Par Qassem Qassem
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01.04.2014 - Le groupe palestinien Hamas flirte avec l'idée de rétablir
ses liens avec la Syrie. Le processus de réconciliation prendra du
temps, mais le Hamas semble déterminer à réintégrer le camp iranien, ce
qui permettrait d'envisager la normalisation des relations avec Damas.
En fait, Khaled Meshaal, le chef du bureau politique du groupe, doit
aller en Iran bientôt, après quoi Téhéran servira de médiateur pour une
réconciliation entre le Hamas et le gouvernement syrien.
23 mars 2014 - Le Premier ministre Hamas dans la Bande de Gaza, Ismaël Haniyeh (au centre) salue le public pendant un rassemblement à Gaza-ville
pour le 10ème anniversaire de la disparition du chef spirituel du
Hamas, Sheikh Ahmed Yassin, assassiné par une frappe aérienne de
l'occupant israélien (Photo-AFP Said Khatib)
Il y a environ deux semaines, le secrétaire général du Jihad islamique,
le docteur Ramadan Abdullah Shalah, a rencontré le chef du bureau
politique du Hamas Khaled Meshaal au Qatar "pour finaliser les
préparatifs de la visite de Meshaal en Iran, première étape de la
reprise des liens entre Téhéran et le Hamas."
Selon des sources bien informées sur la visite de Shalah à Doha, "le
Hamas continue de souffrir d'une crise interne due aux positions prises
par son bureau politique sur les développements dans la région, qui ont
fait voler en éclats ses relations avec l'Iran, la Syrie et le
Hezbollah."
"L'Iran a toujours été le principal soutien du groupe et continue de
financer et d'armer les Brigades Ezzedin al-Qassam. Téhéran maintient
son soutien aux partis de ma résistance et il attend que le Hamas revoit
sérieusement sa position pour pouvoir rétablir les liens avec le parti," ont expliqué les sources.
Le but de la visite de Shalah "était d'inciter le Hamas à prendre des décisions rapides dans le sens de la normalisation de ses liens avec Téhéran," ont dit les sources, ajoutant que Shalah "avait
suggéré de séparer la position du Hamas de l'approche politique des
Frères musulmans tout en cherchant à tirer les Frères musulmans vers
l'axe de la résistance."
Meshaal a approuvé ces suggestions, et il est apparemment convaincu que "les régimes arabes ne libèreront jamais la Palestine et que le moindre soutien à l'axe de la résistance leur est interdit." Il s'est également plaint à Shalah des "restrictions"
auxquelles il a été confronté à Doha, dont l'impossibilité de se
déplacer librement, de rencontrer qui il voulait et de voyager dans des
pays autres que le Soudan et la Turquie.
Osama Hamdan, le chef des relations arabes au Hamas, s'est rendu
récemment à Téhéran où il a eu plusieurs rencontres avec des
responsables iraniens qui l'ont rassuré sur leur soutien à la résistance
palestinienne et l'ont informé que Meshaal était le bienvenu. Ces
signes positifs ont incité le Hamas a prendre de nouvelles décisions,
qui ont commencé à être mises en œuvre. D'après les sources, les deux
parties ont discuté de la manière dont le Hamas passerait à la prochaine
étape. Parmi les suggestions, a été évoquée une conférence sur la
résistance et la cause palestinienne à Téhéran, en présence de toutes
les factions palestiniennes et leurs leaders, dont Meshaal, à qui il
sera demandé de s'adresser au public.
Dans son discours, Meshaal devrait insister sur le refus de reconnaître Israël
et sur la résistance comme seul moyen de libérer les territoires
occupés. Il devrait aussi rencontrer les responsables iraniens, dont le
leader suprême l'Ayatollah Ali Khameni, parce qu'après tout "une visite de Meshaal en Iran sans rencontrer Khameni serait comme prier sans faire ses ablutions," a dit une source.
