Max Blumenthal 
          Un rapport de l’armée israélienne qui a été discrètement  présenté aux Nations-Unies il y a deux semaines reconnaît les  bombardements par les FDI de bâtiments de l’ONU avec des obus au  phosphore blanc. Les précédents rapports israéliens avaient toujours nié  qu’un tel cas avait pu se produire.         
L’avocat général de l’armée  israélienne, Mandelblit, reconnaît les destructions d’infrastructures  civiles et le mépris de la vie des civils. Ici, à Rafah.
 Un rapport discrètement remis aux Nations-Unies il y a deux semaines par  l’avocat général de l’armée israélienne, Avichai Mandelblit, sur la  conduite d’Israël pendant l’opération Plomb durci (contre la bande de Gaza, 27 décembre 2008/18 janvier 2009) confirme les principales conclusions du rapport Goldstone (résumé en français - pdf).
Le rapport Mandelblit (version intégrale en anglais (pdf)), qui apporte des informations sur 150 enquêtes en cours, a scandalisé l’armée israélienne. « L’armée donnait la même impression d’effroi qu’après le rapport Goldstone » fait remarquer  un officier israélien. Un autre chef militaire exprime sa colère quand,  après qu’un précédent rapport des FDI ait affirmé la légalité des  bombardements des zones civiles avec une arme chimique, le phosphore  blanc, le rapport Mandelblit publie maintenant des recommandations qui  en limitent l’usage. « C’est comme s’il essayait de vous  lier les mains dans le dos. Pourquoi l’usage d’une arme qui ne pose  aucun problème doit-il être limité ? », demande cet officier.
La confirmation par Mandelblit de l’usage de phosphore  blanc par l’armée israélienne à Gaza contre des bâtiments des  Nations-Unies est l’un des aveux les plus remarquables de son rapport.  Il prend de front, en le démentant, ce mensonge maintes et maintes fois  affirmé devant l’opinion israélienne au lendemain de l’opération Plomb  durci, et repris dans un rapport des FDI d’avril 2009, prétendant qu’« aucune munition au phosphore n’avait été utilisée sur des zones construites ».
Le débat sur l’emploi du phosphore est enfoui dans le  corps du rapport, à la page 21, dans une section sur les bâtiments des  bureaux locaux de l’UNRWA :
« L’un des incidents le plus largement  évoqué pendant l’opération contre Gaza concerne l’infrastructure locale  de l’UNRWA, où trois personnes ont été blessées et où des dommages  matériels importants ont résulté de l’usage de munitions qui font des  écrans de fumée et qui contiennent du phosphore blanc. Des dégâts  supplémentaires ont été provoqués par l’usage d’obus à haute intensité  explosive à proximité de l’enceinte. »
Outre le déploiement de munitions à phosphore blanc, le  rapport Mandelblilt reconnaît que l’avocat général militaire des FDI a  diligenté une enquête pénale sur :
et reconnu implicitement la destruction de biens privés (p. 33).
Bombardement au phosphore blanc sur Gaza
Même si Mandelblit établit la responsabilité dans de  nombreux meurtres à la charge des commandants des FDI, il avance aussi  la politique de tir de l’armée pour justifier ces meurtres. Tant que les  soldats ont affirmé dans leurs témoignages qu’ils pouvaient avoir vu  des agents ennemis dans la zone (Mandelblit admet l’extrême difficulté à  rassembler des témoignages des victimes palestiniennes), il se dit  capable d’affirmer alors que les soldats ont respecté « le droit des  conflits armés ».
