samedi 12 juin 2010

Le crime de Gaza et le Tribunal Russell sur la Palestine

publié le vendredi 11 juin 2010
Brahim Senouci

 
Il est facile de condamner Israël. Incontestablement, c’est lui qui a le doigt à la détente. Mais ceux, Européens, Etatsuniens, ainsi que leurs valets arabes chargés de les relayer, qui lui assurent l’impunité sont aussi coupables que lui.
L’attaque menée par des commandos israéliens contre des humanitaires révulse le monde entier. L’indignation n’a qu’un temps, malheureusement. Le massacre méthodique mené par l’armée israélienne en décembre 2008 et janvier 2009 semble bien loin. Depuis ce massacre, Israël a intégré l’OCDE et mène des négociations avec l’Union Européenne pour mettre en œuvre le processus de rehaussement de l’Accord d’Association qui lie déjà les deux parties.
Il faut noter que cet Accord avait fait l’objet d’une résolution du Parlement Européen en avril 2002, résolution qui appelait à sa suspension pour cause de non respect par la partie israélienne de son article 2, relatif au respect des droits de l’homme. Cette résolution a été ignorée par le Conseil de l’Union Européenne, instance qui rassemble les représentants des gouvernements nationaux. De la même manière, le Parlement a voté en octobre 2008, soit avant l’attaque de Gaza, une résolution appelant à l’ajournement du rehaussement de l’Accord. Cette résolution a subi le même sort que celle de 2002. Il aura fallu la tragédie du massacre de 1500 personnes, dont des centaines d’enfants, pour que les gouvernements de l’Europe consentent à différer la procédure.
La liste des violations commises par Israël est bien trop longue pour être rappelée ici. L’Avis de la Cour Internationale de Justice, émis le 9 juillet 2004 après son adoption par 14 des 15 juges qui la composent, récapitule l’essentiel de ces violations et appelle notamment à la destruction du Mur et au dédommagement des populations qui en ont subi les effets funestes. Le 20 juillet 2004, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution ES-10/15, après avoir pris acte de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice. La résolution « exige qu’Israël, puissance occupante, s’acquitte de ses obligations juridiques telles qu’elles sont énoncées dans l’avis consultatif ». Il faut noter que la résolution a été votée par les pays membres de l’Union Européenne, ce qui leur faisait théoriquement obligation d’agir pour faire cesser les violations.
On connait la suite… Plutôt que de sanctionner, l’Union Européenne et ses Etats membres n’ont cessé de dispenser des récompenses à l’Etat d’Israël.
Que dire de la politique des Etats-Unis, de son alignement sur leur allié, de son acharnement à peser de tout le poids de la puissance étatsunienne sur les Palestiniens pour leur demander des concessions, sans cesse ? Ce n’était donc pas suffisant d’accepter que leur patrie historique soit perdue à près de 80 %. Ce n’était donc pas suffisant qu’ils acceptent de négocier le sort des millions de réfugiés qui croupissent dans les camps. Ils n’auront donc jamais avalé suffisamment de couleuvres pour trouver grâce aux yeux de l’Europe et des Etats-Unis.
Il est facile de condamner Israël. Incontestablement, c’est lui qui a le doigt à la détente. Mais ceux, Européens, Etatsuniens, ainsi que leurs valets arabes chargés de les relayer, qui lui assurent l’impunité sont aussi coupables que lui. Ils participent de manière égale à la destruction de la société palestinienne. Ils en sont comptables.
C’est à ce titre que le Tribunal Russell sur la Palestine a choisi de juger les complices de la politique israélienne. Ses membres considèrent en effet que la culpabilité israélienne est établie sur la base d’une littérature abondante dont le morceau de choix est l’Avis de la Cour Internationale de Justice. Le vrai problème est donc, non pas d’identifier l’auteur des violations mais d’examiner les raisons pour lesquelles il n’encourt aucune sanction.
La première session du Tribunal Russell sur la Palestine s’est tenue à Barcelone. Elle avait pour objet l’examen des responsabilités de l’Union Européenne et des Etats membres dans la permanence de la tragédie palestinienne. Elle s’est ouverte par un rappel des violations israéliennes. Le jury a ensuite écouté des experts et des témoins de haut rang, connus pour leurs compétences et leur probité. Il a considéré dans ses conclusions comme étant établies les responsabilités des institutions incriminées.
Trois autres sessions sont programmées. La prochaine aura lieu à Londres en octobre 2010. Elle se penchera sur les responsabilités des sociétés multinationales. Les suivantes se tiendront aux Etats-Unis et en Afrique du Sud dans le courant de l’année 2011.
Nous avons expérimenté très largement durant des décennies l’incurie de la bien mal nommée "communauté internationale". Elle s’est révélée non seulement incapable de contraindre Israël à se plier au droit mais encore elle l’a arrosé de ses bienfaits. Il n’y a donc pas d’issue institutionnelle à la tragédie que vivent les Palestiniens. Nous savons toutefois que l’opinion internationale est en leur faveur, parce que la justice est de leur côté. C’est ce levier qu’il faut actionner et c’est ce que s’efforce de faire le Tribunal Russel. Ses conclusions seront régulièrement livrées aux peuples afin qu’ils astreignent leurs gouvernements à les entendre et à les mettre en application.
Voilà pourquoi il faut rejoindre le Tribunal Russell sur la Palestine et le soutenir, moralement et financièrement !
Brahim SENOUCI est membre du Comité Organisateur International du Tribunal Russell sur la Palestine