Pages

samedi 22 novembre 2014

Une journée d’un dur travail dans les ruines de Gaza

Parmi les décombres et les ruines, les jeunes Gazaouis recueillent les matériaux pour reconstruire leurs quartiers, mais ils sont toujours en attente du ciment dont la fourniture dans le territoire sous blocus reste interdite.

JPEG - 153.9 ko
Yasser Fayyad montre comment il redresse acier que lui et ses amis ont recueilli dans des maisons détruites de Gaza - Photo : MEE/Mohammed Omer
Sous les pieds de Yasser Fayyad se trouvent les ruines du ministère palestinien des Finances - et un tas de bons alimentaires d’une valeur de 20 dinars jordanien (28 dollars) - qui est maintenant rasé après qu’un F16 israélien ait détruit le bâtiment au cours des 51 jours de guerre de cet été. Dans les décombres, Fayyad, âgé de 23 ans, a trouvé une nouvelle source de revenus pour sa famille.
Dans le passé, les habitants de Gaza qui avaient perdu leurs maisons suite à des attaques militaires israéliennes utilisaient leur argent pour venir avec des tracteurs ou des charrettes à ânes afin de déblayer les décombres. Mais maintenant, Fayyad et d’autres comme lui travaillent à mains nues, avec leur force et un lourd marteau pour déblayer les habitations détruites et revendre sur les marchés locaux les matériaux de construction réutilisables.
Il n’y a pas beaucoup de moyens de gagner sa vie pour Fayyad et d’autres collecteurs de gravats comme lui, mais le gravier et les barres métalliques des maisons et des bâtiments démolis devraient pouvoir être à nouveau vendus car les habitants de Gaza tiennent à reconstruire leurs maisons après la guerre de cet été. Pourtant, un élément essentiel manque pour lier tous ces matériaux : le ciment dont l’entrée dans Gaza est interdite par l’occupant israélien.
« Le blocus et le chômage m’ont forcé à faire ce travail », explique Fayyad alors qu’il s’échine à vouloir plier les épaisses barres de métal extraites d’une maison démolie.
Avant la guerre, dit Fayyad, il avait l’habitude de payer les familles pour qu’elles l’autorise à fouiller dans leurs ruines. Lorsque les Gazaouis ont voulu reconstruire leurs maisons après la guerre de l’hiver 2008-2009, et avec le ciment qui passait la frontière à ce moment-là, il y avait une forte demande pour le gravier et l’acier. « Maintenant, nous ne les payons plus. Il n’y a pas pour l’instant de marché pour ce que l’on peut tirer des maisons détruites », selon lui.
Cela peut prendre des semaines à Fayyad pour creuser des ruines et extraire des matières comme le gravier et de l’acier, qui sont des matériaux qui manquent cruellement en raison du blocus israélien. Les responsables israéliens ont déclaré que ces matériaux pouvaient être utilisés pour la construction d’installations militaires [de la résistance palestinienne]. Poussé par les besoins de sa famille, le seul outil de Fayyad est un masse avec laquelle il martèle de 7 heures du matin jusqu’au soir, avec seulement ses pensées pour le divertir.
Malgré ses longues heures de travail, le prix qu’obtient aujourd’hui Fayyad pour l’acier qu’il trouve, a diminué en passant de 3000 shekels (782 dollars) à 1500 (391 dollars). « Je sais qu’il n’y a pas une forte demande pour l’acier, car il n’y a de toutes les façons pas de ciment », dit-il.
Un dur travail
L’idée de recueillir des gravats réutilisables a émergé en 2008, lorsque Fayyad ainsi que ses quatre amis de Beit Hanoun ont perdu leurs maisons. Les quatre jeunes diplômés du lycée ont réussi à tirer de l’acier de tous les bâtiments détruits lors de la guerre de l’hiver 2008-2009, raconte-t-il.
« C’est le travail le plus difficile à réaliser, » dit-il. « Ceci est [le lot] des criminels condamnés aux travaux forcés. » Fayyad raconte aussi qu’il se sent emprisonné dans la bande de Gaza, forcé de faire ce travail par manque d’autres choix.
Imitant Fayyad, Ahmed Shabat fixe avec ses pieds une barre de fer en vue de la redresser. « Je n’ai pas d’autre emploi, et je n’oublie pas que je dois nourrir une famille, et ils ont besoin aussi de vêtements, » dit-il.
