21/6/11
Malgré la pauvreté et le blocus israélien, Gaza a réussi à masquer  les cicatrices des bombardements de la guerre lancée par l’État hébreu à  la fin de 2008. On ne voit plus de bâtiments en ruines dans l’enclave  palestinienne, sauf dans les quartiers est de la ville de Gaza et à Beit Hanoun, dans le nord, les plus durement touchés durant  l’opération « Plomb durci ». Les maisons détruites ont été déblayées, les arbustes et les plantes repoussent.
Une  amélioration de façade, car, plus de deux ans après la guerre, la  reconstruction de Gaza commence tout juste à s’esquisser. L’ office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA)  évalue les besoins de construction à 60 000 logements, pour remplacer  les maisons détruites et pourvoir à la croissance naturelle de la  population. 
« On compte près de 300 000 mal-logés ou sans  logement en raison du blocus, détaille Sébastien Trives, directeur  adjoint des opérations de l’UNRWA. S’y ajoutent 20 000 réfugiés, qui  vivent sous des tentes ou bénéficient de notre aide au logement. »
Organiser des électionsLa  reconstruction de Gaza, en jachère ces deux dernières années sur fond  de division palestinienne, redevient une priorité pour l’Autorité  palestinienne du président Mahmoud Abbas, qui ne contrôle que la Cisjordanie. 
Au printemps, les frères ennemis palestiniens, le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas,  mouvement islamiste au pouvoir à Gaza, ont conclu un accord de  réconciliation, avec à la clé la formation d’un nouveau gouvernement de  « technocrates » indépendants. Ses missions : rebâtir Gaza et organiser  des élections.
Si la nomination du gouvernement tarde, les hommes  d’affaires de Gaza et de Ramallah sont à pied d’œuvre. « À Gaza, il ne  faut pas seulement faire pousser des immeubles, il faut reconstruire les  vies et faire de cette enclave un lieu agréable », prévient Usama  Kuheil, président de l’Union des constructeurs palestiniens. 
Projet de métro de huit stationsOriginaire  de Gaza, il partage sa semaine entre les deux territoires palestiniens.  Son projet phare est un métro souterrain qui circulerait de Rafah, dans le sud, à Beit Hanoun  dans le nord, soit une quarantaine de kilomètres. L’omnibus suivrait  l’ancienne ligne de chemin de fer ottomane et desservirait huit  stations, transportant 200 000 usagers par jour.
« Notre projet,  soutenu par l’entourage du président Abbas, permettrait à la population  de se déplacer sans que le réseau empiète sur la terre,  qui manque à Gaza, créerait des emplois et limiterait la pollution.  Israël y trouverait son compte, la galerie du métro limitant la  possibilité de creuser des tunnels dans la bande de Gaza », explique  l’homme d’affaires. L’ouvrage pourrait, à plus long terme, être prolongé  jusqu’à Hébron, et réunir la Cisjordanie et Gaza.
L’homme clé de la reconstruction à Gaza, Mohammad Mustafa, conseiller économique de Mahmoud Abbas  et président du Fonds d’investissement palestinien, confirme ces grands  projets. « Avec la réconciliation, la donne a changé. » L’engagement  pèse d’autant plus que l’homme est sur la liste des  « premier-ministrables » du futur gouvernement, et qu’il s’apprête à  lancer deux fonds, l’un de 70,4 millions d’euros pour les PME de Gaza,  et l’autre de 70 millions d’euros pour la construction d’écoles,  d’hôpitaux, d’infrastructures, de transport et pour la fourniture  d’énergie.
Le blocus entrave la reconstructionLe rapprochement interpalestinien à peine entériné, le conseiller de Mahmoud Abbas  s’est rendu à Gaza en compagnie d’hommes d’affaires de Ramallah. Les  milieux économiques veulent croire que, à terme, les investisseurs des  pays arabes et les Palestiniens de la diaspora seront au rendez-vous.  Ils misent aussi sur les fonds promis à la conférence de  Charm-El-Cheikh, en 2009, par les pays donateurs, soit 3,16 milliards  d’euros.
Dans son modeste bureau mal aéré, le président de  l’Association des hommes d’affaires de Gaza, Ali El Haik, prévient  toutefois que « Gaza ne sera pas reconstruite si Israël maintient son  blocus » et interpelle la communauté internationale pour qu’elle exerce  des pressions sur l’État hébreu. 
Israël a commencé à lâcher du  lest l’été dernier. Depuis, les organisations internationales peuvent  importer des matériaux de construction israéliens, sous contrôle très  strict et en quantités limitées. L’UNRWA a soumis l’an dernier aux  autorités israéliennes un plan pour bâtir une centaine d’écoles et plus  de 10 000 logements. Le feu vert n’a été accordé que pour 24 écoles et  448 maisons.
Les matériaux passent par les tunnelsLe  blocus continue donc de faire les beaux jours des tunnels de  contrebande, creusés à la frontière avec l’Égypte. Depuis l’allègement  du blocus sur les produits de consommation courante, ce sont  essentiellement des matériaux de construction qui passent. 
Et la  hausse des volumes – 2 000 tonnes de gravier par jour en moyenne – a  fait chuter les prix en quelques mois. « Les particuliers qui en ont les  moyens reconstruisent, et le gouvernement du Hamas est en train de  bâtir 1 000 maisons pour les réfugiés, alors que c’est de notre  responsabilité, constate avec amertume Sébastien Trives, de l’UNRWA.  Nous ne pouvons pas utiliser les matériaux entrés illégalement par les  tunnels, les réfugiés qui attendent depuis plusieurs années leurs  maisons commencent à mettre en doute notre bonne foi. Le blocus joue  contre nous. »
À quelques mètres de la sortie des tunnels, se dresse le terminal de Rafah.  Une arche en béton fermée par une grille, à la frontière entre Gaza et  l’Égypte. Depuis le 28 mai, Le Caire a rouvert officiellement, et de  façon permanente, le point de passage de Rafah pour les piétons. L’étau  se desserre à Gaza, même si la grande confusion dans l’organisation du  passage de la frontière et le manque de coordination entre l’Égypte et  l’enclave palestinienne ont déjà créé de profondes frustrations. 
Les entrepreneurs de Gaza espèrent que les marchandises passeront aussi bientôt par le terminal. « Mais, prévient l’un d’eux, Rafah  ne suffira jamais à approvisionner Gaza. Notre territoire a également  besoin des six points de passage commerciaux avec Israël, qui ne doit  pas se défausser sur l’Égypte. » 
VÉRONIQUE CHOCRON