entretien avec Alain Dieckhoff.
Pour  éviter un nouvel échec, "il faut que l’administration Obama ne se  cantonne pas au seul rôle de facilitateur mais qu’elle fasse des  propositions dans les semaines qui viennent", estime le politologue  Alain Dieckhoff .
Au terme du  premier round de discussions directes engagées entre Mahmoud Abbas et  Benjamin Netanyahou, les deux parties ont donné des signes  encourageants. Notamment le Premier ministre israélien, qui a parlé de  "concessions douloureuses" à faire des deux côtés, de "compromis  historique" et qualifié le chef de l’Autorité palestinienne de  "partenaire". Comment interpréter ces signaux ?
Est-ce que quelque chose a néanmoins changé, qui les pousse ainsi à vouloir se montrer d’emblée conciliants ?
Or, les obstacles qui ont fait échouer le processus  d’Annapolis comme les précédentes tentatives sont, eux aussi, toujours  les mêmes : la complexité des questions à résoudre (des frontières, des  colonies, de Jérusalem, des réfugiés), et le fait que les deux parties  doivent composer avec des adversaires internes au dialogue. Côté  palestinien, il s’agit du Hamas et d’une partie du Fatah qui est très  réservée sur les pourparlers actuels. Côté israélien, il s’agit de  l’opposition des colons mais aussi d’une partie du gouvernement.
Mais une chose a changé depuis Annapolis, c’est la position américaine.
C’est-à-dire ?
Cet investissement va-t-il se poursuivre pendant la  négociation ? Il faut à mon sens que l’administration Obama ne se  cantonne pas au seul rôle de facilitateur mais qu’elle fasse des  propositions dans les semaines qui viennent. Ce sera le vrai test. Car  sans cette implication, il sera difficile d’avancer.
Contrairement à ce que Benjamin Netanyahou a déclaré, je  ne pense pas que l’on puisse reprendre les négociations à zéro. Les  paramètres, on les connaît. Depuis 2000, on a les "paramètres Clinton",  qui définissent les contours d’une solution à deux Etats : un Etat  palestinien s’étendant sur 95% de la Cisjordanie (plus Gaza), avec le  démantèlement des colonies qui y sont actuellement implantées, un  échange entre Israël et Palestine pour les 5% de territoire restant, la  souveraineté partagée sur Jérusalem, et un règlement de la question des  réfugiés associant compensation financière et retour de certains  réfugiés palestiniens dans l’Etat palestinien à venir, tandis que  d’autres réfugiés seraient intégrés dans les pays arabes d’accueil de la  région ainsi que dans des pays tiers (Europe, Canada…).
On a donc déjà les paramètres. Ce qui a manqué, jusqu’à  présent, c’est une tierce partie qui fixe un cadre non négociable au  sein duquel on puisse discuter. Je ne sais pas si Barack Obama est prêt à  aller jusque là, s’il aura le courage d’activer les leviers dont il  dispose. Ce serait en tout cas dans la logique de la gradation à laquelle on  assiste depuis son élection : il a avancé pas à pas, en envoyant George  Mitchell plusieurs fois dans la région, en obtenant quelques petits  gestes de la part de Benjamin Netanyahou, puis en lançant des  négociations, d’abord indirectes, puis désormais directes.
Mais Israéliens et Palestiniens ont-ils eux-mêmes voulu ces discussions où se sont-ils seulement pliés à la volonté américaine ?
Les conditions idéales préalables à une reprise des négociations ne sont donc pas vraiment réunies…
Interview d’Alain Dieckhoff par Sarah Halifa-Legrand, vendredi 3 septembre
Alain Dieckhoff est directeur de recherche au CNRS,  Centre d’Etudes et de Recherches internationales, Sciences Po. IL vient  de diriger "Afrique du Nord Moyen-Orient. Entre recompositions et  stagnation" (avec Frédéric Charillon), La Documentation française, 2010.  Cet ouvrage sera présenté le 21 septembre 2010 (17-19h) au CERI, 56 rue  Jacob 75006 Paris, au cours d’une rencontre "Proche-Orient : un jeu  régional sans stratège" ?
publié par le NouvelObs
http://tempsreel.nouvelobs.com/actu... ajout de notes : CL, Afps