« Mes amis et moi avons terminé nos études universitaires et nous ne pouvons pas trouver d’autres emplois », dit Shabat. Un des 11 frères chômeurs, il gagne entre 30-40 shekels par jour (7 et 10,5 dollars) en faisant ce travail, et avec 10 shekels (2,60 dollars) en moins qu’il doit débourser dans les transports. Il se retrouve ainsi avec un salaire journalier moyen d’environ 20 shekels (5,20 dollars). Les amis partagent leur charge de travail et leurs gains en parts égales à la fin de la journée.
Alors que le groupe d’amis exploitent un site, Fayyad reçoit un appel téléphonique d’un homme qui a perdu sa maison dans la guerre et qui fait comprendre à Fayyad qu’il souhaite faire déblayer les ruines de sa maison dans l’espoir qu’elle puisse être reconstruite.
Shabat et Fayyad reçoivent régulièrement des appels de ce genre. Bien qu’ils soient basés au nord de la bande de Gaza, leurs numéros de téléphone sont connus sur toute l’enclave. Ils pourraient commencer une journée à fouiller dans les ruines de maisons détruites en face des tours de guet de l’armée israélienne au nord de la bande de Gaza, et terminer la journée dans d’autres décombres à la frontière de Rafah, face aux troupes égyptiennes.
Malgré les appels de Gazaouis désireux de dégager les débris de leur ancienne maison et de faire ainsi place à une nouvelle, Fayyad est pleinement conscient qu’il n’y aura pas véritablement de reconstruction dans la bande de Gaza dans un avenir proche. Beaucoup de ceux qui ont perdu leurs maisons dans la guerre de l’hiver 2008-2009 sont toujours sans abri aujourd’hui et ils sont prioritaires par rapport à ceux qui ont perdu leurs maisons l’été dernier. Tout le monde attend que sa vie soit reconstruite.
Marchant à travers les décombres de la maison de la personne qui vient de l’appeler, Fayyad lui dit qu’il est trop occupé, même si l’homme dit qu’il est prêt à verser de l’argent liquide à l’équipe à Fayyad pour voir déblayer les ruines de sa maison, démolie par un raid aérien israélien a la suite d’une première « frappe avec un missile d’avertissement ». Plusieurs membres de la famille ont été blessés dans l’attaque, raconte-t-il.
Il voudrait maintenant dégager les débris, laissés là depuis la frappe aérienne, pour faire place à des cabanes en préfabriqué promises par des organismes d’aide.
Des centaines d’habitants de Gaza dans le quartier de Shejayeh, comme cet homme, sont sans abri et en attente des mêmes tentes et cabanes en préfabriqué qu’ils veulent monter sur place afin de conserver leurs propriétés et continuer à vivre sur leurs terres.
Dans l’attente de ciment
Comme Fayyad et Shabat ont connu les hauts et les bas de l’offre et de la demande et des frontières ouvertes et fermées, ils ont adapté leurs techniques pour améliorer leur activité. À leurs mains nues et au marteau, ils ont ajouté une petite machine manuelle qu’ils ont développée et qui aide à traiter l’acier pour le mettre dans une forme plus utilisable.
« Lorsque nous nous sommes lancés dans ce travail, les gens ont commencé à faire connaître leur demande pour l’acier et les graviers que nous pouvions extraire, » dit Shabat. « Ce n’est pas tout le monde qui a la patience de traiter du métal précédemment démoli par des avions F16. »
Pour transporter un pilier massif, Shabat coordonne le travail de tous les jeunes hommes sur place. « Un pilier de béton comme celui-ci peut me prendre deux jours pour être réduit en petits morceaux, » dit-il, ses mains tremblant sous le poids excessif.
Une des tâches les plus dangereuses à venir est de travailler dans les ruines d’une tour d’habitation de 12 étages, littéralement avec leurs mains nues. Fayyad, comme ses collègues, sait que le travail qu’ils font est une forme de travail forcé. Mais ils persistent à le faire afin de gagner un minimum leur vie et pouvoir nourrir leurs familles, tout en sachant qu’il y aura de nombreux jours consacrés à tenter d’extraire des métaux des milliers de maisons détruites... et à attendre l’arrivée du ciment.
« Nous ne pourrons vendre de l’acier qu’une fois que le ciment sera autorisé à entrer dans la bande de Gaza », a déclaré Fayyad, en regardant des piles de lettres de félicitations de mariage reposant sous les ruines d’une maison détruite.
« Une chose dont vous pouvez être sûr : soit de la mariée ou son ami est sans abri, soit ils ont eu de la chance s’ils sont encore en vie, » dit-il.
JPEG - 2.7 ko
Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
http://www.middleeasteye.net/in-dep...
Traduction : Info-Palestine.eu