Ron Jacobs
Le 6 février 2014, le Washington Free Beacon rapportait 
qu’un projet de loi avait été présenté à la Chambre des Représentants 
étasunienne pour priver de toutes subventions fédérales toute 
institution académique qui boycotterait l’état d’Israël.
Ironiquement, le projet de loi commençait par ces mots : "Israël est 
un allié vital des Etats-Unis et un pair démocrate qui promeut la 
liberté d’expression …"  Le projet de loi (et d’autres du même genre 
dans d’autres institutions étasuniennes) se poursuit par la demande que 
les fonds fédéraux (ou les fonds d’un état particulier dans le cas des 
subventions d’un état) soient refusés aux universités et organisations 
"qui bénéficient d’importantes subventions" et dont la ligne de conduite
 ou les déclarations visent à soutenir le boycott d’"institutions 
académiques ou d’universitaires" israéliens.
En d’autres termes, le projet de loi utilise la notion de liberté 
d’expression pour refuser des subventions fédérales à toute organisation
 du système universitaire du Michigan qui se servirait de la liberté 
d’expression pour soutenir le boycott d’institutions académiques 
israéliennes. Par exemple, si un groupe officiel d’étudiants s’opposait 
dans une déclaration à ce que l’université sponsorise un conférencier 
dont les recherches ont soutenu ou reconnu l’occupation israélienne de 
la Cisjordanie, ce groupe perdrait ses subventions. En vérité, si la loi
 passait, toute l’université perdrait ses subventions fédérales ; et 
tout cela parce qu’Israël soutient la liberté d’expression.
Au cours des 50 dernières années (au moins) les Etats-Unis et l’Union
 Européenne ont, à peu près tout le temps, marché au son des tambours 
israéliens et couvert le système de contrôle des checkpoints et la 
répression permanente des Palestiniens. On peut compter sur les doigts 
de la main les fois où ces nations n’ont pas manifesté de parti pris en 
faveur d’Israël. Quand c’est arrivé, cela n’a pas duré longtemps ni n’a 
été très convainquant. Cette dynamique entre Israël et les pays qui le 
soutenaient a été une des rares constantes de l’époque actuelle.
Ali Abunimah est un militant des droits de l’homme et un opposant au 
capitalisme néolibéral. Il est le rédacteur en chef d’Electronic 
Intifada, le journal en ligne qui couvre la Palestine et son peuple. Il 
vient de publier "La bataille pour la justice en Palestine". Le livre 
rejette la solution de deux états qu’il considère comme un leurre. Au 
lieu de la solution à deux états promue par quasiment tous les 
commentateurs, les politiciens et les officiels qui ne sont pas 
complètement opposés à un état palestinien, même un faux, Abunimah se 
fait le héraut d’un état unique de Palestine. Son livre est un plaidoyer
 pour une telle nation.
Il ne s’arrête pas là. "La bataille pour la justice en Palestine" 
examine le rôle de l’Autorité Palestinienne depuis le début de la 
colonisation de la Palestine, la réelle signification de la paix 
économique de Bibi Netanyahou et la nature de l’opposition au Boycott, 
Désinvestissement et Sanctions (BDS) dont le succès grandit. Abunimah 
qui est un militant connu - et de ce fait il a été attaqué, banni et on a
 souvent essayé de le faire taire - n’est pas étranger à ce succès. Il 
montre de façon convaincante et bien documentée les forces à l’oeuvre 
derrière la volonté israélienne d’étouffer le mouvement BDS et  
l’hypocrisie de ses adversaires pour ce qui est des droits humains et de
 la liberté d’expression.
L’argument essentiel d’Abunimah en faveur d’un seul état est simple. 
