Alors que les 
quelques officiers supérieurs de l’armée israélienne parlant des 
exploits militaires des trois dernières semaines affluent désormais en 
nombre, on peut supposer qu’ils en ont assez du carnage qu’ils ont vu à 
Gaza et qu’ils veulent maintenant se désengager.
La plupart de ce qu’ils disent est contradictoire : 31 tunnels 
d’attaque du Hamas ont été détruits, mais ils reconnaissent quand même 
que le Hamas peut en construire plus. Le Hamas a été durement touché, 
mais selon leurs services de renseignements, il reste encore au Hamas 
3 000 roquettes de courte portée et quelques-unes de moyenne portée.
Du côté israélien, les ravages causés à Gaza sont considérés à la 
fois un succès (suite aux bombardements, les infrastructures sont 
retournées à un niveau d’avant 2006) et en même temps un échec. Un 
militaire a même reconnu qu’ils avaient besoin que le Hamas conserve sa 
maîtrise afin de garder le contrôle sur les autres groupes.
Du côté du Hamas, le message est sans ambiguïté : est-ce là ce 
qu’Israël peut faire de pire ? La force militaire du Hamas est intacte 
et apte à continuer le combat. Sur le terrain politique, l’attaque 
israélienne a cimenté l’unité des factions palestiniennes, placé le 
Hamas au sommet de la pyramide et révélé au grand jour l’alliance des 
États arabes derrière Israël, l’affaiblissant ainsi.
Ce n’est que le début de ce qui deviendra un va-et-vient de salves 
verbales lorsque les combats cesseront. Il est toutefois clair que même à
 ce stade, le calcul stratégique lié à ce raid punitif a pris une 
mauvaise tournure. Trois hypothèses ont joué un rôle clé dans les 
calculs de Benjamin Netanyahou : tout d’abord, le moment était venu 
d’assommer un Hamas affaibli par la perte des fonds en provenance d’Iran
 et du soutien de l’Égypte ; ensuite, les Gazaouis reprocheraient au 
Hamas les destructions provoquées par Israël ; enfin, l’Égypte et 
l’Arabie saoudite couvriraient Israël.
Pour la première hypothèse, le Hamas et le Djihad islamique se sont 
révélés être mieux préparés et meilleurs au combat que ce que l’armée 
israélienne avait prévu.
Voilà pour l’effet dissuasif des précédentes sorties dans la bande de
 Gaza. Avant l’invasion au sol, un commentateur expliquait que c’était 
comme si les Pierrafeu défiaient l’armée la plus perfectionnée du monde.
 Les choses ne se sont pas passées de cette manière. Les militants à 
Gaza ont causé des victimes dans les meilleures brigades de l’armée : 
63 soldats et trois civils [161 soldats et officiers tués, selon ce que 
revendique la résistance - NdT], soit la moitié du nombre de morts lors 
de la guerre de 2006 contre le Hezbollah au Liban.
Qui plus est, la stratégie de choc et stupeur menée contre Gaza n’a 
pas eu l’effet escompté. Les Gazaouis n’ont pas reproché les 
destructions au Hamas et le gouvernement d’unité entre le Fatah et le 
Hamas n’est pas tombé en lambeaux. Il s’est passé le contraire, et ceci 
n’est qu’en partie dû aux tactiques employées pas les forces 
israéliennes. Cette guerre a vu tant de morts et de massacres de masse 
de civils que ceux-ci sont difficiles à quantifier.
Avant le bombardement de Rafah de 24 heures ce vendredi, le ministère
 palestinien de la Santé a indiqué que 70 familles avaient été 
anéanties, soit 579 personnes auxquels il faut ajouter les 1000 blessés.
 Mais même ce massacre ne reflète pas l’ampleur du nombre de morts 
civils.
Faut-il classer un massacre selon l’occurrence (le centre pour 
handicapés, les quatre garçons sur la plage, les trois garçons dans le 
pigeonnier), selon le lieu (Shejaiya (deux fois), Khusa, Rafah) ou selon
 l’école (les sept écoles de l’UNRWA faisant partie des 
133 installations diverses de l’ONU touchées par des obus et des 
missiles) ? Revendiquer, comme Benjamin Netanyahou l’a fait, que la 
guerre menée par Israël n’est pas contre les civils, relève soit d’un 
cynisme porté à son paroxysme, soit d’un aveuglement, voire des deux à 
la fois.
Néanmoins, la réaction de Gaza n’est qu’en partie une réponse à ces 
tactiques. L’autre moteur était le siège en soi, qui a maintenant passé 
les huit ans. Au début des bombardements, les Gazaouis se disaient que 
dans l’absolu, ils avaient deux solutions : soit mourir maintenant, soit
 mourir d’une mort lente plus tard. Ils ont opté pour la première 
possibilité. La résistance est donc revenue en force, quelle que soit 
l’organisation qui la dirige. Le Hamas a été stimulé puisqu’il s’agit du
 mouvement de résistance le plus conséquent et le plus actif. Et même 
dans un endroit aussi contrôlé que la Cisjordanie, où la loyauté envers 
le Fatah est profonde, la résistance a regagné le grand public.
