Nadia Hijab dénonce le  comportement de l’Autorité palestinienne à l’encontre des défenseurs des  droits de l’homme, et notamment de Richard Falk et Richard Goldstone.
"Le coup perfide  porté par l’AP aux défenseurs des droits de l’homme
L’autorité palestinienne a sapé la mission  d’établissement des faits du juge Richard Golstone dans la Bande de Gaza  et demande maintenant  à Richard Falk, rapporteur spécial  de l’ONU de  démissionner. (MaanImages/POOL/ Nations Unies)
Ils viennent des antipodes, mais ils ont beaucoup en  commun : juifs ; spécialistes et défenseurs passionnés du droit  international,  ils servent tous deux de ballons de boxe pour  Israël et  l’Autorité palestinienne.  Au coeur des campagnes dont ils sont la  cible, se joue l’avenir du droit de la guerre.
Richard Falk, professeur émérite à Princeton University  et rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme  dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, subit les  attaques d’Israël depuis des années. Mais à présent, la campagne a pris  un nouveau tournant et c’est l’Autorité palestinienne qui le traîne dans  la boue. Ce coup-là est peut-être le plus bas d’entre tous.
L’AP frappe de façon plus discrète. Elle a  tranquillement suggéré à Falk de démissionner. Elle prétend notamment  que Falk ne peut pas faire son travail parce qu’Israël ne l’autorise pas  à entrer dans le pays ;  l’on aurait pourtant pu penser que c’était là  une raison de plus pour le défendre.
En outre,  l’AP a demandé que le Conseil des droits de  l’homme enlève le rapport de Falk de l’ordre du jour du 22 mars et « le  reporte » au mois de juin, ce qui a été fait. Le représentant auprès de  l’ONU à Genève désigné par l’AP insiste sur le fait qu’il y a simplement  des rapports plus importants que celui de  Falk à l’ordre du jour —  mais il dit en même temps que l’AP a « beaucoup » de réserves au sujet  de ce rapport.  En fait, il semble bien que l’AP n’a pas aimé que Falk  mentionne le Hamas dans son rapport et qu’il ait auparavant critiqué la  tentative faite par  l’AP de  « reporter » l’examen du rapport Goldstone  en septembre sous la pression d’Israël et des Etats-Unis. À cause du  tollé général qu’elle a soulevé parmi les Palestiniens, cette décision a  été renversée.
Pour Falk et Goldstone,  les attaques sont dures à  encaisser. Celles-ci lacèrent  le tissu même du droit international et  des mécanismes mis en place pour le faire appliquer. Le Conseil des  droits de l’homme a pris une pente glissante en acceptant de reporter  l’examen du rapport Falk. Au lieu d’écouter l’AP (et l’Egypte) le  Conseil aurait dû soutenir son rapporteur spécial. S’il commet  l’impensable et relève Falk de ses fonctions parce que l’AP n’en veut  pas, le système des rapporteurs spéciaux indépendants s’en trouvera  miné, tout  comme il le serait si le Conseil cédait à la pression  israélienne ou étasunienne.
La sape du rapport Goldstone serait un coup tout aussi  dur pour le système des droits humains. Plusieurs rapports précédents  ont réclamé l’application du droit international dans le conflit  israélo-arabe ; il y eu notamment l’avis  de la Cour internationale de  Justice, qui a fait date,  sur l’illégalité du mur de séparation  israélien en Cisjordanie. Toutefois,  le rapport Goldstone a été publié à  un moment où les gens sont prêts à écouter, raison pour laquelle Israël  le combat avec tant de férocité et sur tant de fronts.
Sur un de ces fronts, Israël essaye de modifier le droit  international lui-même, ainsi que le révèle Jeff Halper, avocat  israélien des droits de l’homme, dans un article important intitulé  « The Second Battle of Gaza" (Alternative Information Center, 22 février  2010). Halper identifie les personnalités israéliennes qui mènent la  campagne « pour changer le droit international — ce dont profiteront   d’autres Etats menant des « guerres contre la terreur » — de manière à  pouvoir poursuivre effectivement la guerre contre des peuples sans que  ceux-ci bénéficient de la légitimité et de la  protection dont jouit  l’adversaire qui n’a pas qualité d’Etat. »
Personne n’est aussi conscient des dangers courus par le  droit international que les défenseurs palestiniens des droits humains.  Leurs organisations se sont regroupées  pour soutenir la mise en  application du rapport Goldstone ainsi que  pour protéger Falk et le  rôle qu’il joue.
Le mois dernier, 11 groupes palestiniens de défense des  droits de l’homme ont écrit à la  haute commissaire aux droits de  l’homme, Navi Pillay, pour dire leur  consternation devant les actions  entreprises par l’AP contre Falk,  dont les rapports ont fourni « des  instruments puissants pour la défense des droits du peuple  palestinien. » Ils ont instamment demandé à  Pillay de  fournir tout son  soutien à Falk. Ils l’ont également invitée à renforcer l’indépendance  des rapporteurs spéciaux des Etats membres de l’ONU afin de protéger la  propre crédibilité de l’ONU.
Récemment, 19 groupes palestiniens ont écrit au   Président de l’AP, Mahmoud Abbas, pour critiquer le traitement réservé à  Falk et signaler les répercussions de cette attitude pour les droits  humains des Palestiniens qui sont internationalement reconnus.
Si les attaques contre les deux Richard réussissent, la  cause palestinienne en souffrira et le monde en deviendra plus dangereux   et plus démuni— un monde dans lequel on permet légalement à la  puissance du plus fort de  l’emporter sur les droits des plus faibles."
Nadia Hijab
Nadia Hijab est analyste indépendante et  membre distinguée de l’ Institute for Palestine Studies. Cette rubrique  a été syndiquée le 4 mars 2010 par Agence global. 
(Traduit par Annie GOOSSENS)
CAPJPO-EuroPalestine