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mercredi 16 juin 2010

Blocus de Gaza : pas une année de plus

publié le mercredi 16 juin 2010
CICR
 
Pour sortir le million et demi de Gazaouis de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent, l’assistance humanitaire à elle seule ne suffit pas. La seule solution durable consiste à lever le blocus.
Les graves incidents qui se sont produits le 31 mai entre les forces israéliennes et des militants qui se trouvaient à bord d’une flottille faisant route vers Gaza ont une nouvelle fois mis en lumière les conditions de vie extrêmement difficiles des habitants de la bande de Gaza.
Comme le CICR l’a souligné à maintes reprises, l’assistance humanitaire à elle seule ne suffit pas pour sortir Gaza de la situation alarmante dans laquelle elle se trouve. Le blocus imposé à la bande de Gaza s’apprête à entrer dans sa quatrième année et empêche toute véritable possibilité de développement économique. Les Gazaouis continuent à se débattre contre le chômage, la pauvreté et les effets de la guerre, tandis que le système de soins de santé est au plus mal.
L’ensemble de la population civile de Gaza se retrouve pénalisée pour des actes dont elle ne porte aucune responsabilité. Le blocus représente donc une sanction collective imposée en violation flagrante des obligations qui incombent à Israël en vertu du droit international humanitaire.
« Le blocus a des effets dévastateurs sur le million et demi de personnes qui vivent à Gaza, déclare Béatrice Mégevand-Roggo, chef des opérations du CICR pour le Moyen-Orient. C’est pourquoi nous demandons instamment à Israël de mettre fin au bouclage et appelons tous ceux qui peuvent influencer la situation, y compris le Hamas, à faire tout leur possible pour venir en aide à la population civile de Gaza. Il faut qu’il y ait un juste équilibre entre le droit qu’a Israël de prendre des mesures pour répondre à ses préoccupations légitimes en matière de sécurité et le droit des Palestiniens de mener une vie normale et digne. »
La communauté internationale a un rôle à jouer pour faire en sorte que les appels répétés des États et des organisations internationales visant à lever le blocus soient enfin entendus.
En vertu du droit international humanitaire, Israël doit veiller à ce que les besoins essentiels des Gazaouis soient satisfaits, notamment en ce qui concerne les soins de santé. Les autorités palestiniennes doivent quant à elles faire tout ce qui est en leur pouvoir pour dispenser des soins de santé adéquats, assurer l’approvisionnement en électricité et entretenir les infrastructures à Gaza.
De plus, tous les États ont l’obligation d’autoriser et de faciliter le passage rapide et sans encombre de tous les envois, des équipements et du personnel de secours.
Le soldat israélien Gilad Shalit s’apprête à entamer sa cinquième année de captivité. Le Hamas a continué d’ignorer les appels lancés par le CICR afin de pouvoir lui rendre visite. Il a également refusé à M. Shalit tout contact avec sa famille, ce qui est contraire au droit international humanitaire. Une fois de plus, le CICR demande instamment à ceux qui détiennent Gilad Shalit de l’autoriser à avoir des échanges réguliers avec sa famille, comme il en a le droit. Il leur rappelle également qu’ils ont l’obligation de le traiter avec humanité et de veiller à ce que ses conditions de vie soient humaines et dignes.
Moyens de subsistance détruits
Si quelque 80 types de marchandises peuvent désormais entrer à Gaza (deux fois plus qu’il y a un an), plus de 4 000 produits étaient autorisés avant le blocus. De manière générale, le prix des marchandises a augmenté alors que leur qualité a chuté. C’est l’une des conséquences du commerce très peu réglementé qui transite par les tunnels creusés sous la frontière entre Gaza et l’Égypte pour contourner le blocus.
Près de la barrière frontalière, les terres agricoles, autrefois fertiles, ont été laissées à l’abandon du fait des hostilités persistantes, mettant ainsi à mal les moyens de subsistance des habitants de nombreuses communautés rurales. La zone tampon imposée par Israël pénètre de fait jusqu’à plus d’un kilomètre à l’intérieur de la bande de Gaza, couvrant une surface totale de quelque 50 kilomètres carrés dans laquelle se trouvent près d’un tiers des terres cultivables de Gaza et une grande partie de ses pâturages. Dans ce périmètre, les activités agricoles sont entravées par la précarité des conditions de sécurité. Les mesures prises par Israël pour faire respecter la zone tampon et les incidents fréquents causent non seulement des victimes parmi les civils et la destruction de biens civils, mais entraînent également l’appauvrissement et le déplacement de nombreuses familles.
