dimanche 27 avril 2014

Que prévoit l’accord de réconciliation palestinienne ?

Le Monde​.fr, Hélène Sallon, samedi 26 avril 2014
Le Hamas et l’Organisation de libé­ration de la Palestine (OLP) ont conclu, dans la nuit du mardi 22 au mer­credi 23 avril, un accord de récon­ci­liation. Cet accord vise à mettre fin à la division poli­tique et à la par­tition de fait entre la bande de Gaza et la Cis­jor­danie. Depuis la prise de pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza en 2007, l’Autorité pales­ti­nienne n’exerce plus son autorité que sur la Cisjordanie.
Le Hamas et le Fatah, prin­cipal parti de l’OLP, ont déjà signé des accords au Caire (en mai 2011) et à Doha (en février 2012, réaf­firmé au Caire en mai 2012). Faute d’entente sur les moda­lités d’application de ces accords, les échéances fixées ont été constamment repoussées. De nom­breuses dif­fi­cultés ne man­queront pas de jalonner la mise en œuvre de ce nouvel accord. S’il fixe un cadre et un calen­drier pour la tenue d’élections, il ne dresse aucune ligne direc­trice concernant les prin­cipaux points de désaccord : l’unification des ser­vices de sécurité pales­ti­niens ; la structure des nou­velles ins­ti­tu­tions natio­nales ; et la position qui sera adoptée vis-​​à-​​vis d’Israël, le Hamas ne recon­naissant pas son existence.
L’OLP, créée en 1964, est com­posée de plu­sieurs orga­ni­sa­tions, dont le Fatah, le Front popu­laire de libé­ration de la Palestine (FPLP) et le Front démo­cra­tique pour la libé­ration de la Palestine (FDLP). Le Hamas et le Djihad isla­mique n’en font pas partie. Reconnue inter­na­tio­na­lement comme seul repré­sentant du peuple pales­tinien, l’OLP est chargée des négo­cia­tions de paix avec Israël et occupe le siège de la Palestine aux Nations unies. L’OLP a amendé en 1996 sa charte pour sup­primer les réfé­rences à la des­truction d’Israël.
L’Autorité inté­ri­maire d’autonomie (ou Autorité pales­ti­nienne) est l’entité gou­ver­ne­mentale créée dans le cadre des accords d’Oslo de 1993 signés par Israël et l’OLP, qui admi­nistre les habi­tants pales­ti­niens dans les zones A et B de Cis­jor­danie et dans la bande de Gaza. En 2005, Mahmoud Abbas, le secré­taire général du Fatah, a succédé à Yasser Arafat (19962004) à la pré­si­dence de l’Autorité.
LE CADRE DE LA RÉCONCILIATION
L’accord signé à Gaza entre l’OLP et le Hamas com­porte sept points, dont les prin­cipaux sont :
La formation d’un gouvernement d’union
Les deux parties s’engagent à constituer un gou­ver­nement de « consensus national » d’ici à cinq semaines. Un premier pas a été franchi en ce sens, ven­dredi 25 avril, avec la démission du premier ministre pales­tinien Rami Ham­dallah. Ce gou­ver­nement sera composé de per­son­na­lités indé­pen­dantes. Selon l’agence de presse pales­ti­nienne Ma’an News, il pourrait être dirigé soit par le pré­sident Abbas lui-​​même, soit par un membre du Hamas, à l’instar du vice-​​premier ministre du gou­ver­nement d’union nationale de 2006, Nasser Al-​​Din Al-​​Chaer.
La pré­sence de membres du Hamas au sein du gou­ver­nement pourrait avoir des consé­quences sur le ver­sement de l’aide inter­na­tionale à l’Autorité pales­ti­nienne. Le Hamas est en effet considéré comme une « orga­ni­sation ter­ro­riste », non seulement par Israël, mais aussi par les Etats-​​Unis et l’Union européenne.

Une délé­gation de l’OLP a conclu mer­credi 23 avril à Gaza avec le Hamas un accord de réconciliation.
Des élections après six mois
Sitôt intronisé, le nouveau gou­ver­nement pales­tinien aura pour mission de pré­parer des élec­tions légis­la­tives et pré­si­den­tielle, qui doivent avoir lieu six mois après que le Conseil légis­latif pales­tinien (CLP, le Par­lement) aura voté la confiance à ce cabinet. Les der­nières légis­la­tives dans les Ter­ri­toires pales­ti­niens, rem­portées par le Hamas, avaient eu lieu en 2006, et la pré­si­den­tielle a été gagnée par M. Abbas en 2005.
La restructuration de l’OLP
Aux termes de cet accord, il est convenu de convoquer le Conseil national pales­tinien (CNP), l’instance légis­lative de l’OLP, dans un délai de cinq semaines et d’organiser des réunions régu­lières pour tra­vailler à la réac­ti­vation et au déve­lop­pement de l’OLP. Le CNP, considéré comme le « Par­lement en exil » des Pales­ti­niens, est chargé de définir la ligne poli­tique de l’OLP et d’en élire le comité exé­cutif. La question de l’adhésion du Hamas à l’OLP, afin de lui donner une repré­sen­ta­tivité et une légi­timité élargies, est au cœur du pro­cessus de restructuration.
L’accord prévoit éga­lement que le pré­sident Abbas convoque par décret des élec­tions au CNP. A la question de la par­ti­ci­pation du Hamas à ce scrutin s’ajoute celle de son orga­ni­sation. Le pro­blème se pose notamment pour les Pales­ti­niens réfugiés en Syrie, actuel­lement en guerre.
Libération de prisonniers
L’accord prévoit que les deux mou­ve­ments libèrent leurs pri­son­niers poli­tiques res­pectifs. A la suite du conflit qui a éclaté en 2007 entre le Hamas et le Fatah, chacun des deux mou­ve­ments a procédé à l’arrestation d’adversaires poli­tiques sur le ter­ri­toire qu’il contrôlait. L’accord prévoit que la com­mission des libertés, créée par l’accord du Caire de 2011, détermine le nombre de pri­son­niers devant être libérés dans les deux camps.
Des commissions de réconciliation
L’accord prévoit la réac­ti­vation des ins­tances de récon­ci­liation, créées dans le cadre de l’accord du Caire de 2011, à l’instar de la com­mission de récon­ci­liation sociale et de la com­mission des libertés publiques.
LES DÉFIS DE LA RÉCONCILIATION

