Les images 
d’enfants tués par des tonnes d’acier et de poudre sont devenues une 
arme politique. Peu importe l’ampleur de notre douleur, elle n’est rien 
en comparaison de celle des victimes : les blessées, ceux qui ont perdu 
un des leurs proches ou ceux qui n’ont plus de maison.
Ce qu’Israël fait subir aux civils de Gaza est monstrueux — des 
bombardements meurtriers tous azimut, la destruction de maisons 
occupées. Ils disent que mourir sous les bombes ne fait pas mal mais 
personne ne sait quand la mort le frappera. Il n’y a plus aucun endroit 
sûr. On se demande pourquoi les avions de guerre et les bombes essaient 
de nous tuer nous et notre famille, dans notre maison. Pourquoi est-ce 
qu’ils tuent nos enfants sous nos yeux ? Ou nous sous les leurs ? Ou 
toute la famille de sorte que personne n’assiste à nos derniers 
moments ?
Israël a annoncé, par un coup de fil à un de ses occupants, son 
intention de détruire le building Dawud qui se trouve à côté de nôtre 
maison et qui a déjà été bombardé plusieurs fois. Puis les Israéliens 
ont envoyé une roquette d’avertissement le 21 juillet après-midi. Tout 
le monde dans le voisinage a commencé à hurler — les habitants des 
maisons voisines et de la nôtre (d’où on peut voir ce bâtiment), le 
propriétaire d’une restaurant voisin.
Nous somme tous sortis dehors en laissant les clés sur la porte. Le 
moment le plus horrible n’est pas celui où le missile vous pulvérise, 
mais celui où vous comprenez qu’il va vous frapper, soit parce que vous 
en avez reçu l’annonce, soit parce que vous l’entendez se rapprocher.
Nous avons trouvé un abri. Un peu revenus de notre frayeur, nos avons
 pensé aux photos et aux souvenirs qui étaient restés dans la maison : 
les premiers pas des bébés, les dessins des enfants, la photo du mariage
 de ma soeur dans le salon.
On pense qu’on ne pourra pas continuer à vivre si on perd un être 
cher, mais même si votre enfant ou votre mère a été frappé par un 
missile et que son corps est méconnaissable, on continue à vivre malgré 
le chagrin si grand soit-il. On essaie de consoler les orphelins, mais 
savons-nous ce que ressent quelqu’un qui a perdu son père et sa mère ?
Ma famille s’est réfugiée chez des cousins. Au début de l’agression, 
ces cousins s’étaient réfugiés dans notre maison. D’un seul coup leur 
maison est devenue plus sûre que la nôtre. Dans cette guerre, il est 
difficile de savoir quel est endroit le plus sûr. Cela dépend de 
l’humeur des pilotes. Par exemple, ils ont prévenu les habitants de la 
tour voisine qu’ils allaient la détruire mais ils ont lancé le missile 
sur un autre bâtiment sans prévenir, assassinant toute la famille 
al-Kilani. Ils n’ont aucun respect pour la vie des civils.
C’est une guerre idéologique et religieuse. On verse le sang au nom 
de Dieu, du paradis ou de la Terre Promise. Peu importe ce que les gens 
ressentent dès lors que les objectifs politiques sont atteints et que la
 récompense religieuse nous attend. L’idéologie prend le pas sur les 
considérations humanitaires.
Au début de l’offensive, les médias ont relaté l’histoire de Shaima 
al-Masri, 4 ans. Il ne lui restait plus que son père, Ibrahim al-Masri. 
Assis près du lit de l’hôpital al-Shifa où se trouvait sa petite fille, 
il a expliqué à Al-Monitor, “J’ai pensé que ma femme serait plus en 
sécurité chez sa soeur et je luis ai dit d’y aller. Mais une minute plus
 tard, j’ai entendu l’explosion. Je suis sorti dans la rue en courant et
 j’ai reçu un coup de fil pour me prévenir que mon fils était mort en 
martyr. A l’entrée de l’hôpital, on m’a dit que ma femme aussi était 
morte en martyre. J’ai trouvé ma plus grande fille, Asil, dans un état 
critique. Elle a repris conscience le temps de me demander où était sa 
mère puis elle est morte dans la salle d’opération… Plus tard je suis 
allé voir l’endroit où ils avaient été tués et je me suis rendu compte 
que l’avion les avaient repérés dans la rue, à 10 mètres de la maison de
 ma belle-soeur et leur avait tiré dessus.” La mère de Shaima, Sahar, 
son frère, Mohammed, 14 ans, et sa soeur, Asil, 17 ans, ont tous été 
tués par un missile israélien au nord de la bande de Gaza le 9 juillet.
