Bilal Benyaich
"Pour  tous ceux qui espéraient connaître une Europe plus audacieuse et plus  fermement positionnée ... c’est aujourd’hui la déception. "
Publiée en septembre alors que les discussions directes  imposées aux Palestiniens commençaient, cette analyse du rôle de l’UE  garde sa pertinence dans le contexte actuel de blocage induit par la  position israélienne qui est de maintenir la colonisation à tout prix.
"Début septembre, la rentrée  médiatique a été des plus agitées du côté de la Commission européenne.  La presse internationale se rue sur l’opinion personnelle du Commissaire  européen au Commerce, M. Karel De Gucht,  diffusée sur Radio 1, concernant le rôle du lobby pro-israélien dans le  dossier israélo-palestinien. Cette polémique jette une ombre sur une  véritable erreur que la nouvelle diplomatie européenne vient de  commettre entretemps. Une erreur qui passe désormais inaperçue.
Avec le traité de Lisbonne, entré en vigueur le premier  décembre 2009, une ‘Europe Politique’ est promise aux citoyens de  l’Union. La fonction du Haut Représentant pour la Politique Etrangère et  la Sécurité Commune (PESC) est alors remise au goût du jour. La  nouvelle Représentante pour la PESC, Catherine Ashton, a dorénavant un  rôle clé à jouer comme présidente du Conseil européen des ministres des  affaires étrangères et comme vice-présidente de la Commission  européenne. En plus, elle bénéficie d’un nouveau Service Européen pour  l’Action Extérieure, doté de beaucoup plus de personnel et de moyens que  le service diplomatique qui soutenait son prédécesseur, Javier Solana.  Avec ces nouvelles clés en main, l’UE a obtenu son ticket d’entrée dans  l’arène des grands acteurs diplomatiques mondiaux. Un ticket qui n’a  vraisemblablement pas suffi à ouvrir toutes les portes.
Pour tous ceux qui espéraient connaître une Europe plus  audacieuse et plus fermement positionnée grâce à ce nouveau dispositif,  c’est aujourd’hui la déception. L’UE a admiré, passivement, les  négociations entre Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine  initiées par le président américain Obama. Au début du mois de  septembre, point de départ de l’agenda des négociations à poursuivre, Catherine Ashton n’a brillé que par son absence pendant le diner à Washington. Pourtant conviée au lancement de ce nouveau processus, Catherine Ashton  s’est poliment excusée à Washington à cause d‘un ‘agenda surchargé’. Le  ministre français des affaires étrangères a réagi stante pede à cette  absence, en critiquant la décision de la commissaire. Sans résultat.
Vraisemblablement, l’Union Européenne a fait le choix de  s’assoir dans les tribunes pour assister aux nouvelles négociations  entre Mahmoud Abbas  et Benyamin Netanyahou.  Pourtant, l’UE porte une lourde responsabilité  historique dans le déclenchement du conflit israélo-palestinien. En  outre, il faut le dire, le ‘two state solution’ est devenu le consensus  international entre autre grâce aux différentes déclarations européennes  historiques (les déclarations de Venise, Berlin et Séville). Une autre  raison qui devrait pousser l’UE à l’action est que l’Europe est à la  fois le partenaire commercial le plus important d’Israël et le premier  bailleur de fonds de l’Autorité Palestinienne. Enfin, dernier point, et  non des moindres : la Stratégie Européenne de Sécurité (la ligne  directrice dans la politique extérieure de l’Europe) et la Politique  Européenne de Voisinage déterminent que la résolution du conflit  israélo-palestinien est une priorité stratégique. N’est-ce pas une liste  de raisons assez longue pour s’affirmer en tant qu’acteur de premier  plan dans le processus de paix ?
Hélas, il semble que toutes ces raisons ne suffissent  pas à faire pencher la balance. Par manque de consistance et de réalisme  l’Europe a manqué l’opportunité d’obtenir une place de choix aux cotés  des Etats-Unis. Une position que l’UE aurait bien méritée. Cependant,  les ambitions politiques de la commissaire ne vont pas plus loin que  l’applaudissement des initiatives prises par le duo Abbas-Netanyahou, et  des félicitations à l’arbitrage américain. Rien de plus en attendant…la  phase post-conflit. Une phase qui semble encore bien lointaine et  abstraite. Et une UE qui d’ici là devra se cantonner à son rôle de  ‘banquier de la paix’, c’est-à-dire se limiter à une contribution au  processus de paix qui n’est que financière et non politique.
Que l’Europe sans aucune gêne admette de se contenter de  son rôle de "payer" au lieu de faire honneur à ses ambitions clairement  déclarées dans les années 1990, celui du "player" ("acteur") en voilà  une chance ratée ! Garder l’espoir dans un bon déroulement des  négociations sans jouer un rôle politique substantiel - qui pourrait  prendre forme en faisant entendre aux deux parties au conflit que leurs  bonnes relations avec l’Europe dépendent d’un accord final - est le  signe clair d’un manque de courage. L’avenir du Moyen-Orient mais aussi  nos intérêts et notre positionnement mondial méritent mieux que cela. Bien mieux."
Bilal Benyaich, politologue &  membre du CA du Euro-Arab Forum, est auteur du livre ‘L’Europe, Israël  et les Palestiniens’ (paru en néerlandais chez Academic et Scientific  Publishers).
publié par MEDEA
Intro : CL, Afps