Pierre Haski
L’optimisme  de façade plane sur les négociations israélo-palestiniennes après les  rencontres de Charm El-Cheikh et de Jérusalem, entre Benyamin Netanyahou  et Mahmoud Abbas, avec Hillary Clinton comme « marraine ». Mais pour  Haneen Zoabi, députée arabe israélienne, il n’y a pas de raison de se  réjouir : la négociation est devenue une fin en soi, un substitut à la  paix.
Haneen Zoabi a fait irruption  dans l’actualité en juin dernier, lorsque cette native de Nazareth,  dans le nord d’Israël, a fait son retour à la Knesset, le parlement  israélien, après avoir participé à la flottille pour Gaza prise d’assaut  par l’armée israélienne dans les eaux internationales. L’élue arabe fut  prise à partie par certains de ses « collègues », dont l’un, Miki  Regev, membre du Likoud de Netanyahou, qui lui a lancé, en arabe : « Va à  Gaza, espèce de traître. »
« Femme, laïque, palestinienne, citoyenne israélienne »
De passage à Paris [1],  l’élue de l’Assemblée nationale démocratique, l’un des trois partis  arabes représentés à la Knesset, est plus combattive que jamais  défendant, dans une interview à Rue89, une identité complexe et  potentiellement conflictuelle : « femme, laïque, palestinienne,  citoyenne israélienne ».
Depuis cet épisode de la flottille, Haneen Zoabi est la  cible d’une véritable offensive. La Knesset lui a déjà imposé trois  restrictions à son statut de parlementaire :
* plus de passeport diplomatique ;     * plus d’aide judiciaire ;     * refus de permission spéciale pour les voyages « sensibles » à l’étranger.
Possible déchéance de nationalité
De plus, le procureur de la République a ouvert une  enquête sur la possibilité de déchoir Haneen Zoabi de sa nationalité  israélienne, ce qui fait bondir la jeune femme, issue de cette  communauté d’environ 1 million de « Palestiniens de l’intérieur »,  Arabes nés dans l’Israël d’avant 1967. Elle ironise :
« En tant qu’Arabe née à Nazareth, nous n’avons pas émigré en Israël, c’est Israël qui a immigré chez nous. »
A ses yeux, toutes ces mesures sont d’abord de  l’intimidation afin de délégitimer les élus arabes israéliens, au nombre  de onze sur 120 membres de la Knesset, représentant trois partis :  communiste, islamique, et nationaliste.
Cette jeune femme qui n’a pas froid aux yeux ne demande  pas la disparition de l’Etat d’Israël mais quelque chose d’hérétique aux  yeux de la majorité des Israéliens : elle estime qu’un Etat ne peut  être « juif et démocratique ».
« Ça n’est pas possible, c’est contradictoire. Chaque  fois qu’il faut choisir entre les deux, l’Etat choisit d’être un peu  plus juif plutôt que plus démocratique. Avec Netanyahou, c’est devenu  pire. »
Ce qu’elle demande : le droit à l’identité nationale et à  la citoyenneté complète, au sein d’un Etat d’Israël « normal et  démocratique » qui ne distinguerait pas entre les juifs et ses autres  composantes. Assurément une utopie dans le contexte actuel puisque,  reconnaît-elle, c’est une remise en cause des fondements du sionisme. Les négociations remplacent la paix
Sans surprise, Haneen Zoabi ne croit pas aux négociations de paix qui ont repris sous l’égide américaine :
« Les négociations sont une stratégie pour remplacer la paix. Israël n’est pas prêt à la paix. »
La députée nationaliste arabe estime qu’Israël est  gagnant sur toute la ligne dans la reprise de négociations sans fin.  L’Etat hébreu obtient cinq résultats immédiats :
1. poursuite de la coordination sécuritaire avec l’Autorité palestinienne ;    2. rupture de l’isolement international ;    3. reprise de l’investissement international ;    4. poursuite du blocus de Gaza ;    5. chantage aux pays occidentaux pour reconnaître Israël comme un « Etat juif ».
Et Benyamin Netanyahou ne perd pas sur les trois « fronts » qui lui importent :
1. poursuite de la colonisation ;    2. poursuite de l’annexion de Jérusalem ;    3. poursuite du siège de Gaza.
Haneen Zoabi est particulièrement sévère à l’encontre du  Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui, selon elle,  « a cessé de représenter le peuple palestinien ».
L’élue de Nazareth, une ville à majorité arabe dans le  nord d’Israël, estime que la priorité actuelle des Palestiniens devrait  être de surmonter les divisions entre les différents courants, incarnés  par le pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza, et celui du Fatah en  Cisjordanie. Et qu’il ne devrait pas y avoir de négociations sans une  claire acceptation par Israël des droits des Palestiniens, avec tout ce  que ça implique pour les colonies, les frontières, Jérusalem… La voix peu audible des « Arabes israéliens »
La jeune femme n’a pas de sympathie pour les islamistes du Hamas, dont elle se sent « à 100% à l’opposé des valeurs sociales » :
« Je suis une femme laïque et libérale, je crois en la démocratie et dans la place de l’individu, le rôle de la femme.
Mais -et c’est un grand mais- ils ont été élus par le  peuple palestinien, et personne ne peut leur dire pour qui voter. Ils  font donc partie de la lutte et de la recherche d’une fin à  l’occupation. »
Haneen Zoabi se trouve à l’étranger pour faire entendre  cette voix particulière des « Arabes israéliens » ou Palestiniens  d’Israël, difficilement audible, y compris en Israël même. Une voix  singulière, différente de celle qui vient de Ramallah ou de Gaza et, de  ce fait, peut-être plus libre de dire des vérités qui dérangent.
[1] elle était l’invitée d’honneur de la Fête de l’Humanité les 10, 11 et 12 septembre