Le mythe voulant qu’Israël soit en situation de légitime défense, propagé par le gouvernement
 israélien et par ses lobbys au Canada, a été adopté par une partie de 
l’élite politique canadienne et québécoise. Or ce mythe ne correspond 
pas du tout à la réalité, ni du point de vue des rapports juridiques 
entre Israël et les territoires occupés ni du point de vue du rapport de force réel entre les diverses parties.
Du point de vue juridique, Israël occupe
 militairement les territoires palestiniens. C’est la position 
officielle du Canada, des États Unis, et de l’ensemble des signataires 
de la IVe Convention de Genève de 1949. Le site Web du ministère des 
Affaires extérieures et du Commerce international du Canada le dit très 
explicitement : « La Quatrième Convention de 
Genève s’applique dans les territoires occupés et définit les 
obligations d’Israël en tant que puissance occupante, en particulier en 
ce qui concerne le traitement humanitaire des habitants des territoires 
occupés. Comme le mentionnent les résolutions 446 et 465 du Conseil de 
sécurité de l’ONU, les colonies de peuplement israéliennes dans les 
territoires occupés sont contraires à la Quatrième Convention de Genève. »
La Cisjordanie et Gaza
 ont été occupés militairement par Israël depuis 1967, c’est-à-dire 
depuis 47 ans. Il ne s’agit donc pas d’une occupation temporaire, visant
 à régler un différend, mais d’une intention de prendre le contrôle des 
parties les plus stratégiques du territoire palestinien, intention 
réitérée par les divers premiers ministres israéliens et illustrée par 
l’expansion toujours croissante des colonies et du nombre de colons.
La réalité du terrain
Personne ne peut faire semblant de ne 
pas le savoir. Même si les colonies ont été retirées de Gaza en 2005, le
 contrôle israélien ne s’est pas terminé pour autant. Israël contrôle 
les frontières, le ciel, le sous-sol et la mer de Gaza. Depuis 2006, le 
blocus imposé à Gaza a signifié qu’Israël contrôle aussi la vie et la 
mort des Gazaouis, puisque les denrées alimentaires, les médicaments, 
les produits industriels ou manufacturés ainsi que les personnes ne 
peuvent ni sortir ni entrer à Gaza sans autorisation israélienne, qui 
est refusée pour nombre de produits de première nécessité. Et l’Égypte 
est tenue par ses traités avec Israël de respecter ce blocus. Outre la 
mort de plusieurs civils de Gaza, ce blocus a entraîné une détérioration
 dramatique de la santé des habitants, qui ont eu recours à des tunnels 
pour faire transiter des marchandises et, du même coup, des armes.
Du point de vue du rapport de force, 
l’affirmation qu’Israël est en état de légitime défense est ridicule. 
Mais le ridicule ne tue pas. Les bombes israéliennes, si. Près de 2000 morts durant le dernier round. Dès la première semaine (13 juillet), plus de 1000 tonnes de bombes avaient déjà été larguées sur la population palestinienne, lit-on dans le journal israélien Haaretz,
 un chiffre que les médias ici ne citent pas. Du point de vue du ratio 
civils/combattants tués, du côté israélien on dénombre trois civils tués
 et [64] soldats, donc moins de 6 % de victimes civiles. La grande 
majorité des victimes sont des soldats. Du côté palestinien, c’est 80 % 
de victimes civiles [sur 1878 victimes, NDLR].
L’idée qu’Israël est en état de légitime
 défense est donc une énorme fabulation. Pour prétendre à la légitime 
défense, Israël devrait d’abord se conformer au droit international pour
 cesser d’être dans la position d’agresseur en tant que puissance 
occupante. Or, ce n’est pas le cas.
Le Hamas
Au moment de la signature des accords 
d’Oslo en 1993, dans le cadre desquels l’Organisation de libération de 
la Palestine [OLP] reconnaissait l’État d’Israël, la popularité du Hamas
 était tombée à moins de 4 % et l’écrasante majorité des Palestiniens 
avait approuvé la reconnaissance d’Israël contenue dans les accords 
d’Oslo. Or ces mêmes accords ne reconnaissaient pas l’État palestinien, 
terme qui n’apparaît nulle part, ni dans les accords eux-mêmes ni dans 
la correspondance les entourant. Et de plus, Israël a profité des 
négociations pour s’approprier encore plus de territoire palestinien. Et
 vous parlez de légitime défense ?
Ce qu’Israël veut, c’est coloniser en 
paix. Sans résistance. Ce qui est en jeu, ce n’est pas le droit d’Israël
 d’exister, mais bien le « droit » qu’il revendique de coloniser ce qui 
reste de la Palestine, et de le faire sans contestation. Même la 
contestation pacifique et diplomatique est interdite. Quand les 
Palestiniens ont voulu obtenir un statut d’observateur à l’ONU, les 
sanctions israéliennes et américaines n’ont pas tardé à s’abattre tant 
sur les Palestiniens que sur l’UNESCO.
Israël est prêt à tout pour empêcher que naisse un État palestinien reconnu par la communauté internationale. « Depuis la première guerre du Liban, il y a 30 ans, la stratégie principale d’Israël a été de tuer des Arabes. La présente guerre dans la bande de Gaza n’y fait pas exception », nous disait le journaliste israélien Gideon Levy dans leHaaretz du 13 juillet.
Mais rien de cela ne compte pour les 
partisans de la colonisation. Il faut l’appuyer et prétendre, de 
surcroît, qu’Israël est victime. Tout autre point de vue est qualifié d’antisémitisme.
 Pour cela, un dernier tour démagogique est nécessaire : celui 
d’affirmer que c’est une guerre entre Israël et le Hamas, alors qu’en 
réalité c’est une guerre contre la population civile palestinienne. Le 
manque total d’empathie des partisans de la colonisation envers 
l’ampleur du massacre et l’ampleur de la destruction de Gaza laisse 
pantois. Honte à ceux qui appuient ce massacre.
Rachad Antonius
 Publié initialement dans Libre de penser du quotidien montréalais Le Devoir.
Caricature : “Vous voyez ! On est juste en train de se défendre.” 
source de la caricature : http://www.davidicke.com/headlines/zio-nazis-run-wild-in-occupied-palestine/
Rachad Antonius  : Professeur, UQAM, et spécialiste du Proche-Orient