Dr Mustafa Barghouthi
Après des décennies de domination militaire  sur les Palestiniens et de vols de notre terre, les dirigeants  israéliens voient bien que la fin de leur domination est imminente. Au  moins ils reconnaissent cette réalité, à défaut jusqu’à maintenant  d’être confrontés aux conséquences.
En 2007, Ehud Olmert, alors  Premier ministre, déclarait : « Si un jour la solution à deux Etats  échoue, et que nous soyons confrontés à la même lutte qu’en Afrique du  Sud pour un droit de vote pour tous (aussi pour les Palestiniens dans  les territoires), alors, dès que ce jour sera arrivé, il en sera fini de  l’Etat d’Israël. » Plus récemment, Ehud Barak, ministre de la Défense  d’Israël, s’exprimait à ce même propos, « Aussi longtemps qu’entre la  Jordanie et la mer, il n’y aura qu’une seule entité politique, du nom  d’Israël, elle finira par devenir soit non juive, soit non démocratique…  Si les Palestiniens votent aux élections, ce sera un Etat binational,  sinon, ce sera un Etat d’apartheid. »
Et si les « si » d’Olmert et de Barak n’évoquaient plus  un avenir possible, mais la réalité actuelle ? L’apartheid, il est là.  Il existe tout un ensemble de lois israéliennes qui s’applique pour les  Palestiniens de Cisjordanie et un autre qui s’applique pour les juifs en  Cisjordanie. Les colons israéliens vivent illégalement dans de  magnifiques maisons subventionnées, sur la terre volée aux Palestiniens,  pendant que nous sommes relégués dans des bantoustans de plus en plus  réduits.
Je crois, encore aujourd’hui, à l’importance de la  solution à deux Etats. Mais chaque jour qui passe, je vois ce qui n’est  rien d’autre qu’une détermination opiniâtre d’Israël à faire barrage à  une telle issue. Le temps est venu de dire à Washington que la viabilité  de la solution à deux Etats est en train de s’effondrer, sous le regard  de Barack Obama. Le Président Obama a hérité cette difficulté de son  prédécesseur. Mais les vieux problèmes sont devenus ceux d’Obama.
Quand Washington faillit à agir de façon décisive pour  ce conflit qui s’envenime, c’est qu’en réalité, il est en train d’agir  de façon décisive. Des milliards de dollars des contribuables américains  continuent d’affluer dans les coffres israéliens. Et le capital  diplomatie des Etats-Unis est toujours dépensé pour protéger Israël de  la censure internationale.
J’ai de bonnes raisons de croire que les intentions de  cette administration sont meilleures que celles de ses prédécesseurs,  mais, semble-t-il, ce n’est jamais le bon moment pour la liberté des  Palestiniens. Les Présidents et dirigeants du Congrès sont toujours face  à une opposition à tout appel US pour entraver le développement  d’Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est – si ce n’est de l’AIPAC  (American Israel Public Affairs Committee) ou de l’Organisation sioniste  d’Amérique, alors c’est de John Hagees, de la droite chrétienne. George  Mitchell, envoyé d’Obama, est venu dans la région, essayant de placer  son gel total israélien dans les colonies. Israël a refusé, et les  Etats-Unis sont restés indécis. Après la conférence de l’AIPAC la  semaine dernière à Washington, les Américains peuvent une nouvelle fois  hésiter. Un deuxième manque de courage sur la question de la  colonisation serait le signe pour les Palestiniens que l’administration  Obama ne prend pas les choses au sérieux quand il s’agit de contrer les  efforts d’Israël qui veut faire rater les pourparlers de paix et la  solution à deux Etats.
Tels Cassandre, les dirigeants dans notre région ne  peuvent que lancer cet avertissement, permettre à Israël de se moquer  totalement de nos droits aura des conséquences dangereuses. Anticipant  ces risques, avec mes collègues, nous avons cherché à diriger la force  de l’action non violente directe contre l’occupation et le système  d’apartheid d’Israël, pour mettre en lumière l’injustice de ses actes et  encourager les juifs israéliens et états-uniens à bien voir que ce  n’est pas à eux que nous nous opposons, mais aux actions du gouvernement  israélien. Nous avons obtenu un certain succès, mais il est  insuffisant.
Nous en sommes aux premiers stades d’une campagne de  boycott, de désinvestissements et de sanctions (BDS) dirigée contre le  gouvernement israélien pour son refus de se conformer au droit  international. Une telle action a réussi à faire abroger les lois Jim  Crow dans les états du sud des Etats-Unis et à supprimer l’apartheid en  Afrique du Sud, et nous la mettons petit à petit en œuvre contre  l’occupation et l’apartheid israéliens. Mais jusqu’à ce que les  étudiants s’en saisissent avec la même ferveur morale dont les  générations précédentes ont fait preuve contre Jim Crow et l’apartheid  sud-africain, nous n’obtiendrons qu’un succès marginal.
Ce jour de l’engagement des étudiants approche. Je suis  intervenu sur de nombreux campus, américains et européens, et j’ai vu un  changement dans les diverses assistances auxquelles je m’adresse  aujourd’hui, comparées à il y a vingt ans. Ces jeunes gens, comprenant  de nombreux militants juifs progressistes, reconnaissent qu’il ne s’agit  pas d’un conflit entre Arabes et juifs, mais entre des conceptions  universelles de liberté et des notions archaïques de suprématie raciale  et de colonisation. Ce public est sur la voie de l’approbation de la  campagne BDS parce qu’il est conscient que ses dirigeants politiques, à  de rares exceptions, n’ont pas la volonté de s’opposer à  l’assujettissement des Palestiniens.
Les responsables politiques états-uniens pourraient être  les derniers à embrasser notre lutte – que ce soit l’urgence d’un Etat  palestinien véritablement souverain aux côtés d’Israël, ou celle d’un  Etat unique avec des droits égaux pour tous – mais les données évoluent  en permanence, et les calculs de ces responsables ne conduiront pas  toujours à un soutien automatique en faveur d’Israël. Notre cause morale  est trop solide.
publié par The Electronic  Intifada – 8 avril 2010
traduction : JPP pour l’AFPS