18/08/2010 - 15:34
Le chef du gouvernement continue de jeter les bases d’un futur État,  dont il estime l’avènement inéluctable d’ici à la mi-2011, malgré le  blocage du processus de paix.
Sur la route menant à la primature se dresse un nouveau centre  d’affaires. C’est l’un des innombrables projets qui parsèment la ville  de Ramallah, fruit, parmi d’autres, de la vitalité économique de la  Cisjordanie occupée, qui a enregistré, en 2009, une croissance de 8,5 %.  Qui plus est dans un contexte de stabilité et de sécurité relatives.
Pourtant, c’est loin de satisfaire celui que l’on associe désormais à  la métamorphose de la Cisjordanie, Salam Fayyad, le Premier ministre  palestinien, qui estimait récemment que la croissance était surtout  imputable à l’injection d’aide internationale dans une petite économie.  Le flux d’argent étranger commençant à se tarir, Fayyad est convaincu  que le boom n’est pas durable. « Une croissance durable, a-t-il expliqué  au Financial Times, ne sera possible que lorsque les Israéliens auront  levé les restrictions imposées aux territoires occupés. » Pour Fayyad,  les récents progrès, certes significatifs, ne sont que des étapes sur la  route menant à la fin de l’occupation israélienne et à la création d’un  État palestinien.
Alors que de nombreux observateurs n’entrevoient aucun motif  d’espoir, Fayyad se veut résolument optimiste. « Si les Palestiniens  veulent vraiment un État, alors ils l’auront. Si nous le voulons, cela  arrivera. » Ces propos rappellent ceux prononcés il y a plus d’un siècle  par Theodor Herzl, le père du sionisme, qui a rassemblé les fondateurs  de l’État juif autour de lui en disant : « Si vous le voulez, ça ne sera  pas qu’un rêve ! » À l’instar des sionistes, qui avaient décidé de  bâtir leur État petit à petit, Fayyad a l’intention de jeter les  fondations de l’État palestinien école après école, route après route. «  Ce que nous faisons en ce moment, c’est nous préparer à l’avènement  d’un État : c’est-à-dire être capables de nous gouverner nous-mêmes,  renforcer nos institutions et nous doter des infrastructures  nécessaires. »
Dernière ligne droite
L’idée directrice et les détails du programme de Fayyad sont  synthétisés dans un document qu’il a publié en août 2009. Il s’y engage à  réunir toutes les conditions de l’établissement d’un État d’ici à la  mi-2011. Le programme entre donc dans sa seconde et dernière année, « la  dernière ligne droite vers la liberté », dixit le Premier ministre.  Environ 1 500 projets et réformes ont déjà été concrétisés, de la  réfection des routes à la révision du budget de l’État. La plupart de  ces mesures visent à améliorer la vie quotidienne des Palestiniens, mais  l’objectif ultime est de mettre fin à l’occupation, notamment en  permettant aux Cisjordaniens de vivre en Cisjordanie.
C’est peut-être l’aspect psychologique du plan de Fayyad qui est le  plus important. « Ce que nous faisons change vraiment les choses, car  nous donnons de l’espoir aux gens, explique-t-il. Ils voient que l’État  de Palestine est en train de passer d’un simple concept à une  possibilité pour devenir, à terme, une réalité. […] Le pari que nous  faisons est le suivant : d’ici au milieu de l’année prochaine, le  processus politique aura abouti à la fin de l’occupation. Et si ce n’est  pas le cas, la réalité de l’État palestinien sera telle qu’elle  permettra de peser sur le processus politique pour obtenir un accord. »
Au sein de la population, les réactions aux efforts de Fayyad sont  partagées. Le Premier ministre ne dispose toujours pas d’une assise  politique suffisamment solide. Il sait que son programme souffre de  l’absence d’un mandat démocratique. Et il essaie de combler ce handicap  en passant au moins un jour par semaine dans des villes et des villages  de Cisjordanie. Des déplacements qui ont alimenté les spéculations sur  ses ambitions personnelles. Mais si Fayyad reconnaît être en campagne,  c’est, assure-t-il, dans le seul but de concrétiser son projet : « De  quelle fonction parlons-nous ? Pour quel poste voudrions-nous nous  battre ? Nous ne sommes même pas un pays.»
Par Tobias Buck. Financial Times et Jeune Afrique 2010Lien