CICR
Pour sortir le million et demi de Gazaouis  de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent, l’assistance  humanitaire à elle seule ne suffit pas. La seule solution durable  consiste à lever le blocus.
Les graves incidents qui se  sont produits le 31 mai entre les forces israéliennes et des militants  qui se trouvaient à bord d’une flottille faisant route vers Gaza ont une  nouvelle fois mis en lumière les conditions de vie extrêmement  difficiles des habitants de la bande de Gaza.
Comme le CICR l’a souligné à maintes reprises,  l’assistance humanitaire à elle seule ne suffit pas pour sortir Gaza de  la situation alarmante dans laquelle elle se trouve. Le blocus imposé à  la bande de Gaza s’apprête à entrer dans sa quatrième année et empêche  toute véritable possibilité de développement économique. Les Gazaouis  continuent à se débattre contre le chômage, la pauvreté et les effets de  la guerre, tandis que le système de soins de santé est au plus mal.
L’ensemble de la population civile de Gaza se retrouve  pénalisée pour des actes dont elle ne porte aucune responsabilité. Le  blocus représente donc une sanction collective imposée en violation  flagrante des obligations qui incombent à Israël en vertu du droit  international humanitaire.
« Le blocus a des effets dévastateurs sur le million et  demi de personnes qui vivent à Gaza, déclare Béatrice Mégevand-Roggo,  chef des opérations du CICR pour le Moyen-Orient. C’est pourquoi nous  demandons instamment à Israël de mettre fin au bouclage et appelons tous  ceux qui peuvent influencer la situation, y compris le Hamas, à faire  tout leur possible pour venir en aide à la population civile de Gaza. Il  faut qu’il y ait un juste équilibre entre le droit qu’a Israël de  prendre des mesures pour répondre à ses préoccupations légitimes en  matière de sécurité et le droit des Palestiniens de mener une vie  normale et digne. »
La communauté internationale a un rôle à jouer pour  faire en sorte que les appels répétés des États et des organisations  internationales visant à lever le blocus soient enfin entendus.
En vertu du droit international humanitaire, Israël doit  veiller à ce que les besoins essentiels des Gazaouis soient satisfaits,  notamment en ce qui concerne les soins de santé. Les autorités  palestiniennes doivent quant à elles faire tout ce qui est en leur  pouvoir pour dispenser des soins de santé adéquats, assurer  l’approvisionnement en électricité et entretenir les infrastructures à  Gaza.
De plus, tous les États ont l’obligation d’autoriser et  de faciliter le passage rapide et sans encombre de tous les envois, des  équipements et du personnel de secours.
Le soldat israélien Gilad Shalit s’apprête à entamer sa  cinquième année de captivité. Le Hamas a continué d’ignorer les appels  lancés par le CICR afin de pouvoir lui rendre visite. Il a également  refusé à M. Shalit tout contact avec sa famille, ce qui est contraire au  droit international humanitaire. Une fois de plus, le CICR demande  instamment à ceux qui détiennent Gilad Shalit de l’autoriser à avoir des  échanges réguliers avec sa famille, comme il en a le droit. Il leur  rappelle également qu’ils ont l’obligation de le traiter avec humanité  et de veiller à ce que ses conditions de vie soient humaines et dignes.
Moyens de subsistance détruits
Si quelque 80 types de marchandises peuvent désormais  entrer à Gaza (deux fois plus qu’il y a un an), plus de 4 000 produits  étaient autorisés avant le blocus. De manière générale, le prix des  marchandises a augmenté alors que leur qualité a chuté. C’est l’une des  conséquences du commerce très peu réglementé qui transite par les  tunnels creusés sous la frontière entre Gaza et l’Égypte pour contourner  le blocus.
Près de la barrière frontalière, les terres agricoles,  autrefois fertiles, ont été laissées à l’abandon du fait des hostilités  persistantes, mettant ainsi à mal les moyens de subsistance des  habitants de nombreuses communautés rurales. La zone tampon imposée par  Israël pénètre de fait jusqu’à plus d’un kilomètre à l’intérieur de la  bande de Gaza, couvrant une surface totale de quelque 50 kilomètres  carrés dans laquelle se trouvent près d’un tiers des terres cultivables  de Gaza et une grande partie de ses pâturages. Dans ce périmètre, les  activités agricoles sont entravées par la précarité des conditions de  sécurité. Les mesures prises par Israël pour faire respecter la zone  tampon et les incidents fréquents causent non seulement des victimes  parmi les civils et la destruction de biens civils, mais entraînent  également l’appauvrissement et le déplacement de nombreuses familles.