Les Iraniens ont accepté de rencontrer Meshaal parce que certains à
Téhéran continuent de considérer le Hamas comme un allié naturel et leur
alliance refléterait l'unité islamique que l'Iran met constamment en
avant. Cependant, une faction dans l'administration iranienne est
opposée à une normalisation rapide avec le groupe palestinien et ne voit
pas la nécessité de tenir une réunion entre Meshaal et Khameni pour le
moment.
3 ans d'attente
Seule une courte distance sépare Doha de Téhéran ; toutefois, la
traversée de l'autre côté du Golfe a exigé de Meshaal et de son groupe
un examen personnel profond qui a pris une année entière. Des proches de
Abou al-Walid disent qu' "il se considère comme responsable de la
confusion au sein du Hamas, il va donc déployer tous ses efforts pour
ramener le groupe au statut qu'il avait avant la crise syrienne puis il
quittera le bureau politique." Cependant des sources ont dit qu' "il
n'est pas sûr que le bureau accepte la démission d'Abou al-Walid, mais
qu'il est certain qu'il cherchera à rétablir les relations du Hamas avec
l'Iran et la Syrie à ce qu'elles étaient avant 2011."
Les responsables Hamas n'aiment pas parler d'examen. En fait, ils nient
que des différends existent sur la ligne politique générale, même si
tout le monde est au courant des divisions patentes entre les
Palestiniens à Gaza, principalement entre les leaders
al-Qassam et les responsables du bureau politique à l'extérieur des
territoires palestiniens. Les Palestiniens à Gaza sont
très conscients de l'importance du soutien iranien, syrien et du
Hezbollah au travail de la résistance, c'est pourquoi même au milieu du
conflit, ils ont maintenu un lien avec Téhéran. C'est cette approche
qu'ont adoptée Mahmoud al-Zahar et Imad al-Almi.
Beyrouth et Damas après Téhéran
Les relations du Hamas avec la direction syrienne sont la partie
décisive de son retour dans l'axe de la résistance. Le président syrien
Bashar al-Assad a dit que le Hamas "a décidé d'abandonner l'axe de la
résistance et de faire partie des Frères musulmans. J'espère que
quelqu'un réussira à les convaincre de redevenir un groupe résistant,
mais j'en doute."
De nombreux dirigeants Hamas récusent toutes les accusations d'abandon
de l'axe de la résistance. Ils ont leur propre version sur l'histoire
des tensions avec les dirigeants syriens mais ce n'est pas le bon moment
pour s'y attarder. Suite au renversement des Frères musulmans en
Egypte, le Hamas cherche à renouer avec la Syrie, pas seulement avec
l'Iran et le Hezbollah.
Les leaders du Hamas ont été invités à s'éloigner des Frères musulmans
et d'insister sur leurs caractéristiques en tant que mouvement de
résistance. Ismaël Haniyeh, Premier ministre du gouvernement de Gaza, a adopté cette position lorsqu'il a déclaré lors d'une cérémonie à la mémoire du martyr Sheikh Ahmad Yassin, "le
Hamas est un mouvement de libération nationale impliqué dans la cause
palestinienne, aux côtés de ses partenaires palestiniens et de toutes
les autres forces."
De toute évidence, la route du Hamas vers la Syrie passe par l'Iran.
Cependant, les relations avec l'Iran ne concernent pas seulement la
résistance mais aussi les positions du Hamas sur la crise syrienne et
toutes les parties comptent sur la visite de Meshaal à Téhéran pour
ouvrir la voie à un rapprochement avec Damas. Pendant ce temps, des
sources bien informées ont révélé que pendant les réunions
Shalah-Meshaal, ce dernier a été informé de la nécessité de "se réconcilier avec la tête du régime syrien."
Elles ont également dit que Meshaal a demandé à Shalah de travailler
avec le secrétaire-général du Hezbollah Hassan Nasrallah pour "transmettre un message au président syrien Bashar al-Assad."
