législatives sont organisées en janvier 2006. La  victoire du Hamas est sans appel : par son vote, la population a  clairement signifié son refus de toute capitulation et sa volonté de  continuer à lutter.
La fin de la parenthèse d’Oslo
La victoire du Hamas a révélé le caractère totalement  irréaliste du « projet Oslo », entendu comme la possibilité de régler la  question palestinienne par la constitution de cantons administrés par  un gouvernement indigène qui serait à la fois conciliant avec Israël,  légitime et stable. Mais la « communauté internationale » n’a rien voulu  entendre : boycott du gouvernement Hamas, soutien au blocus israélien  sur Gaza, reconnaissance du « gouvernement d’urgence » nommé par Abu  Mazen en Cisjordanie… Les Etats-Unis et l’Union Européenne continuent à  agir comme si un « retour à Oslo » était possible et souhaitable.
Or, comme on l’a vu, c’est précisément le « Processus de  paix » qui a débouché sur la « deuxième Intifada » et sur la prise du  pouvoir par le Hamas, alors seule organisation capable d’allier à la  fois soutien matériel à la population, critique du processus négocié et  poursuite de la résistance à Israël. Lorsque certains parlent d’un  indispensable « retour à la situation d’avant septembre 2000 », on a  envie de leur demander si ce n’est pas précisément « la situation  d’avant septembre 2000 » qui a provoqué… le soulèvement de septembre  2000 !
Les tergiversations et gesticulations diplomatiques à  l’œuvre traduisent en réalité un constat d’échec. Chacun prend  progressivement conscience de la fin de la parenthèse d’Oslo, et tandis  que certains s’acharnent aveuglément à vouloir ressusciter un cadavre,  d’autres cherchent des solutions alternatives : de la proclamation d’un  Etat palestinien sans frontières à une administration jordanienne des  cantons palestiniens, en passant par l’envoi de troupes de l’ONU à Gaza,  les idées fusent, même les plus fantaisistes. Cet empressement à  « trouver une solution » résulte en réalité d’une compréhension, même  partielle, des deux logiques réellement à l’œuvre sur le terrain : le  renforcement de l’emprise israélienne sur la Cisjordanie et Jérusalem ;  la remobilisation de la population palestinienne. Un cocktail explosif.
Le renforcement de l’emprise  israélienne
Parlons de Jérusalem, tout d’abord. L’attention se  focalise sur la construction de 1600 nouveaux logements. Et alors ?  Oubliés, les 200 000 colons qui vivent à Jérusalem et dans sa  périphérie ? Oubliées, les dizaines d’expulsions et de démolitions de  maisons palestiniennes au cours de ces derniers mois ? Les 1600 nouveaux  logements ne sont pas un accident, ils s’inscrivent dans une logique  assumée depuis 1967 : la judaïsation de Jérusalem et son isolement du  reste des territoires palestiniens, pour contrer toute revendication de  souveraineté palestinienne sur la ville.
Parlons, ensuite, de la Cisjordanie. Si l’afflux des  aides internationales a permis à l’Autorité Palestinienne de Ramallah de  payer les fonctionnaires, il est très audacieux de parler d’une reprise  économique réelle. Le PIB palestinien a globalement augmenté en 2009  mais demeure inférieur de 35% à celui de 1999. En outre, cette  augmentation globale dissimule des disparités flagrantes : le secteur du  bâtiment a certes progressé de 24%, mais la production agricole est en  chute de 17%...
Cisjordanie-Bethlehem-Checkpoint-4septembre2009-1.jpgDe  plus le contrôle israélien sur la Cisjordanie n’a pas été remis en  cause : « L’appareil de contrôle est devenu de plus en plus sophistiqué  et efficace quant à sa capacité à affecter tous les aspects de la vie  des Palestiniens (…).  L’appareil de contrôle comprend un système de  permis, des obstacles physiques (…), des routes interdites, des  interdictions d’entrée dans de vastes parties de la Cisjordanie (…). Il a  transformé la Cisjordanie en un ensemble fragmenté d’enclaves  économiques et sociales isolées les unes des autres ». C’est la Banque  Mondiale qui le dit, dans un rapport de février 2010 5.