Les pêcheurs de Gaza ont été durement frappés par les  restrictions successives imposées par Israël sur l’étendue des zones  ouvertes à la pêche. La dernière en date a ramené la limite à trois  milles nautiques de la ligne côtière et a eu pour conséquence de réduire  tant la quantité que la qualité des prises. Résultat : près de 90 % des  4 000 pêcheurs gazaouis sont considérés comme pauvres (avec un revenu  mensuel compris entre 100 et 190 dollars) ou très pauvres (moins de 100  dollars par mois) en 2010, contre 50 % en 2008. Dans leur lutte pour  survivre, ils n’ont d’autre choix que d’aller jeter leurs filets dans  les zones interdites, au risque d’être pris pour cible par la marine  israélienne.
« J’ai été arrêté et mon bateau a été confisqué à  plusieurs reprises déjà », déclare Nezar Ayyash, président du syndicat  des pêcheurs de Gaza. « La pêche, c’est toute notre vie. Lorsque nous  sortons en mer, nous savons que nous risquons d’être tués. Mais nous  n’avons pas d’autre choix : nous devons nourrir nos familles. »
Pas d’amélioration en vue pour un  système de santé qui périclite
Gaza connaît une grave pénurie d’électricité. Chaque  jour, les Gazaouis sont privés de courant durant sept heures en moyenne.  Les conséquences pour les services publics, en particulier pour les  centres de soins de santé primaires, sont dévastatrices. Les hôpitaux  dépendent de générateurs pour faire face aux pannes d’électricité  quotidiennes.
Les coupures de courant entravent dangereusement le  traitement des patients, parfois au point de mettre leur vie en danger.  Il faut deux à trois minutes pour qu’un générateur démarre, et aucun  appareil électronique ne fonctionne dans l’intervalle. Les respirateurs  artificiels doivent alors être réactivés manuellement, les séances de  dialyse sont perturbées, et les opérations chirurgicales sont  interrompues, les blocs opératoires étant plongés dans l’obscurité.
Les réserves de carburant destinées à alimenter les  générateurs des hôpitaux sont régulièrement épuisées, ce qui ne fait  qu’aggraver la situation. Cette année, la pénurie de carburant a  contraint par trois fois les hôpitaux à annuler toutes les opérations  qui n’étaient pas vitales et à n’accepter que les urgences. L’hôpital  pédiatrique de Gaza n’étant plus opérationnel, il a fallu transférer  tous ses patients dans un autre établissement. Par ailleurs, les  services de blanchisserie ont été interrompus à de nombreuses reprises.  Si les hôpitaux ne reçoivent pas du carburant en quantités suffisantes,  la situation risque de se détériorer, car l’utilisation de la  climatisation, avec l’arrivée des chaleurs estivales, augmentera encore  les besoins en électricité.
Les fluctuations de courant peuvent également endommager  des équipements médicaux vitaux. Or le blocus rend les réparations  difficiles. L’entrée dans la bande de Gaza de pièces de rechange pour  les équipements médicaux est en effet soumise à des délais excessivement  longs, allant parfois jusqu’à plusieurs mois.
L’importation d’électrodes jetables, utilisées pour  surveiller le rythme cardiaque des patients, est différée depuis août  2009. Sans ce matériel, les éventuels problèmes cardiaques de patients  pourraient ne pas être détectés à temps, mettant leur vie en danger. En  raison des restrictions imposées, la plupart des électrocardiographes  dans la bande de Gaza seront inutilisables d’ici à la fin du mois.  L’état de délabrement des équipements est l’une des raisons qui  conduisent un grand nombre de patients à se faire soigner hors du  territoire.
Du fait du manque de coopération entre l’Autorité  palestinienne à Ramallah et les autorités du Hamas à Gaza, les stocks de  fournitures médicales essentielles sont au plus bas. À la fin du mois  de mai 2010, 110 des 470 médicaments jugés vitaux, comme ceux destinés  aux chimiothérapies ou aux traitements contre l’hémophilie, étaient en  rupture de stock à Gaza. Lorsqu’un patient voit sa chimiothérapie  interrompue, ses chances de guérison diminuent considérablement, même  s’il commence un nouveau cycle de traitement par la suite. Les patients  atteints d’hémophilie risquent de mourir d’hémorragie si les produits  dont ils ont besoin (Facteurs VIII ou IX) ne sont pas disponibles.