Bien que le Hamas n'a pas encore confirmé cette information, il ne l'a
pas non plus réfutée. Un responsable important du Hamas a souligne que "nous
n'avons jamais attaqué le régime syrien. Nous avons dit que nous
respections la volonté du peuple syrien sans aucune intervention
étrangère," ajoutant que Meshaal "a rencontré il y a quelques
temps des leaders de l'opposition syrienne au Qatar et il leur a dit que
la solution à la crise devait être politique, en expliquant que le
régime syrien s'était tenu aux côtés du Hamas quand le monde arabe
l'avait abandonné."
Qassam : nos balles, nos armes et notre argent sont iraniens
Bien que de nombreux responsables du Hamas nient que la position du
groupe sur la crise syrienne ait provoqué des divisions internes, la
réalité sur le terrain prouve le contraire. Depuis le début de la crise,
les Brigades Ezzeddin al-Qassam se sont abstenues d'attaquer le régime
syrien et ont appelé à une solution politique.
Les membres d'al-Qassam, à Gaza et à l'étranger,
connaissent très bien la Syrie. Ils se souviennent des moyens que Damas a
mis à leur disposition, comme une entrée spéciale à l'aéroport, des
convois privés, des appartements à Damas, des centres d'entraînement et
de fabrication, et les moyens pour que des membres soient transférés en
Iran pour s'y former. Ces membres Qassam ont dit : "après le siège égyptien de Gaza, les membres al-Qassam n'ont pas pu aller en Iran, mais les armes ont continué à venir." Les brigades ont réussi à maintenir une connexion avec l'Iran grâce à des dirigeants de premier plan comme Mahmoud al-Zahar.
"Nous n'avons pas quitté l'axe de la résistance pour y revenir. L'aide de l'Iran au Hamas et à Gaza
n'est pas seulement circonscrite à l'aspect militaire, en fait l'Iran
reprend le financement du gouvernement Haniyeh après une courte pause
qui était due à des divergences dans leurs positions politiques ainsi
que des problèmes logistiques au passage frontalier de Rafah parce que
les autorités égyptiennes avaient auparavant saisi de l'argent
appartenant au Hamas."
I y a quelques temps, le responsable Hamas Mohammed Nasr est allé en
Iran et est revenu avec une aide financière pour les Brigades Ezzedin
al-Qassam. A ce moment-là, les responsables iraniens l'ont assuré que
l'aide financière et militaire aux brigades ne serait pas interrompue et
que l'Iran n'interfèrerait pas dans les choix politiques du Hamas. Mais
ils lui ont également indiqué que "le groupe ne doit pas agir comme
s'il était un Etat parce que en tant que mouvement de libération, il
n'est pas tenu d'adopter une stratégie d'Etat."
Le Hamas et le Hezbollah
De bonnes relations avec l'Iran signifieraient automatiquement de bonnes
relations avec le Hezbollah et vice versa. Au Liban, malgré les
désaccords sur la Syrie entre les Libanais et les groupes de la
résistance palestinienne, les liens entre les deux parties n'ont jamais
été rompus, principalement d'un point de vue militaire.
Le Hamas a encore des bureaux dans la banlieue sud de Beyrouth, tandis
que des responsables du Hezbollah soulignent qu'ils ne peuvent pas
abandonner le Hamas, "n fin de comptes nous travaillons tous sous la bannière palestinienne et le Hamas restera toujours un mouvement de résistance," ajoutant, "ce qui nous unit est beaucoup plus important que ce qui nous divise" malgré des divergences sur la crise syrienne.
Bien sûr, Meshaal ne va pas déménager de Doha à Beyrouth, comme certains l'ont suggéré, "parce que étant donné les conflits libanais internes, il ne peut pas y avoir un bureau politique du Hamas dans le pays," mais Beyrouth et ses banlieues sud accueilleront sans aucun doute Abou al-Walid de nombreuses fois dans un futur proche.
Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM