David Cronin - IPS
          Des diplomates représentant l’Union européenne ont conçu un  nouveau plan visant à renforcer les relations de l’UE avec Israël en  dépit de l’expansion des colonies illégales dans les territoires  palestiniens occupés.         
          Jérusalem, l’occupant ne fait pas  que construire des logements pour les colons israéliens, il détruit les  maisons, propriétés des Palestiniens, au vu et au su de l’Europe
(Photo Intal)
L’Espagne, actuelle détentrice de la présidence  tournante de l’Union européenne, veut faire avancer les travaux pour un  rehaussement officiel des liens politiques et commerciaux de l’Union  avec Israël dans les mois qui viennent.
Quand l’UE et Israël se sont entendus en 2008 pour  prendre des dispositions intégrant Israël à l’économie de l’Union, les  travaux sur ce dossier ont en partie été bloqués à cause de la guerre  déclanchée peu après contre Gaza. Mais un document officiel émanant des  autorités espagnoles propose aujourd’hui que de nouvelles discussions  soient bientôt ouvertes avec Israël et que le processus de  revalorisation retrouve son dynamisme.
Le document, vu par IPS, est daté du 9 mars, du jour  même où Israël fut sévèrement critiqué au niveau international pour  avoir profité de la visite du vice-président des Etats-Unis, Joe Biden,  pour annoncer qu’il allait construire 1 600 nouveaux logements à Ramat  Shlomo, une colonie juive ultraorthodoxe dans Jérusalem-Est. La veille,  le ministère de la Défense d’Israël avait publié un projet pour 112  nouveaux appartements dans Beitar Illit, une colonie en Cisjordanie.
A l’origine, le document visait à obtenir l’accord pour  une rencontre formelle entre Avigdor Lieberman, ministre des Affaires  étrangères israélien, et ses homologues de l’Union européenne, le 23  mars. Mais cette réunion a été annulée sans préavis.
Des officiels à Bruxelles ont cherché à minimiser  l’importance de cette annulation, déclarant que la rencontre était  reportée à avril ou mai. Une source proche de Catherine Ashton, haut  représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, a noté que celle-ci  avait rencontré Lieberman lors de son voyage au Moyen-Orient la semaine  précédente. « Nous ne voulions pas d’une redite des  discussions qui s’étaient tenues alors  », dit la source, insistant  sur le fait que l’annulation « n’était en rien une  réaction diplomatique » à l’agrandissement des colonies  israéliennes.
Bien que Ashton ait qualifié les colonies à  Jérusalem-Est d’ « illégales », le document espagnol  parle de ces colonies en disant simplement qu’elles « n’apportent  rien d’utile », se faisant ainsi l’écho des propos que Hillary  Clinton, secrétaire d’Etat US, tient parfois sur cette question. Le  document espagnol également « prend acte de la manière  positive » dont Israël a mené ses investigations sur le comportement  de ses troupes pendant leurs attaques contre Gaza fin 2008 et début  2009.
Par contre, de nombreuses organisations des droits de  l’homme ont protesté contre ces enquêtes qui ne respectent pas les  dispositions de la résolution adoptée par l’Assemblée générale des  Nations-Unies, en novembre de l’année dernière. L’Assemblée exige que  les enquêtes sur la guerre, qui a fait plus de 1 400 tués palestiniens,  soient indépendantes et crédibles, or Israël n’a jusqu’ici engagé de  poursuites que contre un seul soldat, pour vol d’une carte de crédit.
Au début de ce mois, le Tribunal Russel  sur la Palestine, « tribunal populaire » mis en place par une  alliance de militants politiques, est arrivé à la conclusion que l’Union  européenne n’avait pas honoré ses obligations résultant du droit  international par lesquelles elle doit tenir Israël coupable des  atrocités commises par son armée dans Gaza. Pour Frank Barat,  coordinateur du tribunal, les enquêtes conduites par Israël « n’ont été pratiquement qu’une opération de blanchissage ».
Il insiste sur l’accord d’association entre l’UE et  Israël, entré en vigueur en 2000, qui exige que les deux parties à  l’accord respectent les droits de l’homme. Jusqu’à présent, l’UE a  refusé de suspendre l’accord ou d’annuler les faveurs commerciales  accordées à Israël, en protestation contre la cruauté infligée aux  Palestiniens. « L’impunité dont jouit Israël est  stupéfiante » ajoute Barat.
Maysa Zorob, la porte-parole du groupe palestinien des  droits de l’homme, Al Haq, a déclaré que la volonté de l’Espagne  d’apporter son accord aux enquêtes israéliennes sur la guerre à Gaza « faisait peser un gros danger pour la crédibilité de l’UE  et son engagement pour les droits de l’homme ».
« L’Espagne est très intéressée pour que  le rehaussement (des relations UE/Israël) revienne en débat »  ajoute-t-elle. « Les raisons qui poussent l’Espagne à le  vouloir à ce point sont pour moi quelque chose de vraiment  incompréhensible. Je n’arrive même pas à imaginer la motivation qui se  tient derrière tout cela. »
Certains observateurs estiment qu’une fois le  rehaussement réalisé, Israël sera de fait Etat-membre de l’Union  européenne. Au cours d’une visite d’adieu au Moyen-Orient, avant de  passer la main en tant que premier haut responsable de l’UE pour les  Affaires étrangères l’an dernier, Javier Solana déclara qu’Israël  entretenait des relations plus étroites avec l’Union que n’importe quel  pays extérieur au continent européen. Israël participe déjà à une large  variété de programmes de l’UE, qui vont de l’archéologie à la navigation  par satellite.
Raji Sourani, directeur du Centre palestinien pour les  droits de l’homme (PCHR), basé à Gaza, a appelé l’Union européenne à  repenser sa politique sur ses réactions aux violations d’Israël du droit  international, qu’il appelle « une diplomatie  tranquille ».
Dans une lettre adressée à Ashton la semaine dernière,  Sourani écrit « Il est peut-être opportun de paraphraser  un vieux proverbe : "La folie, c’est de faire la même chose, de la même  manière, et de s’attendre à un résultat différent". Le temps d’une  autre approche est venu. Cette approche doit s’ancrer solidement dans la  primauté du droit international.
« Si l’UE veut préserver sa réputation  internationale, alors elle ne peut pas continuer à pratiquer un deux  poids deux mesures dans son expression à propos de l’Etat d’Israël. Non  seulement ce deux poids deux mesures contrevient à ses propres  obligations, mais son inaction en fait la complice de la politique  israélienne de mépris à l’égard des droits de l’homme comme de ses  violations du droit international. » 
* David Cronin, né à  Dublin en 1971, est le correspondant à Bruxelles de l’agence de presse Inter Press Service. Il a d’abord occupé cette  fonction pour le quotidien irlandais The Sunday Tribune  après avoir travaillé comme chargé de recherches et attaché de presse  auprès du Parlement européen. Entre 2001 et 2006, il collabore à European Voice, hebdomadaire du groupe The  Economist.
Le livre de David Cronin Europe’s  Alliance with Israel : Aiding the Occupation sera publié dans le  courant de l’année par Pluto Press. 
                Bruxelles, le 22 mars 2010 - IPS  - traduction : JPP
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8423
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8423