José Luis Moragues - CCIPPP 34
Rien ne serait plus réducteur et dangereux pour le mouvement international de solidarité que de réduire l’appel BDS (1) du BNC (2)  à une simple modalité d’action que serait le boycott. Cet Appel  recentre le mouvement de solidarité sur les droits fondamentaux du  Peuple Palestinien et ouvre la voie à une action citoyenne directe dans  le cadre d’un rapport de force en construction.
 1 - Un Appel représentatif du peuple Palestinien
Le 9 juillet 2005, est lancé l’Appel au Boycott, aux Sanctions et au Retrait des Investissements, contre Israël.  ( Il a été préparé notamment par le PACBI (Campagne palestinienne pour  le Boycott universitaire et culturel contre Israël), de nombreuses  associations de réfugiés, de « Stop the wall », du PNGO (réseau des ONG  palestiniennes) et compte dès son lancement 171 organisations  signataires. Aujourd’hui ce sont plus de 400 organisations  palestiniennes qui ont rejoint l’Appel.
Tous les courants politiques et religieux sont présents  ainsi qu’une très grande diversité d’ONG (femmes, prisonniers, jeunes,  paysans, salariés etc.) qui confèrent à cet appel une représentation  réelle de la société civile palestinienne. Plus important encore est le  fait qu’on y trouve les associations des 3 composantes du peuple  palestinien : Palestiniens sous occupation et blocus (Cisjordanie et  Gaza) ; Palestiniens de 48 (Palestiniens d’Israël) et Palestiniens  Réfugiés (de l’intérieur comme de l’extérieur).  A ce titre on peut dire  que cet Appel est non seulement représentatif de la société civile  palestinienne mais qu’il est largement représentatif du Peuple  Palestinien dont il représente et rassemble les trois composantes  éclatées. 
2 - Un Appel d’une portée stratégique qui reconstitue l’unité du Peuple Palestinien
2 - Un Appel d’une portée stratégique qui reconstitue l’unité du Peuple Palestinien
L’Appel pose trois revendications : « Ces  mesures punitives non violentes devraient être maintenues jusqu’à ce  qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des  Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes  du droit international en :
• 1. mettant fin à son occupation et à sa colonisation de tous les terres arabes et en démantelant le Mur ;
• 2. reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens arabo-palestiniens d’Israël à une égalité absolue ; et
• 3. respectant, protégeant et  favorisant les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs  maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU ».
 Par delà une représentativité désormais incontestable,  la puissance de l’Appel tient à ce qu’il reconstitue l’unité du peuple  Palestinien. Pour cela il transcende les divergences et les divisions  qui ont conduit parfois les partis rivaux aux limites de la guerre  civile. En reconstituant une unité qui devient le socle à partir  desquels s’élaborent les orientations et les choix tactiques l’Appel  acquiert toute sa portée stratégique. Il réaffirme  que sans la prise en compte des droits fondamentaux des trois  composantes du peuple palestinien (Palestiniens sous occupation,  Palestiniens d’Israël et réfugiés palestiniens) il ne saurait y avoir de  libération ni d’autodétermination véritable. Ceci est martelé dans l’appel qui réitère que ces trois revendications sont indissociables les unes des autres.
Lors de son intervention à Montpellier en octobre 2009  au meeting de la Coalition contre Agrexco, Omar Barghouti déclarait  également :
« Mais si un groupe veut se focaliser  uniquement sur l’occupation, pas sur l’apartheid en Israël ou sur les  droits des réfugiés, quoi alors ? Les droits inaliénables du peuple de  Palestine sont indivisibles et non négociables. Seuls les Palestiniens  peuvent décider à quoi nous aspirons et comment nous pouvons exercer  notre droit à l’autodétermination. Les mouvements de solidarité  choisissent les tactiques qu’ils considèrent comme les plus efficaces et  les plus durables dans leur contexte particulier pour nous aider à  parvenir à nos droits. »
 Malgré les accords d’Oslo et le « processus de paix »  et la tentative d’évacuation de la question des réfugiés, le retour des  réfugiés reste une revendication centrale pour les Palestiniens. Même si  de nombreux Palestiniens d’Israël sont des réfugiés - déplacés de  l’intérieur -, la dénonciation de l’apartheid qu’ils subissent est plus  récente. Sait-on que le mouvement contemporain BDS a pris naissance à la  suite de la Conférence de Durban (Afrique du Sud) en 2001 ? Pour la  première fois le Forum des ONG a considéré Israël comme un état  pratiquant l’apartheid, notamment à l’égard des Palestiniens d’Israël. A  partir de quoi les ONG du Forum ont considéré qu’il fallait traiter  l’apartheid israélien comme on avait traité l’apartheid d’Afrique du Sud  et donc appliquer le BDS contre Israël.
La question de l’apartheid est importante pour au moins trois raisons :
Pour toutes ces raisons la dimension stratégique de  l’Appel palestinien de 2005 ne saurait être ignorée ni déconnectées des  modalités d’action du BDS. C’est elle qui au contraire, devrait orienter  les choix tactiques et faire en sorte qu’ils contribuent à renforcer  l’unité stratégique des trois composantes du peuple Palestinien. Les  actions de boycott n’auraient pas de sens si elles n’étaient pas reliées  à la question des droits fondamentaux. Elles tirent leur légitimité de  la violation de ces droits en même temps qu’elles sont le moyen pour  exiger leur application.
 3 - Un Appel qui « réinitialise »  le mouvement de solidarité sur les droits fondamentaux et sur le terrain  de l’action citoyenne directe :
 - Après les résultats catastrophiques des accords  d’Oslo et des différents pseudo « plans » et « processus de paix »,  l’Appel invite de fait le mouvement de solidarité à abandonner le  marécageux terrain des « processus de paix » et ses « solutions  étatiques » pour se repositionner sur celui plus stable des droits  fondamentaux et de l’autodétermination. Ainsi de l’avis du BNC la  question d’un ou deux Etats n’est pas à l’ordre du jour, ce qui est  déterminant c’est la satisfaction des trois revendications fondamentales  pré-citées.
D’ores et déjà, on peut dire que l’Appel BDS a  transformé le mouvement de solidarité. Il ne s’agit plus seulement  d’activités destinées à manifester notre mécontentement et exiger des  décisions et des mesures de nos représentants en faveur des Palestiniens  à des milliers de km, mais il s’agit d’ouvrir ici,  dès maintenant, un front de luttes qui vont construire un rapport de  force national, européen et international.
Nous ne sommes plus seulement dans une action de  solidarité pour les Palestiniens mais nous sommes dans l’action avec les  Palestiniens. Gus Mashia lors du stage BDS France d’octobre 2009 disait  très justement : « Pour nous, la solidarité  internationale c’est la dimension internationale de la solidarité. Cela  semble une évidence mais cela ne l’est pas. La solidarité ça n’est pas  exotique, ça n’est pas un plus, c’est la continuité avec les actions de  solidarité. Donc nous devons arriver à engager dans la campagne de  boycott l’ensemble des mouvements de solidarité, là où ils sont, locaux  ou nationaux, en leur montrant la continuité entre les formes  d’oppression en Palestine et les formes de discrimination chez nous. »
De ce point de vue, la bataille menée par la Coalition contre Agrexco est exemplaire.
José Luis Moraguès
[1] BDS : Boycott, Désinvestissement, Sanctions.
[2] BNC : Comité National (Palestinien) du Boycott
                                  Diffusé par l’auteur ce 3 septembre 2010