Le sionisme est une forme de messianisme dévoyé qui a voulu créer un 
« homme nouveau » en éradiquant son passé. Pas étonnant donc qu’en 
matière d’invention pure et simple de mythes nationaux, Israël batte 
tous les records. Archéologues et « nouveaux historiens » israéliens 
l’ont bien mis en lumière ces dernières années.
Le sionisme est un nationalisme particulier : il a inventé une 
histoire, une langue et une identité. Comme tous les nationalismes, il 
pratique la négation de l’autre. C’est un colonialisme sans métropole 
qui ne vise pas à asservir le peuple colonisé mais à l’expulser. C’est 
une idéologie qui instrumentalise l’antisémitisme et le génocide nazi : 
les sionistes cultivent le complexe de Massada.
 Ils et elles ont « peur de ne plus avoir peur » et la peur permet 
toutes les exactions. L’idéologie sioniste a créé un État sur des bases 
contraires à l’égale citoyenneté de toutes et tous et en a fait un pion 
avancé de l’Occident au Proche-Orient.
Une histoire merveilleuse mais inventée. Les fondateurs du 
sionisme pour la plupart n’étaient pas croyants, mais ils sont allés 
chercher dans la Bible les justifications d’un projet colonial. 
L’archéologie a établi avec certitude que les Hébreux sont un peuple 
autochtone. Ils ne sont pas venus de Mésopotamie et n’ont jamais été en 
esclavage en Égypte. Les trompettes n’ont jamais sonné à Jéricho. La 
conquête sanglante de Canaan par Josué qui sert aujourd’hui de 
justification aux colons religieux de Cisjordanie est une fiction. Le 
grand royaume unifié de David et Salomon que les sionistes ont voulu 
reconstruire n’a pas existé. À l’époque présumée de Salomon et de son 
temple, Jérusalem n’était qu’un village.
Certes, tout n’est pas faux dans le discours biblique. La 
Palestine antique a toujours été peuplée par plusieurs peuples (Hébreux,
 Cananéens, Moabites, Iduméens, Philistins…) avec des religions 
différentes, mais cette réalité contredit le récit sioniste.
Pour les sionistes, le peuple juif a été expulsé de sa terre en 70
 après J.-C. par l’empereur Titus et s’est dispersé dans le monde. Or la
 religion juive était déjà présente dans différentes régions, de 
Babylone à Alexandrie ou Rome. C’est la religion qui s’est dispersée, 
pas le peuple. La religion juive a été prosélyte pendant des siècles et 
c’est la victoire du christianisme qui l’a obligée à cesser de l’être. 
Les conversions au judaïsme se sont poursuivies en Afrique du Nord (les 
Berbères) ou entre Caspienne et mer Noire (les Khazars) très tard. Bref,
 les Juifs d’aujourd’hui sont majoritairement des descendants de 
convertis. Il n’y a eu ni exil, ni retour. Et les descendants des Hébreux de l’Antiquité sont essentiellement… les Palestiniens.
Une fausse réponse à l’antisémitisme. Le centre des histoires
 juives, c’est la diaspora. Les langues, les traditions, les rites et 
les cultures des différentes communautés juives viennent de Pologne, du 
Maghreb, d’Espagne, d’Allemagne, de Salonique ou du Yémen. Dans le monde
 chrétien, les Juifs ont vécu massacres, expulsions, discriminations, 
enfermement. Avec le début de l’émancipation des Juifs en Europe à la 
fin du XVIIIe siècle, l’antijudaïsme chrétien s’est transformé en 
antisémitisme racial, les Juifs personnifiant pour tous les 
nationalistes l’obstacle à leurs rêves fous de nations ethniquement 
pures. Les références des Juifs à la Palestine sont purement 
symboliques. D’ailleurs, quand l’Empire ottoman a ouvert ses portes aux 
Juifs espagnols, très peu sont allés en Palestine.
À la fin du XIXe siècle, la moitié des Juifs vivent dans un seul 
pays : l’Empire russe. Prolétarisés, beaucoup ont abandonné la religion 
et adhéré à diverses idéologies socialistes dont celle du Bund. C’est dans ce contexte que naît le sionisme.
