4/10/11
Il ne reste plus 
rien des salles de prière de la mosquée du village bédouin de Tuba 
Zangaria, en Haute-Galilée, dans le nord d’Israël. Que de la suie noire 
sur les murs, des céramiques brisées et des lambeaux de tapis de prière.
 Sur la place du village où se dresse l’édifice, les habitants ont 
rassemblé les restes de dizaines d’exemplaires du Coran.
Sur le 
mur de la mosquée, les incendiaires ont écrit en hébreu : « prix à 
payer », « revanche » et « Palmer », une référence supposée à Asher 
Palmer, colon israélien décédé le 23 septembre en Cisjordanie avec son 
bébé dans un accident de voiture provoqué par des jets de pierres de 
Palestiniens. Ces graffitis sont la signature habituelle des colons 
radicaux israéliens de Cisjordanie, qui mènent des représailles contre 
les Palestiniens.
Toute la journée, les Bédouins ont tenu conseil 
autour de la mosquée pour exprimer leur colère, mais aussi pour appeler 
les 6 000 habitants du village à conserver les bonnes relations 
historiques qu’ils entretiennent avec leurs voisins juifs. 
« Cette
 attaque est un cas unique en Israël, il ne faut pas qu’elle influence 
notre façon de vivre ensemble », prévient Kabha Abdulraman, 
fonctionnaire du culte d’un village voisin. « Je ne suis pas en colère 
contre les juifs, mais contre ceux qui ont fait ça, dit un adolescent. 
Je fais confiance à la police israélienne pour qu’elle attrape les 
auteurs de ce crime. »
« C’est la première fois qu’une mosquée est brûlée en Israël »
La
 localité de Tuba s’est construite, à partir de 1903, en tissant des 
liens étroits avec les communautés juives qui commençaient à s’établir 
dans le nord de la Galilée. À Tuba Zangaria, les villageois 
s’interpellent en hébreu et se sentent profondément israéliens.
L’attaque
 de leur mosquée est ressentie par de nombreux habitants comme une 
trahison à l’égard de leur loyauté séculaire. « J’ai fait mon service 
militaire pendant trois ans pour Israël, tout le village a servi dans 
l’armée et nous pleurons toujours nos morts tués pendant la guerre du 
Liban en 2006, explique un jeune homme de Tuba, la voix tendue. Nous 
étions main dans la main avec les juifs. Il faut qu’à leur tour ils 
paient le prix. Aujourd’hui, ils s’en sont pris à ce village et demain 
ce sera ailleurs, et la police ne fait pas son travail. »
Jusque 
tard dans la nuit, les plus jeunes ont brûlé des pneus et du mobilier à 
la sortie du village, et jeté des pierres sur les policiers israéliens 
postés en périphérie. « C’est la première fois qu’une mosquée est brûlée
 en Israël », note Mohammad Zeidan, le directeur de l’Association arabe 
des droits de l’homme. 
Visite du président israélien qui apaise les esprits
Selon
 Mohammad Zeidan, « il y a un climat d’incitation au racisme contre les 
Arabes et les musulmans, initié par le gouvernement. Les services de 
sécurité israéliens ne font pas assez d’effort pour punir ses attaques, 
devenues fréquentes en Cisjordanie. C’est un signal d’impunité pour les 
criminels. » Il réclame « des condamnations très claires de ces actes 
par les officiels israéliens et par la communauté internationale ».
Les
 responsables israéliens semblent avoir senti le risque de 
déstabilisation des relations entre juifs et Israéliens arabes. « Les 
images sont choquantes et indignes de l’État d’Israël », a aussitôt 
réagi le premier ministre Benyamin Netanyahou, se disant « furieux ». 
Le
 président israélien Shimon Pérès s’est rendu sur les lieux lundi 3 
octobre, et a exprimé un sentiment de honte « devant ce geste 
exécrable ». Pour Jamal, avocat et résident du village, la visite du 
président israélien a permis d’« apaiser les esprits. Shimon Pérès est 
un homme juste, nous l’aimons beaucoup », ajoute ce jeune Arabe 
israélien.
    
        Véronique Chocron, à Tuba Zangaria (Haute-Galilée) Lien