Stefan Christoff
          « La communauté internationale doit obliger Israël à lever le  siège par des sanctions, et elle doit agir contre le gouvernement  israélien avec la même détermination dont le monde a fait preuve contre  le régime d’apartheid d’Afrique du Sud à la fin des années 1980, par des  sanctions économiques et par l’isolement politique. »         
          Ces blessures de guerre  interminables ont un impact dévastateur.
 Ils sont des milliers dans toute la bande de Gaza à vivre avec des  blessures graves : des jeunes amputés de guerre, des mères gravement  brûlées par les bombes au phosphore, un nombre incalculable de  Palestiniens confrontés à des troubles psychologiques, toutes ces  blessures venant de la catastrophe provoquée sur Gaza par l’agression  militaire israélienne, l’hiver 2008/2009.
Et les blessures de guerre sont toujours une réalité  constante en 2010.
« Toutes les nuits, et même la nuit  dernière, les avions israéliens bombardent Gaza, » déclare Muawiya  Hassanein, directeur général des services ambulanciers et des services  d’urgences pour le ministère de la Santé palestinien, dans une interview  à Gaza ville, pendant les récentes frappes aériennes.
« Beaucoup sont blessés... il y a de  graves blessures et ces personnes sont en ce moment même soignées à  l’hôpital européen de Gaza. »
Des blessures graves dans Gaza, mais dans la presse,  rien, aucun gros titres dans le monde, tel est le scénario habituel qui  ne veut pas voir la violence normalisée, les morts et les blessures  infligées régulièrement à des civils.
Ces blessures de guerre interminables ont un impact  dévastateur, beaucoup de jeunes fréquentent l’école dans la bande de  Gaza avec un ou plusieurs membres en moins, ou avec des éclats d’obus  restés dans le corps, des blessures qui sont le résultat d’une violence  militaire sans fin contre la population civile palestinienne.
« Beaucoup dans Gaza souffrent de  traumatisme psychologique et ont besoin d’être suivis, » dit  Hassanein. « Des milliers d’enfants ont des traumatismes  graves ou vivent avec des blessures critiques qui affectent leur vie,  leur éducation, leur famille et plus important encore, leurs rêves  d’avenir, et aucun, aucun Israélien (dans les responsables) n’est tenu pour responsable de ces crimes de guerre. »
Alors que les manchettes de la presse mondiale se  bousculaient sur les initiatives de promotion du « processus de paix »  au Moyen-Orient, que la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, s’adressait à  la conférence de l’AIPAC en confirmant un soutien politique  indéfectible de l’administration Obama à la politique du gouvernement  israélien pour qu’il laisse la bande de Gaza en état de siège, il n’y  eut qu’un intérêt tout relatif de la part des médias pour la souffrance  physique et sociologique après l’opération Plomb durci.
En revanche, le secrétaire général des Nations unies,  Ban Ki Moon, a publiquement exprimé une « solidarité »  avec la population de Gaza lors de sa venue dans le territoire,  condamnant le prolongement d’un blocus qui provoque « une  souffrance inacceptable » pour le peuple palestinien.
En dépit des appels politiques aux plus hauts niveaux  internationaux pour la fin de ce siège, les autorités israéliennes  continuent de punir collectivement le un million et demi de Palestiniens  de la bande de Gaza, provoquant une crise humanitaire qui s’aggrave  dans un lieu que John Homes, secrétaire général adjoint des  Nations-Unies pour les Affaires humanitaires, appelle « une  vaste prison à ciel ouvert ».
Solidarité médicale dans Gaza
Un médecin qui avait déjà connu une  agression israélienne lors du siège de Beyrouth en 1982.
Alors que les missiles israéliens tombaient sur Gaza au  lendemain du Noël 2008, Mads Gilbert, médecin norvégien, s’envolait pour  l’Egypte avec le soutien diplomatique de la Norvège, pour entrer dans  Gaza et apporter son aide d’urgence aux services médicaux palestiniens  qui allaient à la catastrophe.
Les témoignages directs d’internationaux depuis Gaza sur  les bombardements ont été limités car Israël a profité de l’opération  Plomb durci pour investir et couper tous les accès à Gaza. Les  journalistes, militants et travailleurs humanitaires internationaux  n’ont pu entrer sur le territoire palestinien.
Ce fut une exception que Gilbert puisse entrer dans Gaza  avec le soutien politique du gouvernement norvégien qui négocia son  entrée avec les autorités égyptiennes. Gilbert fut l’un d’une poignée  d’internationaux qui purent passer durant les bombardements israéliens.
Ce témoignage de première main qui donne des détails sur  l’agression israélienne à Gaza s’est trouvé au centre de la conférence  universitaire que Gilbert a tenue récemment en Amérique du Nord. Plus  d’un an après les bombardements israéliens, Gilbert ne s’en tient pas  aux massacres qui ont frappé la population de Gaza durant l’opération  Plomb durci, il parle aussi des frappes aériennes israéliennes qui se  poursuivent encore aujourd’hui et du traumatisme social enduré à la  suite des blessures graves de guerre.