Azzam Al-​​Ahmad, repré­sentant du Fatah, Ismaël Haniyeh, premier ministre de la bande de Gaza, et Moussa Abou Marzouk, numéro 2 du Hamas, annoncent à Gaza, le 23 avril, leur récon­ci­liation politique.
Outre la question de l’adhésion du Hamas à l’OLP, sur laquelle le mou­vement isla­miste ne s’est pas for­mel­lement pro­noncé lors de la signature de l’accord du 23 avril, d’autres ques­tions restent en suspens.
L’unification des services de sécurité palestiniens
Depuis 2007, le Hamas assure seul la sécurité dans la bande de Gaza et à ses fron­tières, tandis que les forces de sécurité de l’Autorité pales­ti­nienne prennent en charge cette fonction dans les zones A de Cis­jor­danie ainsi que dans les zones B, conjoin­tement avec Israël. L’accord du Caire de 2011 pré­voyait la création d’une com­mission suprême de sécurité, com­posée d’officiers pro­fes­sionnels, chargée de définir, par consensus, les moda­lités d’unification des ser­vices de sécurité. L’accord actuel n’aborde pas cette question, bien qu’il soit fait mention des accords de récon­ci­liation précédents.
Comme le note l’historien Jean-​​François Legrain, restent donc en suspens les ques­tions sécu­ri­taires, pourtant essen­tielles : « Y aura-​​t-​​il fusion des ser­vices de sécurité du Hamas avec ceux de Cis­jor­danie ? La garde pré­si­den­tielle de Mahmoud Abbas sera-​​t-​​elle auto­risée à se déployer le long de la fron­tière entre la bande de Gaza et l’Egypte ? »
Le rap­pro­chement des ser­vices de sécurité pales­ti­niens est vu d’un mauvais œil par Israël. Des sources sécu­ri­taires israé­liennes, citées par le quo­tidien Maariv, pré­disent que les forces de sécurité israé­liennes ne pourront plus compter sur leurs homo­logues pales­ti­niennes – et donc sur la coopé­ration sécu­ri­taire qui a été ins­taurée entre Israël et l’Autorité pales­ti­nienne – et agiront désormais seules en cas de « nécessité d’élimination ciblée » à Gaza ou en cas de « menace ter­ro­riste » en Cisjordanie.
Le Djihad islamique absent de l’accord
Le Djihad isla­mique, « une force plus popu­laire que jamais dans la bande de Gaza, et qui béné­ficie d’une partie de l’aide du Hez­bollah et de l’Iran », est le grand absent parmi les signa­taires, pointe éga­lement l’historien Jean-​​François Legrain. Le mou­vement a pourtant été partie pre­nante de pré­cé­dents accords spé­ci­fiques, à l’instar de l’accord de cessez-​​le-​​feu signé en 2011 entre Israël et le Hamas, encore en vigueur actuellement.
Réconciliation et négociations de paix
La question pri­mor­diale que pose l’accord de récon­ci­liation, et qui a été le prin­cipal point d’achoppement de ce pro­cessus jusqu’à présent, concerne la position vis-​​à-​​vis d’Israël. Les négo­cia­tions de paix avec Israël sont au cœur de la poli­tique de l’OLP ainsi que de la pré­si­dence Abbas. Ces der­niers ont engagé il y a neuf mois, sous égide amé­ri­caine, un nouveau cycle de négo­cia­tions avec Israël, dont l’échéance était fixée au 29 avril. Le Hamas, qui ne reconnaît pas l’existence d’Israël, rejette ce pro­cessus et continue à pro­mouvoir la lutte armée.
Israël exclut pour sa part toute négo­ciation avec le Hamas, qu’il considère comme un « groupe ter­ro­riste ». La signature de l’accord de récon­ci­liation, le 23 avril, a ainsi acté pour le premier ministre israélien, Benyamin Néta­nyahou, la fin des négo­cia­tions. Ce dernier a appelé Mahmoud Abbas à choisir entre la paix et le Hamas.
Le pré­sident pales­tinien a rétorqué qu’« il n’existe aucune incom­pa­ti­bilité entre la récon­ci­liation et les négo­cia­tions. » Djibril Rajoub, un diri­geant du Fatah, a de son côté assuré que « le pro­chain gou­ver­nement de consensus national pro­clamera de façon claire et nette qu’il accepte les condi­tions du Quar­tette [pour le Proche-​​Orient, à savoir les Etats-​​Unis, la Russie, L’Union euro­péenne et les Nations unies] ». Ce dernier exige du Hamas qu’il recon­naisse Israël ainsi que les accords déjà conclus entre cet Etat et l’OLP, et renonce à la vio­lence. L’ONU dit avoir reçu l’assurance du pré­sident Abbas que l’accord inter­pa­les­tinien se fera sur la base de ces enga­ge­ments. La direction du Hamas ne s’est pas offi­ciel­lement exprimée sur ce point.