Plus de 110 des 700 articles jetables qui devraient être  disponibles sont aussi en rupture de stock. Pour pallier cette pénurie,  la seule solution est de réutiliser les articles tels que les tubes  pour ventilateurs ou les poches de colostomie, même si cela risque de  causer des infections pouvant mettre en danger la vie des patients.
« Le système de santé de Gaza n’a jamais été aussi  précaire, déclare Eileen Daly, coordonnatrice du CICR chargée de la  santé à Gaza. La question de la santé a pris une tournure politique :  c’est principalement pour cette raison que le système est défaillant. Si  rien n’est entrepris, les choses ne vont faire qu’empirer. Des milliers  de patients pourraient se voir priver de traitement, et les  perspectives à long terme seront de plus en plus préoccupantes. »
Les sévères restrictions de mouvement imposées à la  population contribuent à affaiblir encore davantage le système de santé.  Elles empêchent le personnel médical de sortir de la bande de Gaza pour  suivre des formations en vue de mettre à jour leurs connaissances, et  les techniciens d’entrer dans le territoire pour réparer les équipements  médicaux.
Risques sanitaires et  environnementaux liés au manque d’assainissement
Le manque d’installations sanitaires adéquates et  certaines pratiques agricoles ont pour effet de polluer la nappe  phréatique de Gaza. Seuls quelque 60 % des 1,5 million d’habitants du  territoire sont reliés à un système de collecte des eaux usées. Les eaux  d’égout qui se déversent dans le Wadi Gaza sillonnant les zones  urbaines constituent une menace pour la santé des communautés qui vivent  à proximité.
La nappe phréatique étant surexploitée, l’eau de boisson  dans la majeure partie du territoire présente un taux élevé de  nitrates, de chlorures et de sel, ce qui la rend de fait impropre à la  consommation et entraîne un risque élevé de propagation de maladies  infectieuses.
Réunir suffisamment de matériel adéquat pour mener à  bien des projets d’assainissement est un processus lent et incertain. Le  matériel qui transite par les tunnels n’est pas toujours de bonne  qualité, et certains articles, comme les pompes électromécaniques, sont  tout simplement introuvables, ce qui entrave les efforts de  construction.
« La situation actuelle s’avère critique et pourrait  entraîner une dégradation irréversible des réserves d’eau douce  souterraines, explique Javier Cordoba, qui supervise les activités  d’approvisionnement en eau et d’assainissement du CICR à Gaza. Il est  nécessaire de mettre en œuvre des projets à grande échelle, comme la  construction d’une station de dessalement, pour répondre aux besoins en  eau sans causer davantage de dommages à la nappe phréatique. Le blocus  doit être levé pour que les 4,5 milliards de dollars promis il y a plus  d’un an par des pays donateurs puissent être mis à profit. »
Activités du CICR en 2010
À Gaza, le CICR continue de travailler en étroite  collaboration avec la Société du Croissant-Rouge palestinien, en  soutenant son action en vue de renforcer sa capacité de fournir des  services humanitaires essentiels dans la bande de Gaza, notamment des  soins d’urgence pré-hospitaliers et un soutien psychosocial. Le CICR a  également contribué à des travaux de construction et de rénovation  entrepris dans trois postes de secours de la Société nationale, dont  deux ont été endommagés durant le conflit de l’an dernier.
Le CICR suit de près la situation des civils durement  touchés par les hostilités ou la violence armée. Il entreprend des  démarches confidentielles auprès des autorités ou groupes armés  concernés, en leur rappelant l’obligation qui leur incombe de respecter  le droit international humanitaire et les autres règles internationales  applicables.
Le CICR s’efforce de faire en sorte qu’un certain niveau  de soins soit assuré pour les blessés et les malades. Compte tenu des  restrictions, son champ d’action est toutefois très limité. Il fournit  les pièces de rechange nécessaires au fonctionnement de l’équipement  médical. En outre, pour aider les hôpitaux à faire face aux besoins les  plus urgents, il approvisionne régulièrement les structures médicales en  médicaments et autres articles médicaux, dont la plupart sont destinés  aux services d’urgence et aux salles d’opération. Il apporte également  un soutien technique et des fournitures au centre d’appareillage  orthopédique et de prise en charge de la poliomyélite de la ville de  Gaza, où plus de 1 000 patients ont reçu un traitement cette année.
Le CICR met tout en œuvre pour renforcer le système  d’approvisionnement en eau et en électricité dans les hôpitaux, où il  s’efforce également d’améliorer les services d’assainissement et de  blanchisserie, entre autres. Par ailleurs, il a entrepris des travaux  pour agrandir le centre d’appareillage orthopédique de la ville de Gaza.