Les pêcheurs de Gaza ont été durement frappés par les restrictions successives imposées par Israël sur l’étendue des zones ouvertes à la pêche. La dernière en date a ramené la limite à trois milles nautiques de la ligne côtière et a eu pour conséquence de réduire tant la quantité que la qualité des prises. Résultat : près de 90 % des 4 000 pêcheurs gazaouis sont considérés comme pauvres (avec un revenu mensuel compris entre 100 et 190 dollars) ou très pauvres (moins de 100 dollars par mois) en 2010, contre 50 % en 2008. Dans leur lutte pour survivre, ils n’ont d’autre choix que d’aller jeter leurs filets dans les zones interdites, au risque d’être pris pour cible par la marine israélienne.
« J’ai été arrêté et mon bateau a été confisqué à plusieurs reprises déjà », déclare Nezar Ayyash, président du syndicat des pêcheurs de Gaza. « La pêche, c’est toute notre vie. Lorsque nous sortons en mer, nous savons que nous risquons d’être tués. Mais nous n’avons pas d’autre choix : nous devons nourrir nos familles. »
Pas d’amélioration en vue pour un système de santé qui périclite
Gaza connaît une grave pénurie d’électricité. Chaque jour, les Gazaouis sont privés de courant durant sept heures en moyenne. Les conséquences pour les services publics, en particulier pour les centres de soins de santé primaires, sont dévastatrices. Les hôpitaux dépendent de générateurs pour faire face aux pannes d’électricité quotidiennes.
Les coupures de courant entravent dangereusement le traitement des patients, parfois au point de mettre leur vie en danger. Il faut deux à trois minutes pour qu’un générateur démarre, et aucun appareil électronique ne fonctionne dans l’intervalle. Les respirateurs artificiels doivent alors être réactivés manuellement, les séances de dialyse sont perturbées, et les opérations chirurgicales sont interrompues, les blocs opératoires étant plongés dans l’obscurité.
Les réserves de carburant destinées à alimenter les générateurs des hôpitaux sont régulièrement épuisées, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. Cette année, la pénurie de carburant a contraint par trois fois les hôpitaux à annuler toutes les opérations qui n’étaient pas vitales et à n’accepter que les urgences. L’hôpital pédiatrique de Gaza n’étant plus opérationnel, il a fallu transférer tous ses patients dans un autre établissement. Par ailleurs, les services de blanchisserie ont été interrompus à de nombreuses reprises. Si les hôpitaux ne reçoivent pas du carburant en quantités suffisantes, la situation risque de se détériorer, car l’utilisation de la climatisation, avec l’arrivée des chaleurs estivales, augmentera encore les besoins en électricité.
Les fluctuations de courant peuvent également endommager des équipements médicaux vitaux. Or le blocus rend les réparations difficiles. L’entrée dans la bande de Gaza de pièces de rechange pour les équipements médicaux est en effet soumise à des délais excessivement longs, allant parfois jusqu’à plusieurs mois.
L’importation d’électrodes jetables, utilisées pour surveiller le rythme cardiaque des patients, est différée depuis août 2009. Sans ce matériel, les éventuels problèmes cardiaques de patients pourraient ne pas être détectés à temps, mettant leur vie en danger. En raison des restrictions imposées, la plupart des électrocardiographes dans la bande de Gaza seront inutilisables d’ici à la fin du mois. L’état de délabrement des équipements est l’une des raisons qui conduisent un grand nombre de patients à se faire soigner hors du territoire.
Du fait du manque de coopération entre l’Autorité palestinienne à Ramallah et les autorités du Hamas à Gaza, les stocks de fournitures médicales essentielles sont au plus bas. À la fin du mois de mai 2010, 110 des 470 médicaments jugés vitaux, comme ceux destinés aux chimiothérapies ou aux traitements contre l’hémophilie, étaient en rupture de stock à Gaza. Lorsqu’un patient voit sa chimiothérapie interrompue, ses chances de guérison diminuent considérablement, même s’il commence un nouveau cycle de traitement par la suite. Les patients atteints d’hémophilie risquent de mourir d’hémorragie si les produits dont ils ont besoin (Facteurs VIII ou IX) ne sont pas disponibles.