« Les pertes pour les familles sont  étendues, douloureuses et durables, jamais vous ne pourrez oublier que  votre enfant a été tué de la main humaine, » déclarait Gilbert  pendant son séjour à Montréal. « Ce n’était pas une  catastrophe naturelle, ce n’était pas un tsunami ni un tremblement de  terre, c’était à cent pour cent une catastrophe provoquée par l’homme,  planifiée et exécutée avec le plus grand soin par les chefs militaires  israéliens sous l’égide du gouvernement israélien. »
Le témoignage de première main de Gilbert depuis Gaza,  essentiellement basé sur son expérience à l’hôpital d’Al-Shifa, le plus  grand centre médical dans Gaza, est clairement ancré dans les principes  de solidarité internationale, articulé par un médecin qui avait déjà  connu une agression israélienne lors du siège de Beyrouth en 1982,  pendant lequel il soignait les blessés de guerre dans la capitale  libanaise où plus de 10 000 civils perdirent la vie.
C’est sur l’humanité de Gaza que Gilbert se focalise,  apportant des témoignages directs sur la tragédie avec un regard  médical, comme pour la famille Samouni qui a perdu 29 de ses membres  sous les attaques israéliennes selon les investigations de multiples  organisations des droits de l’homme. Nous faisant profiter de son  expérience, Gilbert met l’accent sur la détermination de la population  de la bande de Gaza, avec toujours le même leitmotiv, « (Ils) n’ont pas besoin de notre pitié, mais de notre solidarité  et de notre soutien ».
Au-delà des détails émouvants sur la lutte pour la vie  qu’ont menée des centaines de Palestiniens, blessés et mourants, passés  par l’hôpital Al-Shifa durant l’hiver 2008/2009 à Gaza, Gilbert se  concentre aussi sur les conséquences à long terme de la politique  israélienne visant à maintenir un blocus qui aujourd’hui n’attire guère  l’attention internationale.
« Tous les enfants dans la bande de Gaza  sont traumatisés par l’état de siège, » dit-il. « Les  conséquences à long terme des blessures pour les survivants  palestiniens de Gaza sont cruelles à vivre, ces blessures de guerre sont  physiquement douloureuses et les moyens de réadaptation très limités à  cause du siège. »
« Aussi, pour les jeunes enfants blessés  de guerre et traumatisés physiologiquement, il est extrêmement  important d’en revenir à la vie normale, d’aller à l’école, de voir  leurs copains, de retrouver une certaine forme de réalité après le chaos  de l’agression israélienne ». Gilbert poursuit, « mais  parce que cet état de siège débilitant touche de plus en plus les  enfants, la malnutrition se développe, l’anémie se généralise, tout cela  à cause de la faim, d’une malnutrition voulue par l’homme, imposée par  Israël avec le total soutien des U.S.A. Comment pouvons-nous accepter  cela en 2010 ? »
Gaza, toujours assiégée par les  Israéliens
S’il y eut une large condamnation des dernières mesures  prises par Israël pour construire de nouvelles colonies dans  Jérusalem-Est, les protestations politiques par les institutions sont  peu nombreuses s’agissant de l’état de siège militaire de Gaza, de  l’emprisonnement massif d’un million et demi de personnes dans un  territoire méditerranéen minuscule, le tout coordonné par les  gouvernements d’Egypte et d’Israël.
L’approvisionnement en eau de la bande de Gaza se fait  de plus en plus rare, à 80% au-dessous des normes minimales qualitatives  telles que définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et  récemment, la Compagnie de distribution d’eau des municipalités côtières  (CMWU) a insisté sur le fait qu’à moins qu’une action ne soit décidée  d’urgence, l’approvisionnement en eau pour la consommation des gens de  Gaza sera coupé dans cinq ou dix ans.
Dans Gaza assiégée, les coupures d’électricité  permanentes par Israël conduisent à une capacité électrique  insuffisante, sans rapport avec les besoins des stations d’épuration,  alors qu’il est interdit de faire venir à Gaza les pièces maîtresses  nécessaires pour le traitement des eaux contaminées. Lentement, les  grandes mares d’eaux usées qui s’étendent en surface s’infiltrent dans  les nappes souterraines ; cinq Palestiniens ont été tués quand le bassin  d’une station s’est effondré en 2007, inondant un village au nord de  Gaza ville.
Le paysage de Gaza est marqué par la guerre, de nombreux  immeubles détruits dans l’hiver 2008 par les missiles israéliens sont  toujours en ruines, pendant que l’infrastructure sociale est de plus en  plus instable, que les matériels indispensables aux institutions  scolaires sont bloqués à la frontière en raison du siège, que  l’approvisionnement en produits alimentaires se fait toujours avec  parcimonie, que la malnutrition s’étend. Des milliers de victimes de la  guerre dans Gaza sont un rappel constant de blessures non cicatrisées,  tant individuelles que collectives, provoquées par l’opération Plomb  durci.