Une théorie de la séparation et un effaceur d’identité. Parodiant
 les nationalismes européens qui vont mener à la boucherie de 1914 ou au
 nazisme, les sionistes considèrent que l’antisémitisme est inéluctable 
et renoncent a priori à tout combat pour l’émancipation ou l’égalité des
 droits. Le sionisme postule l’impossibilité du mélange, clame que les 
Juives et les Juifs ne peuvent vivre qu’entre eux, que la diaspora n’est
 qu’une parenthèse. Il ne combatte pas l’antisémitisme, il l’utilise 
pour convaincre les Juifs de partir. Lord Balfour qui a voulu en 
Palestine un « foyer national juif » était un antisémite. Son but était à
 la fois d’implanter un morceau d’Occident au Proche-Orient et de se 
débarrasser de ses Juifs.
Le sionisme repose sur toute une série de mensonges fondateurs : « une
 terre sans peuple pour un peuple sans terre » ; « En 1948, les Arabes 
sont partis d’eux-mêmes » ; « du désert, nous avons fait un jardin »…
Pour créer l’Israélien nouveau, il a fallu tuer la figure du Juif 
cosmopolite, universaliste, engagée dans la société et dans les luttes 
et le remplacer par un nationaliste militariste, chauvin et imbu de sa 
supériorité. Il a fallu effacer les langues, les traditions et les 
cultures juives. Il a fallu inventer une solution territorialiste, 
reposant sur un processus de conquête coloniale, de négation, de 
marginalisation et d’expulsion de l’indigène. Le courant dit 
révisionniste du sionisme qui naît vers 1930 avec Jabotinsky  a imposé ses idées aujourd’hui : le « transfert » de tous les Palestiniens au-delà du Jourdain.
En fait, le sionisme a gommé les différences idéologiques. Toutes 
les institutions qu’il a créées, y compris le syndicat Histadrouth n’ont
 eu qu’un seul but : créer et renforcer un État pour les Juifs excluant 
les autochtones.
Retour au crime fondateurL’ouverture des archives a établi 
avec certitude ce que les Palestiniennes et les Palestiniens ont 
toujours dit : l’expulsion de 800 000 personnes en 1948 était délibérée 
et il n’y aura pas de solution à cette guerre sans réparation de ce 
crime fondateur. La confiscation des terres, les villages rasés dont les
 traces ont été effacées et le refus du retour des expulsés étaient 
prémédités. Le remplacement des Palestiniens par les Juifs venus du 
monde arabo-musulman a été organisé. Le sionisme a construit un État 
ethnique où les non-Juifs sont des sous-citoyens. Il a fait de cet État 
une tête de pont de l’Occident. La conquête de 1967 n’est pas 
accidentelle, c’est la gauche sioniste qui a décidé la colonisation et 
qui a aidé à la création du courant national-religieux pour la réaliser.
 La colonisation est devenue le centre de la politique israélienne et 
500 000 Israéliennes et Israéliens habitent aujourd’hui les territoires 
conquis en 1967.
Le sionisme ne s’est pas achevé avec la création d’Israël. Ce qui 
est à l’œuvre aujourd’hui, c’est « l’achèvement de la guerre de 1948 », 
la tentative de faire en sorte que les Palestiniens, comme les 
Aborigènes d’Australie, ne puissent plus jamais revendiquer leurs 
droits.
Ce qui rend le crime possible, c’est un travail idéologique en 
profondeur, la destruction des identités juives, le complexe de Massada 
qui persuade les Israéliens que les Palestiniens poursuivent l’œuvre des
 nazis et que les seules victimes, ce sont les Juifs. C’est une 
exploitation organisée de la mémoire du génocide alors que la résistance
 juive au nazisme n’était en général pas sioniste. C’est la certitude 
entretenue qu’« il n’y a pas de partenaire pour la paix » et que tout 
compromis signifie « les Juifs à la mer ».
Le sionisme est à la fois criminel pour les Palestiniens et 
suicidaire pour les Israéliens. Sans rupture avec le sionisme ou passage
 à un postsionisme, il n’y aura pas de paix.
Pierre Stambul 
Pierre Stambul est militant de l’Union juive française pour la paix et Ami d’AL