Les fondateurs d’Israël, ses supporters occidentaux et leurs 
gouvernements et ses leaders successifs sont tous dédiés à la 
perpétuation d’Israël en tant qu’état juif laïque. Il y en a, dans ces 
groupes, ceux qui pensent qu’Israël a le droit d’étendre son territoire 
aux dépens d’autres peuples au premier rang desquels le peuple 
palestinien. Et il, y a ceux qui n’expriment pas ouvertement leur 
soutien pour cette expansion mais invoquent des raisons de sécurité pour
 justifier des actes perpétrés sans aval international (comme les 
colonies, les incursions militaires et les négociations de paix). La 
détermination d’Israël exclut de s’imaginer que ses négociateurs puisse 
jamais accepter quoi que ce soit qui soit contraire à ces objectifs. En 
conséquence il est clair que la solution de deux états ne constitue 
qu’une étape vers son grand rêve : le Grand Israël. C’est aussi la 
dernière étape avant la destruction de la Palestine en tant qu’entité 
géographique. La Palestine ne sera plus qu’une abstraction.
On a l’habitude de comparer l’oppression israélienne des Palestiniens
 avec l’Afrique du Sud ; Abunimah reprend la métaphore mais dans un sens
 différent. Il ne compare pas la situation israélienne à l’apartheid 
sud-africain mais il s’intéresse à la renaissance de ce pays en une 
seule entité incluant tous ses citoyens après que l’Apartheid ait été 
abattu. Abunimah montre qu’un seul état laïque et démocratique donnant à
 ses citoyens israéliens et palestiniens les mêmes droits sans 
distinction de religion ou de culture pourrait être créé. Après tout, 
l’Afrique du Sud au temps de l’Apartheid était une nation divisée. il y 
avait les Boers, les Afrikaners, les Noirs et les Métisses. Avant la 
dissolution finale de l’Apartheid, vers la fin du 20ième siècle très peu
 de gens s’attendaient à ce que les différents groupes de la nation 
réussissent à coexister. Le fait qu’ils le fassent aujourd’hui (tout en 
continuant à travailler à une meilleure société) permet d’espérer qu’il 
en soit de même un jour pour les Israéliens et les Palestiniens.
Depuis la fin de la première guerre mondiale, le droit des peuples et
 des nations à disposer d’eux-mêmes fait partie du droit et de la 
diplomatie internationaux. Cela implique le droit de "déterminer 
librement son statut politique et de poursuivre librement son 
développement économique, social et culturel". Dans l’Israël 
d’aujourd’hui, trop de citoyens semblent penser que leur droit à 
disposer d’eux-mêmes comprend le droit d’opprimer un autre peuple. C’est
 pourquoi ils ont construit des colonies, drastiquement limité la 
liberté de mouvement, détruit des infrastructures, fermé des écoles, 
violé la liberté de culte et tous les droits des Palestiniens en Israël 
comme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
"La bataille pour la justice en Palestine" est un livre de première 
importance qui sort à un moment crucial. Le secrétaire d’Etat étasunien,
 John Kerry, est en train de faire renaître le serpent de mer des 
négociations de paix. Les colonies se développent à toute allure (et 
celles qui existent sont défendues avec violence) sur des terres que Tel
 Aviv se dépêche de voler avant que la "solution" de deux états ne lui 
soit imposé. Le mouvement BDS se renforce et sa vision de la situation 
palestinienne se répand de plus en plus ; Israël et ses supporters 
intensifient leurs attaques contre ceux qui osent appeler l’apartheid 
par son nom.
Abunimah offre un panorama pénétrant et bien informé de la complexité
 de l’occupation israélienne à l’aide de documents factuels. En partant 
du fait que "la terre historique de Palestine appartient à ceux qui y 
vivent et à ceux qui en ont été chassés ou exilés depuis 1948, sans 
considération de religion, de race, d’origine et de citoyenneté," [i], 
Abunimah réfute les arguments d’Israël pour justifier son occupation et 
contribue de manière décisive à l’instauration d’une vraie justice en 
Palestine.
* Ron Jacobs vient de publier le roman All the 
Sinners, Saints. Il a aussi écrit The Way the Wind Blew : a History of 
the Weather Underground and Short Order Frame Up et The Co-Conspirator’s
 Tale. Il a contribué à l’ouvrage Hopeless : Barack Obama and the 
Politics of Illusion, publié par AK Press
Note :[i] The One State Declaration, The Electronic Intifada, 29 November 2007
http://www.counterpunch.org/2014/02...
Traduction : Info-Palestine.eu - Dominique Muselet