« Des enfants amputés, des gens en  fauteuil roulant sont devenus chose courante dans Gaza, vous en voyez  tous les jours, les gens souffrent », dit le militant et  universitaire palestinien, Haidar Eid, lors d’un entretien à Gaza ville.
« (En mars), à Gaza nous avons marqué le  1 000ème jour d’un siège illégal qui empêche la population de recevoir  les soins médicaux élémentaires, nous sommes confrontés à une politique  de punition collective, illégale au regard du droit international ».
« Ces dernières années, la communauté  internationale n’a rien fait de concret pour obliger Israël à lever le  siège et mettre fin à la souffrance de la population palestinienne dans  Gaza, » dit Eid.
« La communauté internationale doit  obliger Israël à lever le siège par des sanctions, et elle doit agir  contre le gouvernement israélien avec la même détermination dont le  monde a fait preuve contre le régime d’apartheid d’Afrique du Sud à la  fin des années 1980, par des sanctions économiques et par l’isolement  politique. »
Samar Aldaghma, journaliste et mère palestinienne, qui  étudie actuellement à Montréal, a survécu aux bombardements de l’armée  israélienne et la discussion avec elle sur Gaza glisse très vite sur les  conséquences du siège pour les blessés de guerre palestiniens.
« Il y en a eu tant de brûlés gravement  pendant les bombardements israéliens, des brûlures au troisième degré  pour certains, ces brûlures s’infectent de façon critique, » raconte  Aldaghma. « Le matériel chirurgical et les  antibiotiques nécessaires aux soins manquent dans Gaza pour la plus  grande part à cause du siège, des milliers de blessés qui vivent  maintenant dans la bande de Gaza n’ont pas accès au traitement qu’il  leur faudrait parce ils vivent dans la plus grande prison du monde.
« Beaucoup sont amputés, qui ont perdu  une jambe, un bras, un œil, et ne peuvent malheureusement recevoir de  prothèses. De nombreux enfants gravement blessés ont (trop) honte, ou  craignent d’aller à l’école par exemple avec une seule main. Tant  d’enfants sont devenus déprimés, et pourtant leurs familles et les  communautés leur donnent généralement tout le soutien moral possible -  dans les écoles locales, des prix spéciaux pour les jeunes handicapés de  la guerre sont fréquents. »
Gaza, presses et actions  internationales
Les titres de l’actualité sur la Palestine s’intéressent  généralement à la politique politicienne dans les allées du pouvoir,  aux crises théâtrales entre dirigeants politiques de Tel-Aviv et  Washington. Au milieu de ces rumeurs médiatiques, la dernière vague de  frappes israéliennes contre Gaza et les conséquences du blocus israélien  passent quasiment inaperçues.
« L’insuffisance de couverture par la  presse internationale des derniers raids aériens influe sur la situation  d’ensemble de la bande de Gaza, » dit Rami Almeghari, écrivain  palestinien. « A un moment (où) Gaza  continue de souffrir (du) blocus permanent et des  agressions fréquentes de l’armée israélienne, les médias du monde  portent leur attention ailleurs que sur les conditions que l’on connaît  ici. »
L’attention sur Gaza aujourd’hui est critique, et  déplacer les projecteurs loin d’un « processus de paix » politique qui  jusqu’ici n’a fait que fournir une couverture diplomatique à l’apartheid  israélien est déterminant. L’absence d’intérêt pour Gaza, argue  Almeghari, « soulage Israël (de) la  pression qui est montée (avec) la condamnation  d’Israël par le Comité des droits de l’homme des Nations unies pour les  atrocités commises dans la bande de Gaza en janvier 2009. »
Quand des militants de la solidarité internationale du  monde entier se sont rassemblés au Caire, l’hiver passé, pour la Marche de la Liberté pour Gaza, dans une tentative de  briser ensemble le siège israélien via l’Egypte, l’attention mondiale  est revenue brièvement sur l’état de siège de Gaza, même si tous les  efforts incroyables de ces gens pour entrer dans Gaza furent finalement  bloqués par les autorités égyptiennes.
Initiée lors de cette marche, une Déclaration historique du Caire a été publiée en  réponse au siège permanent, élaborant une plate-forme pour une action  mondiale en solidarité avec la population de Gaza.
Alors que le siège de Gaza se poursuivait, et en  prévision d’une journée internationale d’action en soutien à la campagne  de boycott, de désinvestissement et de sanctions, pour la Journée  palestinienne de la Terre (30 mars), la Déclaration du Caire apportait  des éléments clairs pour poursuivre la construction d’un mouvement  mondial qui monte en solidarité avec la Palestine. 
Du même auteur : 
                12 avril 2010 - Rabble.ca - traduction : JPP