Par conséquent, quand cela se terminera, les choses ne seront pas 
comme d’habitude. Tzipi Livni, ministre de la Justice qui se range 
elle-même dans la frange libérale d’un cabinet de droite dominé par les 
colons, se fait bien des illusions si elle pense qu’elle peut 
aujourd’hui prendre le téléphone et avoir Mahmoud Abbas ou Saeb Erekat 
de l’autre côté du fil. Les assistants sont depuis devenus des 
résistants, dans la mesure où n’y a pas une feuille de papier à 
cigarettes entre la position de l’OLP dans les pourparlers de 
cessez-le-feu au Caire et le Hamas.
Les six conditions pour un cessez-le-feu en sont le reflet : le 
retrait immédiat des forces israéliennes et la garantie de la fin des 
incursions, des bombardements et des survols ; la fin du siège, 
l’ouverture des points de passage, la garantie d’un passage entre la 
Cisjordanie et la bande de Gaza et la réouverture d’un aéroport et d’un 
port maritime à Gaza ; l’élimination des zones tampons ; la libération 
de tous les prisonniers, en particulier de ceux qui ont été de nouveau 
emprisonnés suite à l’affaire l’affaire Guilad Shalit ; la 
reconstruction immédiate de Gaza par le gouvernement d’unité ; la tenue 
d’une conférence des donateurs. Toutes ces conditions sont issues de la 
stratégie du Hamas. Il ne s’agit sûrement pas d’une position dans 
laquelle Abbas ou l’OLP se sentent à l’aise, mais ils n’ont guère le 
choix.
La troisième erreur fatale de Netanyahou a été de compter sur le 
soutien de l’Égypte et de l’Arabie saoudite. Il aurait été plus sage de 
garder secret leur soutien pour son attaque contre le Hamas. Le fait de 
s’en vanter, comme les responsables de la défense israélienne l’ont 
fait, afin de démontrer à un public occidental sceptique que les autres 
États arabes voulaient que le Hamas prenne une bonne raclée, était une 
idée stupide.
Ce n’est pas pour rien que l’un des plus ardents défenseurs du 
président égyptien, le commentateur nassériste Abdallah El-Senawi, a 
évoqué dans le journal Shorouk les dommages causés par Abdel Fattah 
al-Sissi à sa propre image présidentielle lorsqu’il s’est exprimé en 
faveur de la guerre israélienne.
« En toute honnêteté, un coup terrible a été porté à la réputation du
 nouveau Président dans le monde arabe en termes diplomatiques et 
médiatiques. En dépit du fait que certains [souhaitent voir l’Égypte 
retourner à son état précédent], des erreurs ont été commises avant 
qu’elles n’apparaissent là. Il manque une vision... La scène régionale 
en général, et l’Égypte en particulier, semblent faibles dans leur 
solidarité avec le calvaire de Gaza. Dans certains cas, des actes 
politiques honteux sont commis dans les médias, même si la question est 
profondément liée au sort de toute la région. »
Le docteur Khalid al-Dakhil, l’un des politologues les plus renommés 
d’Arabie saoudite, chroniqueur pour le journal al-Ittihad, a écrit dans 
le journal al Hayat que l’Égypte avait sacrifié son rôle central dans le
 monde arabe : « Désormais, l’Égypte ne dispose plus des avantages 
nécessaires pour maintenir son rôle central ou son leadership dans le 
monde arabe. » Dans le camp saoudien, le même sentiment d’humiliation se
 fait sentir.
Saoudiens et Égyptiens comparent la réaction de leur gouvernement à 
celle des pays d’Amérique latine qui ont chassé leurs ambassadeurs 
israéliens. Ils entendent les condamnations de la Chine et de l’Afrique 
du Sud. La réputation internationale du Hamas a également été renforcée.
 Khaled Mechaal a reçu une lettre personnelle de la part du président 
sud-africain Jacob Zuma. En Colombie se déroulent des manifestations où 
les gens crient « Viva Hamas ».
Netanyahou a commis une quatrième erreur de calcul, qui peut avoir 
déjà commencé ou non à porter ses effets plus près de chez lui. Nous ne 
le saurons que rétrospectivement. Cette erreur concerne ce qui se passe 
dans l’esprit des Palestiniens vivant hors de Gaza, qu’ils soient 
habitants de la Cisjordanie ou de Jérusalem, ou encore citoyens 
d’Israël. Il est facile de définir un fil conducteur, des manifestations
 au poste de contrôle de Qalandia, les plus massives depuis de 
nombreuses années, à l’acte d’un conducteur de pelleteuse qui a écrasé 
un homme et renversé un bus à Jérusalem, en passant par la fusillade en 
voiture contre un soldat à un arrêt de bus, à l’Université hébraïque.
Il est plus difficile d’en identifier le point charnière. Plus la 
guerre s’éternisera, plus la tension grandira à Jérusalem. Autre signe 
intéressant : la police anti-émeutes palestinienne ne regarde plus les 
manifestants palestiniens dans les yeux, en tant que compatriotes. Les 
policiers ont trop honte de ce qu’ils font. De même, le drapeau vert 
palestinien est omniprésent. La guerre contre Gaza pourrait avoir 
simplement posé les bases d’une nouvelle intifada.
 Middle East Eye -Traduction : Info-Palestine.- Valentin B.
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