Corine Lesnes
Il n’y a pas beaucoup de rassemblements où  l’apparition de George Bush sur les écrans déclenche des  applaudissements enthousiastes. Celui de l’Aipac est de ceux-là. Plus de  7 500 personnes ont assisté, cette année, à la conférence de l’American  Israel Public Affairs Committee, le lobby pro-israélien à Washington,  un record de participation [1].
Du temps de George Bush et du  vice-président Dick Cheney, les relations étaient sans nuage. Après  l’élection de Barack Obama [2] en 2008, l’Aipac [3] s’est prudemment doté  d’un président originaire de Chicago, Lee Rosenberg, ex-financier de la  campagne d’Obama. Dès son premier discours, dimanche 21 mars, il a pris  ses distances. "Des alliés se doivent de gérer leurs divergences en  privé", a-t-il affirmé. "L’Histoire montre que quand l’Amérique fait  publiquement pression sur Israël, elle fournit un prétexte à ceux qui  veulent faire dérailler le processus de paix", a-t-il ajouté.
L’Iran devait être le thème central mais les esprits ont  surtout été occupés par la "crise qui n’en est pas une" entre  l’administration Obama et le gouvernement de Benyamin Nétanyahou à  propos des nouvelles constructions à Jérusalem-Est annoncées pendant la  récente visite en Israël du vice-président Joe Biden. Pour beaucoup, la  "crise" est une exagération médiatique, ou malintentionnée. "S’il y a  une crise, elle est en Iran", a dit Harold Blix, un retraité de Floride,  venu avec son épouse et leur petit-fils de 16 ans "qui s’est déjà  inscrit pour l’an prochain".
Mais d’autres reconnaissent les difficultés, comme Don  Durbin, un homme d’affaires républicain de Philadelphie : "Les relations  sont mauvaises. Il y a un manque de confiance. Les Etats-Unis ont  l’impression que, pour avoir la coopération des Arabes contre l’Iran,  ils doivent résoudre le conflit israélo-palestinien. C’est une erreur."
Aaron Kushner, un jeune venu de Boston, plutôt partisan  de Barack Obama, est désolé du malentendu : "Personne ne doute qu’Obama  soit attaché à Israël et à la paix. Mais c’est un problème de méthode.  Ce n’est pas bon de mettre un coin dans les relations entre Israël et  les Etats-Unis. Le monde arabe pense qu’il y a un fossé entre les  alliés. C’est parce qu’ils ne comprennent pas ce que c’est que d’avoir  la liberté de s’exprimer. Mais cela renforce une impression de  faiblesse."
"GESTES CONCRETS"
Un faux communiqué, repris lundi par la radio publique, a  fait croire que l’Aipac s’était rallié aux positions de la gauche et  soutenait la demande américaine d’un gel de la colonisation [4]. Le piratage a été vite  éventé. Dans l’épreuve de force sur les implantations, l’Aipac soutient  clairement Benyamin Nétanyahou. Le message du jour a été livré par le  directeur exécutif, Howard Kohr : "Jérusalem n’est pas une  implantation." Il a été répété avec force par M. Nétanyahou dans son  discours du soir : "Jérusalem n’est pas une colonie. C’est notre  capitale ! Le peuple juif bâtissait Jérusalem il y a trois mille ans. Il  bâtit Jérusalem aujourd’hui."
Dans l’après-midi, Benyamin Nétanyahou a rencontré la  secrétaire d’Etat Hillary Clinton pendant une heure en tête à tête. Il a  dîné avec le vice-président Joe Biden. Il devait s’entretenir avec  Barack Obama, mardi soir, leur quatrième rencontre en un an – et la  deuxième sans photo ou conférence de presse. De ces entretiens pourrait  sortir une promesse du dirigeant israélien de faire des "gestes  concrets" pour rétablir la confiance en vue du démarrage, plusieurs fois  retardé, des négociations indirectes avec les Palestiniens.
Dans son intervention devant l’Aipac, Mme Clinton a pris  soin de dire les mots qui rassurent sur l’engagement "solide comme le  roc", "sans défaut", "éternel" des Etats-Unis en faveur de la sécurité  d’Israël. Elle a rappelé que l’aide pour la sécurité (3 milliards de  dollars pour 2011) était en augmentation de 225 millions. Mais elle a  aussi répété la position du gouvernement américain, telle qu’elle  figurait déjà, en des termes inhabituellement clairs, dans le dernier  communiqué du Quartet (Etats-Unis, UE, Russie et ONU), sur le retour aux  frontières de 1967. Elle n’a pas caché que "les nouvelles constructions  à Jérusalem-Est et en Cisjordanie affectent la confiance mutuelle et  mettent en danger la négociation indirecte, première étape vers de  véritables pourparlers".
A ceux qui "doutent de la persévérance du président  Obama", elle a proposé de considérer l’exemple de la réforme du système  de santé votée dimanche après plus d’un an d’efforts (ce qui lui a valu  quelques huées malgré les consignes de s’abstenir de manifestations  d’hostilité).
Dans les couloirs, les délégués étaient ravis d’avoir  entendu que l’administration souhaitait des sanctions "cuisantes" contre  l’Iran mais plutôt amers sur l’attitude actuelle de Washington. "Elle  n’a rien dit sur Jérusalem, la capitale, a déploré Helen Bix, dont la  famille a fui l’Allemagne quand elle avait 3 ans. Les Etats-Unis doivent  montrer des convictions. On ne peut pas toujours demander plus à  Israël. On a déjà quitté le Liban deux fois. On a quitté Gaza…" Le  républicain Don Durbin regrette qu’"Israël soit trop dépendant des  Etats-Unis ; cela le place en position d’être bousculé", dit-il, en  rêvant d’un partenariat avec l’Inde, la Chine ou la Russie…
[1] "Roll Call" Chaque année, les  membres du Congrès sont invités par l’Aipac à un grand dîner de gala. En  2010, deux tiers des sénateurs étaient présents et la moitié du  Congrès. Le roll call ("l’appel des noms") est devenu célèbre : il dure  plus de trente minutes.
[2] L’électorat juif américain : Il  a voté à 78% pour M.Obama en 2008. Forte de 5,3 millions de membres, la  communauté est la deuxième au monde après Israël.
[3] La deuxième communauté juive au  monde American Israel Public Affairs Committee (Aipac) Organisation  enregistrée comme lobby auprès du Congrès américain. Son but est de  renforcer l’alliance entre Israël et les Etats-Unis.  Proche du Likoud,  elle revendique 100000 membres.
[4] voir l’Express