Le CICR poursuit les travaux de rénovation de la station  de traitement des eaux usées de Rafah, qui desservira quelque 170 000  personnes. Toutefois, les travaux ne pourront être terminés que si le  matériel nécessaire est autorisé à entrer par les points de passage. Une  fois totalement rénovée, la station garantira un environnement plus  sain et plus sûr pour la population, tout en fournissant de l’eau propre  pour régénérer la nappe phréatique, qui reste la seule source d’eau  potable dans la bande de Gaza.
Le CICR aide les familles défavorisées de Gaza à  subvenir à leurs besoins dans le cadre de programmes « argent contre  travail », et prête assistance aux agriculteurs pour augmenter le  rendement des récoltes. Plus particulièrement, l’aide qu’il apporte  permet aux agriculteurs de défricher et de cultiver des terres qui ont  été endommagées par des opérations militaires ou qu’ils ont dû laisser à  l’abandon, d’accroître la fertilité et la productivité des sols et  d’obtenir suffisamment de semis pour chaque saison agricole.
Plus de 800 Gazaouis détenus dans des prisons  israéliennes n’ont pas été autorisés à voir leurs proches depuis juin  2007, après qu’Israël a suspendu le programme de visites familiales géré  par le CICR. Pour atténuer les effets de cette mesure, le CICR a doublé  le nombre de ses visites aux détenus gazaouis et intensifié ses efforts  pour maintenir les liens familiaux en permettant aux détenus et à leurs  proches d’échanger des messages écrits et oraux.
De janvier à mai 2010, le CICR a :
* visité quelque 450 personnes dans des lieux de  détention dans la bande de Gaza pour s’assurer de leurs conditions de  détention, du traitement qui leur était réservé et du respect des  garanties de procédures. L’institution a informé régulièrement les  autorités de ses conclusions et a entrepris des démarches  confidentielles au besoin ;     * visité 300 Gazaouis détenus dans plus de 20 lieux de détention en  Israël ;     * remis plus de 100 messages de familles de Gaza à des proches  détenus et plus de 200 messages de détenus à leurs familles à Gaza ;     * fourni quelque 90 tonnes de médicaments et d’articles jetables à  huit hôpitaux publics ;     * répondu à 17 demandes émanant du ministère de la Santé et  sollicitant une aide pour maintenir en état de fonctionnement des  équipements médicaux spécialisés. Il a notamment fourni des pièces de  rechange pour des équipements à ultrasons et de mammographie, des  raccords pour l’alimentation en oxygène destinés à une unité de soins  intensifs, une lentille pour un laryngoscope et un boîtier  d’alimentation pour un scanner. Il a aussi fourni à des hôpitaux des  pièces de rechange pour des générateurs et des machines à laver ;     * fourni un soutien technique aux services d’urgence de l’hôpital  Al-Shifa, en dispensant notamment deux cours de formation à la médecine  d’urgence à l’intention de plus de 50 médecins et membres du personnel  infirmier ;     * assuré l’entretien de plus de 60 ambulances du ministère de la  Santé et, conjointement avec la Société du Croissant-Rouge palestinien,  réalisé 15 visites dans des postes de secours pour suivre et soutenir  les activités des services médicaux d’urgence ;     * soutenu les efforts du Croissant-Rouge palestinien pour renforcer  ses capacités, et pris des mesures pour améliorer la coordination entre  les divers services d’ambulance opérant dans la bande de Gaza ;     * contribué à des travaux de construction et de rénovation réalisés  dans trois postes de secours d’urgence ;     * fourni un soutien au Croissant-Rouge palestinien pour  l’organisation d’ateliers sur la planification en cas de catastrophe à  l’intention de 120 employés et volontaires ;     * promu le droit international humanitaire au cours de séances avec  les autorités du Hamas à Gaza, des groupes armés, des universitaires et  des groupes religieux.
Informations complémentaires :
Dorothea Krimitsas (anglais/français), CICR Genève,  tél. : +41 22 730 25 90 ou +41 79 251 93 18
Florian Westphal (anglais/allemand), CICR Genève, tél. :  +41 22 730 22 82 ou +41 79 217 32 80
Cecilia Goin (anglais/espagnol), CICR Jérusalem, tél. :  +972 52 601 91 50
Nadia Dibsy (arabe), CICR Jérusalem, tél. : +972 2 582  88 45 ou +972 52 601 91 48
Hicham Hassan (arabe), porte-parole régional au Caire,  tél. : +20 1 87 42 43 44