Qu’est-ce que le Droit des conflits armés ?  Il s’agit d’un ensemble de lignes directrices à respecter lors des  combats, lignes qui furent redéfinies spécialement pour les opérations  de l’armée israélienne par le philosophe militaire Asa Kasher. (Voir : Israël travaille au changement du droit international par Jeff Halper). En précisant quelle est sa version du droit, Kasher écrit, « La responsabilité d’avoir à distinguer entre les terroristes et les non combattants ne repose pas sur les épaules (d’Israël). » Il ajoute : « Envoyer  un soldat (à Gaza) se battre contre les terroristes est justifié, mais  pourquoi devrais-je l’obliger à prendre des risques supplémentaires pour  épargner celui ou celle qui se trouve à côté du terroriste ? Du point  de vue de l’Etat d’Israël, cette personne est beaucoup moins importante.  J’ai plus de devoir à l’égard du soldat. S’il faut choisir entre le  soldat et celui ou celle qui est près du terroriste, la priorité va au  soldat. N’importe quel pays en ferait autant. » En d’autres termes,  la mort de civils est justifiée selon les règles militaires israéliennes  si un soldat est en mesure de juger qu’il « se sent en danger ».
On ne sait si le rapport Mandelblit va conduire à une  révision à la baisse des règles de combat vues par Kasher. Les  recommandations du rapport ont déjà provoqué un mécontentement virulent  chez le corps des officiers de l’armée israélienne, aussi il serait peu  réaliste de compter que ceux-ci les mettent en pratique, surtout depuis  qu’Israël semble être prêt à une nouvelle campagne potentiellement  sanglante contre les zones urbaines au sud du Liban. La véritable valeur  du rapport, alors, est de venir confirmer les principales conclusions  du rapport Goldstone. Même dans cette enquête parmi les plus prudentes  sur la conduite des FDI durant l’opération Plomb durci, Mandelblit en  arrive à présenter une situation cohérente de destructions de  l’infrastructure civile palestinienne et de mépris de la vie des civils.
Malheureusement, les conclusions accablantes contenues  dans le rapport ne sont pas parvenues jusqu’au grand public israélien.  Les articles concernant ce rapport sont restés enterrés profond chez les  journaux israéliens pendant que, selon le Yedioth Aharonoth,  le ministère des Affaires étrangères israéliens se refuse à le mettre à  disposition sur son site en hébreu (uniquement sur le site en anglais).
Le chroniqueur du Maariv, Ofer  Shelakh, est l’une des rares personnalités publiques israéliennes à  avoir dénoncé le silence officiel après la publication de Mandelblit. Il  écrit ceci le 23 juillet, dans une rubrique sur le rapport de  Mandelblit des FDI et sur le rapport Eiland  sur la flottille de Gaza (pas de lien, à partir d’une unique traduction  en hébreu de la page 23 du supplément hebdomadaire du Maariv) :
« Quelle est la vérité et pourquoi  soudainement répondons-nous à l’ONU en des termes différents de ceux qui  furent avancés auprès des citoyens israéliens ? C’est la même chose  pour les procédures juridiques engagées contre des officiers israéliens,  pour le procès du commandant de la brigade de Gaza, pour l’enquête de  l’ex-commandant de la Brigade Giv’ati, Ylan Malka, dont nous n’entendons  que les réponses israéliennes destinées aux autorités étrangères.
« Il semble d’après  les décideurs du système de défense d’Israël, que nous, les Israéliens,  nous ne cherchons pas à savoir, nous ne devons pas savoir, ou que nous  sommes d’accord pour que tout cela ne soit fait que pour être avalé par  l’étranger, pour repousser les critiques anti-israéliennes. Les  Israéliens préfèrent penser que les FDI opèrent avec brio, que leurs  commandants ne commettent pas d’erreurs, que leur politique de tirs est  respectueuse et morale, et que le problème dans Plomb durci a été la politique de tirs et non les décisions prises par les commandants sur place. 
« Peut-être après tout que cette cynique  approche de l’opinion israélienne se justifie. Il est un fait qu’aucun  tollé n’est monté de l’opinion après la sombre situation dépeinte par  (le rapport Eiland), mais dans l’armée israélienne, il est certain que  dans ses cadres moyens, beaucoup comprennent le mal qui en découle pour  les critères d’expression de la vérité, de l’expression de toute la  vérité. »
L’armée israélienne, face à des civils...
                25 juillet 2010  - Max Blumenthal - traduction : JPP