La déclaration d’indépendance d’Israël constitue un tournant  majeur de la première guerre israélo-arabe :         
         
 
  - côté israélien, car le texte de la déclaration oublie délibérément  qu’un second État a été prévu par l’ONU dans le plan de partage : « En  vertu du droit naturel et historique du peuple juif, et de la résolution  des Nations unies, dit le texte, nous proclamons par le présent acte la  création de l’État juif de Palestine qui prendra le nom d’Israël. » Contrairement à tous les usages, cette déclaration ne définit pas les  frontières du nouvel État. Bref, on mesure là que les dirigeants  sionistes veulent, en fait, au-delà de que que l’ONU a prévu, l’État  juif le plus grand possible et le plus « homogène » possible.
  

  côté arabe, car la  déclaration d’indépendance d’Israël est immédiatement suivie par  l’intervention des armées des États arabes voisins, officiellement pour  empêcher la naissance de l’État juif. En fait, les historiens le  confirment, le roi Abdallah de Jordanie veut s’emparer du territoire  prévu pour l’État arabe, et les autres pays arabes entendent l’en  empêcher. Aucun de ces pays ne souhaite une Palestine arabe  indépendante. Entre le 15 mai 1948, date de l’entrée des troupes arabes  en Palestine, et le 10 mars 1949, date de la dernière bataille de la  guerre (prise d’Umm Rashrash, future Eilat), une alternance de combats  et de trêves débouche pour les Palestiniens sur la Nakba, c’est-à-dire  la « catastrophe ».
 
Le bilan de la première guerre israélo-palestinienne,  puis israélo-arabe, est le suivant : Israël a augmenté d’un tiers la  superficie prévue pour lui par les Nations unies, il se répartit ce qui  reste de l’État arabe avec la Transjordanie, qui annexe la Cisjordanie  et l’Égypte, qui obtient la tutelle de Gaza. Et dans cette période huit  cent mille Palestiniens ont pris les chemins de l’exil.
 
Longtemps, cette guerre a été racontée par ses  vainqueurs. Le récit israélien a dominé. Mais tout a changé dans les  années 1980, avec l’apparition des « nouveaux historiens » israéliens  qui ont trouvé dans les archives israéliennes de quoi ébranler trois  mythes fondamentaux :
 

  Premièrement celui  d’une menace mortelle qui aurait pesé sur Israël à l’époque :  contrairement à l’image d’un frêle État juif à peine né et déjà  confronté aux redoutables armées d’un puissant monde arabe, les  « nouveaux historiens » établissent la supériorité croissante des forces  israéliennes (en effectifs, armement, entraînement, coordination,  motivation...), à la seule exception de la courte période allant du 15  mai au 11 juin 1948.
 
De surcroît, l’accord tacite passé entre Golda Meïr et  le roi Abdallah, le 17 novembre 1947, bouleversait la situation  stratégique : la Légion arabe, seule armée arabe digne de nom,  s’engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à  l’État juif en échange de la possibilité d’annexer celui prévu pour  l’État arabe. Abdallah tiendra sa promesse. Et, de fait, le partage du  17 novembre se substituera à la fin de la guerre à celui du 29  novembre...
 

  Le deuxième mythe  concerne l’exode des Palestiniens. Selon la thèse traditionnelle,  ceux-ci ont fui à l’appel des dirigeants palestiniens et arabes. Or les  « nouveaux historiens » n’ont pas trouvé la moindre trace d’un tel  appel, ni par écrit, ni par radio. En revanche, de nombreux documents  attestent, sinon d’un plan d’expulsion global, en tout cas de pratiques  d’expulsion généralisées, notamment suite à des massacres comme celui de  Deir Yassin.
 
Le premier bilan de l’expulsion est dressé par les  Services de renseignements de la Hagana en date du 30 juin 1948 et il  porte sur la première période (judéopalestinienne) de la guerre : il  estime que 73 % des 391 000 départs recensés ont été directement  provoqués par les Israéliens. Durant la seconde période (israélo-arabe),  une volonté d’expulsion ne fait plus le moindre doute avec le symbole  de l’opération de Lydda et Ramlah, d’où, le 12 juillet 1948, 70 000  civils sont évacués militairement (près de 10 % du total !), sous la  conduite d’Itzhak Rabin et avec le feu vert du Premier ministre Ben  Gourion.
 

  Le troisième mythe  concerne la volonté de paix d’Israël au moment des négociations de 1949.  Dans une première phase, Tel-Aviv a effectivement fait une ouverture :  le 12 mai, sa délégation ratifie, avec celles des États arabes, un  protocole réaffirmant à la fois le plan de partage de l’ONU et la  résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies du 11 décembre  1948. En clair, cela signifie qu’Israël reconnaît le droit à l’existence  d’un État arabe en Palestine et le droit au retour des réfugiés, mais  aussi que les Arabes reconnaissent le droit à l’existence d’un État juif  en Palestine. Mais, ce même 12 mai, l’État juif est admis à l’ONU. Dès  lors, confiera Walter Eytan, codirecteur général du ministère israélien  des Affaires étrangères, « mon principal objectif était de commencer à  saper le protocole du 12 mai, que nous avions été contraints de signer  dans le cadre de notre bataille pour être admis aux Nations unies ».
 
De fait, la conférence de Lausanne finira dans une  impasse. Israël s’oppose à tout retour des réfugiés palestiniens. Et  pour cause : la loi dite « propriétés abandonnées » lui permet de mettre  la main sur les biens arabes. Selon un rapport officiel, le jeune État a  ainsi récupéré trois cent mille hectares de terres ; plus de quatre  cents villes et villages arabes disparaîtront ou deviendront juifs.
 
Tout se passe comme si les fondateurs d’Israël ont cru  pouvoir effacer le peuple palestinien d’un coup de gomme. Les quinze  années qui suivent semblent donner raison à ceux qui rêvent d’une  assimilation des Palestiniens dans les pays arabes. Faute d’une  organisation représentative, ils disparaissent même de la scène  politique. Mais l’apparition de l’Organisation de libération de la  Palestine (OLP) va changer la donne.