Plus de 110 des 700 articles jetables qui devraient être disponibles sont aussi en rupture de stock. Pour pallier cette pénurie, la seule solution est de réutiliser les articles tels que les tubes pour ventilateurs ou les poches de colostomie, même si cela risque de causer des infections pouvant mettre en danger la vie des patients.
« Le système de santé de Gaza n’a jamais été aussi précaire, déclare Eileen Daly, coordonnatrice du CICR chargée de la santé à Gaza. La question de la santé a pris une tournure politique : c’est principalement pour cette raison que le système est défaillant. Si rien n’est entrepris, les choses ne vont faire qu’empirer. Des milliers de patients pourraient se voir priver de traitement, et les perspectives à long terme seront de plus en plus préoccupantes. »
Les sévères restrictions de mouvement imposées à la population contribuent à affaiblir encore davantage le système de santé. Elles empêchent le personnel médical de sortir de la bande de Gaza pour suivre des formations en vue de mettre à jour leurs connaissances, et les techniciens d’entrer dans le territoire pour réparer les équipements médicaux.
Risques sanitaires et environnementaux liés au manque d’assainissement
Le manque d’installations sanitaires adéquates et certaines pratiques agricoles ont pour effet de polluer la nappe phréatique de Gaza. Seuls quelque 60 % des 1,5 million d’habitants du territoire sont reliés à un système de collecte des eaux usées. Les eaux d’égout qui se déversent dans le Wadi Gaza sillonnant les zones urbaines constituent une menace pour la santé des communautés qui vivent à proximité.
La nappe phréatique étant surexploitée, l’eau de boisson dans la majeure partie du territoire présente un taux élevé de nitrates, de chlorures et de sel, ce qui la rend de fait impropre à la consommation et entraîne un risque élevé de propagation de maladies infectieuses.
Réunir suffisamment de matériel adéquat pour mener à bien des projets d’assainissement est un processus lent et incertain. Le matériel qui transite par les tunnels n’est pas toujours de bonne qualité, et certains articles, comme les pompes électromécaniques, sont tout simplement introuvables, ce qui entrave les efforts de construction.
« La situation actuelle s’avère critique et pourrait entraîner une dégradation irréversible des réserves d’eau douce souterraines, explique Javier Cordoba, qui supervise les activités d’approvisionnement en eau et d’assainissement du CICR à Gaza. Il est nécessaire de mettre en œuvre des projets à grande échelle, comme la construction d’une station de dessalement, pour répondre aux besoins en eau sans causer davantage de dommages à la nappe phréatique. Le blocus doit être levé pour que les 4,5 milliards de dollars promis il y a plus d’un an par des pays donateurs puissent être mis à profit. »

Activités du CICR en 2010

À Gaza, le CICR continue de travailler en étroite collaboration avec la Société du Croissant-Rouge palestinien, en soutenant son action en vue de renforcer sa capacité de fournir des services humanitaires essentiels dans la bande de Gaza, notamment des soins d’urgence pré-hospitaliers et un soutien psychosocial. Le CICR a également contribué à des travaux de construction et de rénovation entrepris dans trois postes de secours de la Société nationale, dont deux ont été endommagés durant le conflit de l’an dernier.
Le CICR suit de près la situation des civils durement touchés par les hostilités ou la violence armée. Il entreprend des démarches confidentielles auprès des autorités ou groupes armés concernés, en leur rappelant l’obligation qui leur incombe de respecter le droit international humanitaire et les autres règles internationales applicables.
Le CICR s’efforce de faire en sorte qu’un certain niveau de soins soit assuré pour les blessés et les malades. Compte tenu des restrictions, son champ d’action est toutefois très limité. Il fournit les pièces de rechange nécessaires au fonctionnement de l’équipement médical. En outre, pour aider les hôpitaux à faire face aux besoins les plus urgents, il approvisionne régulièrement les structures médicales en médicaments et autres articles médicaux, dont la plupart sont destinés aux services d’urgence et aux salles d’opération. Il apporte également un soutien technique et des fournitures au centre d’appareillage orthopédique et de prise en charge de la poliomyélite de la ville de Gaza, où plus de 1 000 patients ont reçu un traitement cette année.
Le CICR met tout en œuvre pour renforcer le système d’approvisionnement en eau et en électricité dans les hôpitaux, où il s’efforce également d’améliorer les services d’assainissement et de blanchisserie, entre autres. Par ailleurs, il a entrepris des travaux pour agrandir le centre d’appareillage orthopédique de la ville de Gaza.