Où les enfants sont-ils en sécurité ? C’est la question que je n’ai 
pas cessé de me poser en emmenant mes enfants d’une maison à l’autre. 
J’ai été séparée de ma famille pour la première fois quand ils ont 
décidé de rester dans la maison de mon oncle. J’ai préféré emmener mon 
fils et ma fille ailleurs en attendant de trouver un appartement où nous
 pourrions tous nous retrouver. J’ai entendu dire que des gens sont 
partis en Egypte. Je ne crois pas que je pourrais en faire autant. J’ai 
trouvé un appartement mais son propriétaire palestinien ne veut pas de 
locataires palestiniens, il ne veut que des étrangers ! Voilà ce que 
fait cette guerre : elle rend certaines personnes avides et racistes.
Quand on écoute la radio de la résistance, on a l’impression que nous
 sommes aussi forts qu’Israël. C’est un moment capital, un point de non 
retour pour les idéologues dont l’entêtement n’a d’égal que le sang 
versé. Pour eux, je suis une défaitiste, c’est pourtant normal de 
s’inquiéter pour sa famille et d’avoir pitié des autres enfants. Les 
bonnes paroles ne sont plus en mesure d’adoucir la souffrance.
J’ai finalement trouvé un appartement près du port. Je veux que ma 
famille survive. Je ne sais pas, personne ne le sait, si nous allons 
survivre ou si nous n’avons fait qu’échapper temporairement à la mort.
Je suis retournée à al-Shifa pour chercher les blessés de la 
résidence al-Salam. On m’a dit : “Il n’y a pas eu de blessés. Ils sont 
tous arrivés morts.” Moins de 24 heures plus tard, il y a eu la 
catastrophe de Khuza et le bombardement intensif de Khan Yunis — un 
nouveau Shajaiya.
Je suis entrée dans la salle d’opération où j’ai trouvé un enfant de 8
 ans nommé Louay Siam, complètement enveloppé de bandages. Son visage et
 sa tête étaient brûlés et on voyait ses larmes couler. Son frère Uday 
Siam, 12 ans, était couché dans la pièce voisine. Il a été brûlé jusqu’à
 l’os.
Leur cousin Mohammed Siam a dit à Al-Monitor : “Sa mère, sa 
grand-mère et sa tante préparaient des tartes sur le toit-terrasse de 
leur maison et les enfants jouaient près d’elles quand les Israéliens 
les ont bombardés, tuant neuf personnes.”
La famille Siam family s’est enfuie du quartier de Zeitoun à l’est de
 Gaza et s’est réfugiée chez des proches dans le quartier de al-Rammal 
au centre de Gaza, un endroit supposément "sûr" selon les messages que 
l’armée israélienne leur avait envoyés. Les avions les y ont suivis.
Abu Zeid Abu Nasser,un voisin des Siam, a dit : “Le père d’Uday et de
 Louay est un marchand de fruits et légumes qui vient d’Israël. Il ne 
s’occupait pas de politique... Je ne sais pas pourquoi les avions l’ont 
ciblé... Ils [les Israéliens] sont devenus fous.”
Abu Nassera a montré le tube en plastique que Louay a dans le nez 
pour aspirer les cendres qui sont dans ses poumons. Il a dit : “[Louay] 
ne peut pas boire d’eau... Il pleure parce qu’il a soif. ”
De notre nouvel appartement, on entend le bruit de la mer qui se mêle
 au sifflement des drones israéliens. Les bâteaux de guerre israéliens 
tirent des missiles. Tout est noir. Nous n’avons plus d’électricité 
depuis qu’Israël a détruit notre principale usine électrique le 23 
juillet. Sur notre transistor à piles, nous avons entendu Khaled 
Meshaal, le chef du bureau politique du Hamas, dire : “Nous 
n’accepterons pas un cessez-le-feu qui ne répond pas à nos exigences.” 
Mon coeur a fait un bond et je me suis préparée à passer une autre 
journée à compter les morts.
Al Monitor 
 Traduction : Info Palestine  - Nadim