Stop the Wall
          L’occupant essaie de faire de son pays, une terre « sans  peuple », et des centaines de milliers de Palestiniens sont assujettis à  des conditions de vie insupportables et poussés à des « déplacements  volontaires ».         
On ne peut accéder à la terre de Mitri Ghounam que par  une porte en fer et une route clôturée. La maison est enfermée sur trois  côtés, soit par un mur de béton soit par une clôture métallique. De  l’autre côté de la clôture, un chantier de construction. Bien que les  engins soient silencieux aujourd’hui, les travaux s’arrêtant pour le  week-end, il est facile d’imaginer le vacarme qu’ils doivent produire le  reste de la semaine.
Mitri est assis contre un pied de vigne, il nous  accueille avec un verre de limonade et de l’eau, un secours par cette  très chaude journée. Derrière lui, une statue de la Vierge Marie qui  surplombe une fontaine, et au-dessus de sa maison familiale, saint  Georges tuant le serpent.
Mitri Ghounam, qu’on appelle affectueusement Abu Michael  (le père de Michael), a 64 ans, il a deux fils et deux filles. L’un de  ses fils, avec sa famille, vit ici avec Mitri et son épouse, dans cette  enceinte clôturée.
Mitri est né à Jaffa en 1946. Deux années plus tard,  pendant la guerre de 1948, sa famille est expulsée par les forces  israéliennes et doit se réfugier à Beit Jala, village voisin de  Bethléhem. C’est là que Mitri va à l’école, qu’il grandit. Au printemps  1967, Mitri se marie, à Beit Jala. C’est pendant son voyage de noces en  Jordanie que la guerre de 1967 éclate et qu’Israël occupe la  Cisjordanie. Pendant cette guerre, Israël ferme la plus grande partie  des frontières, et Mitri et son épouse ne peuvent rentrer. Malgré  plusieurs tentatives pour que la Croix-Rouge les aide à rentrer chez  eux, ce n’est qu’en 1979 que la municipalité de Beit Jala leur prête  main forte pour revenir grâce à la réunification familiale. A ce  moment-là, Mitgri est déjà devenu un papa.
Mitri, actuellement sans emploi, a été peintre et  chauffeur de taxi. Il élève alors sa famille avec de maigres ressources.  Ce qu’il gagne est épargné et va à l’achat d’un terrain et à la  construction de cette maison, à la périphérie de Beit Jala. Mitri  travaille dur pour entretenir la terre, planter des oliviers, des  amandiers, et construire un four en argile. Il avait fait autrefois un  terrain de jeux pour ses enfants. Bien qu’avec de faibles revenus, il  était déterminé à offrir un havre à sa famille.
Mitri Ghounam près du mur qui emprisonne sa maison.
Là où Mitri aimait marcher, devant sa maison, pour  regarder ses arbres et l’aire de jeux, il est aujourd’hui face à un mur  de béton, un mur qui s’est monté petit à petit tout près de sa maison et  sur sa terre. En 1992, l’armée israélienne commence par saisir sa terre  pour construire un tunnel et une route qui vient de Jérusalem pour les  colonies illégales en Cisjordanie (la route n° 60). Après 1992, elle  confisque d’autres terres pour construire un mur autour du tunnel, pour  le « protéger ». En tout, 2 200 dunums (220 hectares) de sa terre sont  confisqués et détruits. Mitri voit les arbres qu’il a plantés et le  havre qu’il a créé, rasés aux bulldozers et saccagés. Quelques-uns de  ses arbres sont encore là, près du mur, tailladés et malades, lui  rappelant ses rêves lors de leur plantation.
Quand le mur de béton sera complètement terminé, il aura  6 mètres de hauteur et éclipsera la maison de Mitri. Du mur, qui  s’élève maintenant à moitié, environ 3 mètres, ressortent des tiges de  métal, n’importe comment, se dressant sur le dessus ou s’écartant sur  les côtés. A proximité du mur, la terre est saccagée, avec des trous et  des ornières qui suscitent beaucoup d’inquiétude à cause des  petites-filles de Mitri qui jouent dehors.
Non seulement sa maison si paisible, à la périphérie de  Beit Jala, est maintenant couverte par le bruit de la route toute  proche, mais les ouvriers de la construction qui montent le mur sont en  train d’enfermer la maison de sa famille.
La vie privée qu’autrefois il aimait tant a disparu avec  les ouvriers et les soldats israéliens qui envahissent sa cour et sa  terre, parfois jusqu’à 9 h du soir. Mitri s’inquiète constamment à cause  de cet environnement dans lequel ses quatre petites-filles grandissent.
Mitri a trimé pour subvenir aux besoins de sa famille,  tout cela pour se voir dépossédé aujourd’hui des résultats de son labeur  acharné. Les conséquences n’en sont pas seulement financières, mais  aussi psychologiques. La pression forte qui pèse sur lui pour nourrir sa  famille, plus son impuissance devant la destruction de sa terre, sous  ses yeux, font que Mitri doit régulièrement aller consulter un  psychiatre. Il a même été hospitalisé. La destruction de sa terre le  détruit lui aussi. C’est pour cela que Mitri a dit à l’un des soldats  israéliens, « Quand vous aurez terminé votre mur, vous m’aurez achevé ».
Mitri se tourmente toujours pour l’avenir de sa famille.  C’est pour cette raison qu’il a fait une demande pour aller vivre en  Australie. L’occupant essaie de faire de son pays, une terre « sans  peuple », et des centaines de milliers de Palestiniens sont assujettis à  des conditions de vie insupportables et poussés à des « déplacements  volontaires ». Enervé et découragé, Mitri nous regarde, « Est-ce que j’avais un autre choix ? ».
En dépit d’une situation désespérée, il semble que Mitri  ne soit pas toujours prêt à capituler, face au nettoyage ethnique que  l’occupant israélien veut lui imposer, pour la deuxième fois dans sa  vie. Mitri agit toujours sur les petites choses. Il plante des arbres,  il a l’espoir d’obtenir une route bitumée, il essaie toujours de faire  de sa maison, un havre pour sa famille.
25 août 2010 - Voix de la communauté - Campagne populaire contre le mur d’apartheid - Stop the Wall - traduction : JPP
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