En outre, depuis l’annonce d’un « gel temporaire » de la  colonisation en novembre dernier, Israël a autorisé la mise en chantier  de 3600 logements, poursuivant une politique qui a vu, l’an passé, le  nombre de colons installés en Cisjordanie augmenter de 4.9% tandis que  l’ensemble de la population israélienne ne croissait que de 1.8%. Last  but not least, le 3 mars dernier Netanyahu déclarait que même en cas  d’accord avec les Palestiniens, il était exclu qu’Israël renonce à son  contrôle sur la vallée du Jourdain…
Parlons de Gaza, enfin. Sous blocus, les Gazaouis vivent  une catastrophe économique et sociale sans précédent. En l’espace de 2  ans, 95% des entreprises ont fermé et 98% des emplois du secteur privé  ont été détruits. La liste des produits interdits à l’importation est un  catalogue à la Prévert : livres, thé, café, allumettes, bougies,  semoule, crayons, chaussures, matelas, draps, tasses, instruments de  musique… L’interdiction d’importer du ciment et des produits chimiques  empêche la reconstruction des infrastructures détruites lors des  bombardements de 2008-2009, qu’il s’agisse des maisons ou des stations  d’épuration, avec les conséquences sanitaires que l’on imagine.
Vers une troisième Intifada ?
Comment s’étonner, dès lors, que la colère monte chez  les Palestiniens ? Les récents événements font suite à de nombreuses  initiatives qui, bien que n’ayant guère eu d’écho médiatique,  témoignaient d’une remobilisation de la population palestinienne. Entre  autres : de multiples manifestations, dans les villages autour de  Béthléem ou d’Hébron, contre les extensions des colonies et les  confiscations de terres ; des défilés hebdomadaires, dans les villages  de Ni’lin et Bi’lin, contre la construction du Mur et les  expropriations ; 3000 manifestants à Jérusalem, le 6 mars, contre les  projets de colonisation et les expulsions…
La répression contre cette remobilisation a fait un saut  qualitatif au cours des derniers mois. Les manifestations ont été  systématiquement dispersées à coup de gaz lacrymogène et de balles en  caoutchouc. Le nombre d’arrestations et d’incursions israéliennes a  augmenté de manière spectaculaire depuis le début de l’année 2010. Les  autorités israéliennes ont récemment décrété que les villages de Bi’lin  et Ni’lin, symboles de la lutte populaire et non-violente, auraient  dorénavant le statut peu enviable de « zones militaires fermées » chaque  vendredi (jour de manifestation), et ce pour une durée de 6 mois.
Sommes-nous au début d’une « 3ème Intifada » ? Il est  probablement trop tôt pour répondre à cette question, mais il est  néanmoins évident que nombre de conditions sont réunies pour qu’une fois  de plus les Palestiniens protestent de manière visible et massive  contre le sort qui leur est fait. Les divisions actuelles au sein du  Mouvement National palestinien et la faible structuration politique de  la société palestinienne, atomisée par les « années Oslo », interdit  d’envisager un soulèvement du même type que celui de 1987. On peut au  contraire s’attendre à des confrontations entre les forces de sécurité  palestiniennes de Cisjordanie, supervisées par le Général états-unien  Keith Dayton, et les manifestants.
Mais les Palestiniens des territoires occupés, et  notamment les plus jeunes (50% de la population palestinienne a moins de  15 ans), ne se laisseront pas intimider par quelques uniformes, qu’ils  soient palestiniens ou israéliens. Et il est certain qu’ils ne se  contenteront pas de « négociations indirectes », faisant l’impasse sur  l’essentiel (l’occupation de la Cisjordanie, le blocus de Gaza,  Jérusalem, les colonies, le sort des réfugiés, les prisonniers) menées  par un Mahmoud Abbas décrédibilisé et inaudible. Les événements de ces  derniers jours l’indiquent clairement : nul ne peut prédire avec  certitude dans quels délais, mais la population palestinienne se fera de  nouveau entendre.  [1]
[1] 1. Article de février 1994,  cité dans T. Reinhart, Détruire la Palestine, éditions La Fabrique,  2002, p. 42.
2. Déclaration de principes sur les arrangements  intérimaires d’autogouvernement (DOP), article 3.
3. Pour une analyse plus détaillée des Accords  d’Oslo, on pourra se reporter à mon article Retour sur… Les Accords  d’Oslo en ligne sur mon blog.
4. Address to the Knesset by Prime Minister Rabin  on the Israel-Palestinian Interim Agreement, 5 oct 1995, disponible (en  anglais) sur le site du Ministère des Affaires Etrangères israélien.
5. Checkpoints and Barriers : Searching for  Livelihoods in the West Bank and Gaza, disponible (en anglais) sur le  site de la Banque Mondiale.
article publié sur le site web de la revue  Contretemps