Le CICR poursuit les travaux de rénovation de la station de traitement des eaux usées de Rafah, qui desservira quelque 170 000 personnes. Toutefois, les travaux ne pourront être terminés que si le matériel nécessaire est autorisé à entrer par les points de passage. Une fois totalement rénovée, la station garantira un environnement plus sain et plus sûr pour la population, tout en fournissant de l’eau propre pour régénérer la nappe phréatique, qui reste la seule source d’eau potable dans la bande de Gaza.
Le CICR aide les familles défavorisées de Gaza à subvenir à leurs besoins dans le cadre de programmes « argent contre travail », et prête assistance aux agriculteurs pour augmenter le rendement des récoltes. Plus particulièrement, l’aide qu’il apporte permet aux agriculteurs de défricher et de cultiver des terres qui ont été endommagées par des opérations militaires ou qu’ils ont dû laisser à l’abandon, d’accroître la fertilité et la productivité des sols et d’obtenir suffisamment de semis pour chaque saison agricole.
Plus de 800 Gazaouis détenus dans des prisons israéliennes n’ont pas été autorisés à voir leurs proches depuis juin 2007, après qu’Israël a suspendu le programme de visites familiales géré par le CICR. Pour atténuer les effets de cette mesure, le CICR a doublé le nombre de ses visites aux détenus gazaouis et intensifié ses efforts pour maintenir les liens familiaux en permettant aux détenus et à leurs proches d’échanger des messages écrits et oraux.
De janvier à mai 2010, le CICR a :
* visité quelque 450 personnes dans des lieux de détention dans la bande de Gaza pour s’assurer de leurs conditions de détention, du traitement qui leur était réservé et du respect des garanties de procédures. L’institution a informé régulièrement les autorités de ses conclusions et a entrepris des démarches confidentielles au besoin ; * visité 300 Gazaouis détenus dans plus de 20 lieux de détention en Israël ; * remis plus de 100 messages de familles de Gaza à des proches détenus et plus de 200 messages de détenus à leurs familles à Gaza ; * fourni quelque 90 tonnes de médicaments et d’articles jetables à huit hôpitaux publics ; * répondu à 17 demandes émanant du ministère de la Santé et sollicitant une aide pour maintenir en état de fonctionnement des équipements médicaux spécialisés. Il a notamment fourni des pièces de rechange pour des équipements à ultrasons et de mammographie, des raccords pour l’alimentation en oxygène destinés à une unité de soins intensifs, une lentille pour un laryngoscope et un boîtier d’alimentation pour un scanner. Il a aussi fourni à des hôpitaux des pièces de rechange pour des générateurs et des machines à laver ; * fourni un soutien technique aux services d’urgence de l’hôpital Al-Shifa, en dispensant notamment deux cours de formation à la médecine d’urgence à l’intention de plus de 50 médecins et membres du personnel infirmier ; * assuré l’entretien de plus de 60 ambulances du ministère de la Santé et, conjointement avec la Société du Croissant-Rouge palestinien, réalisé 15 visites dans des postes de secours pour suivre et soutenir les activités des services médicaux d’urgence ; * soutenu les efforts du Croissant-Rouge palestinien pour renforcer ses capacités, et pris des mesures pour améliorer la coordination entre les divers services d’ambulance opérant dans la bande de Gaza ; * contribué à des travaux de construction et de rénovation réalisés dans trois postes de secours d’urgence ; * fourni un soutien au Croissant-Rouge palestinien pour l’organisation d’ateliers sur la planification en cas de catastrophe à l’intention de 120 employés et volontaires ; * promu le droit international humanitaire au cours de séances avec les autorités du Hamas à Gaza, des groupes armés, des universitaires et des groupes religieux.
Informations complémentaires :
Dorothea Krimitsas (anglais/français), CICR Genève, tél. : +41 22 730 25 90 ou +41 79 251 93 18
Florian Westphal (anglais/allemand), CICR Genève, tél. : +41 22 730 22 82 ou +41 79 217 32 80
Cecilia Goin (anglais/espagnol), CICR Jérusalem, tél. : +972 52 601 91 50
Nadia Dibsy (arabe), CICR Jérusalem, tél. : +972 2 582 88 45 ou +972 52 601 91 48
Hicham Hassan (arabe), porte-parole régional au Caire, tél. : +20 1 87 42 43 44