Le Monde.fr, Hélène Sallon, samedi 26 avril 2014
Le Hamas et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont conclu, dans la nuit du mardi 22 au mercredi 23
avril, un accord de réconciliation. Cet accord vise à mettre fin à la
division politique et à la partition de fait entre la bande de Gaza
et la Cisjordanie. Depuis la prise de pouvoir du Hamas dans la bande
de Gaza en 2007, l’Autorité palestinienne n’exerce plus son autorité que sur la Cisjordanie.
Le Hamas et le Fatah, principal parti de l’OLP, ont déjà signé des accords au Caire (en mai 2011) et à Doha (en février 2012, réaffirmé au Caire en mai 2012).
Faute d’entente sur les modalités d’application de ces accords, les
échéances fixées ont été constamment repoussées. De nombreuses
difficultés ne manqueront pas de jalonner la mise en œuvre de ce
nouvel accord. S’il fixe un cadre et un calendrier pour la tenue
d’élections, il ne dresse aucune ligne directrice concernant les
principaux points de désaccord : l’unification des services de
sécurité palestiniens ; la structure des nouvelles institutions
nationales ; et la position qui sera adoptée vis-à-vis d’Israël, le
Hamas ne reconnaissant pas son existence.
L’OLP, créée en 1964, est composée de plusieurs organisations, dont le Fatah, le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et le Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP).
Le Hamas et le Djihad islamique n’en font pas partie. Reconnue
internationalement comme seul représentant du peuple palestinien,
l’OLP est chargée des négociations de paix avec Israël et occupe le siège de la Palestine aux Nations unies. L’OLP a amendé en 1996 sa charte pour supprimer les références à la destruction d’Israël.
L’Autorité intérimaire d’autonomie (ou Autorité
palestinienne) est l’entité gouvernementale créée dans le cadre des
accords d’Oslo de 1993 signés par Israël et l’OLP, qui administre les habitants palestiniens dans les zones A et B de Cisjordanie et dans la bande de Gaza. En 2005, Mahmoud Abbas, le secrétaire général du Fatah, a succédé à Yasser Arafat (1996−2004) à la présidence de l’Autorité.
LE CADRE DE LA RÉCONCILIATION
L’accord signé à Gaza entre l’OLP et le Hamas comporte sept points, dont les principaux sont :
La formation d’un gouvernement d’union
Les deux parties s’engagent à constituer un gouvernement de
« consensus national » d’ici à cinq semaines. Un premier pas a été
franchi en ce sens, vendredi 25 avril,
avec la démission du premier ministre palestinien Rami Hamdallah. Ce
gouvernement sera composé de personnalités indépendantes. Selon
l’agence de presse palestinienne Ma’an News, il pourrait être dirigé
soit par le président Abbas lui-même, soit par un membre du Hamas,
à l’instar du vice-premier ministre du gouvernement d’union
nationale de 2006, Nasser Al-Din Al-Chaer.
La présence de membres du Hamas au sein du gouvernement pourrait
avoir des conséquences sur le versement de l’aide internationale
à l’Autorité palestinienne. Le Hamas est en effet considéré comme une
« organisation terroriste », non seulement par Israël, mais aussi
par les Etats-Unis et l’Union européenne.
Une délégation de l’OLP a conclu mercredi 23 avril à Gaza avec le Hamas un accord de réconciliation.
Des élections après six mois
Sitôt intronisé, le nouveau gouvernement palestinien aura pour
mission de préparer des élections législatives et présidentielle,
qui doivent avoir lieu six mois après que le Conseil législatif
palestinien (CLP, le Parlement) aura voté la
confiance à ce cabinet. Les dernières législatives dans les
Territoires palestiniens, remportées par le Hamas, avaient eu lieu
en 2006, et la présidentielle a été gagnée par M. Abbas en 2005.
La restructuration de l’OLP
Aux termes de cet accord, il est convenu de convoquer le Conseil national palestinien (CNP), l’instance législative de l’OLP,
dans un délai de cinq semaines et d’organiser des réunions régulières
pour travailler à la réactivation et au développement de l’OLP. Le CNP, considéré comme le « Parlement en exil » des Palestiniens, est chargé de définir la ligne politique de l’OLP et d’en élire le comité exécutif. La question de l’adhésion du Hamas à l’OLP, afin de lui donner une représentativité et une légitimité élargies, est au cœur du processus de restructuration.
L’accord prévoit également que le président Abbas convoque par décret des élections au CNP.
A la question de la participation du Hamas à ce scrutin s’ajoute
celle de son organisation. Le problème se pose notamment pour les
Palestiniens réfugiés en Syrie, actuellement en guerre.
Libération de prisonniers
L’accord prévoit que les deux mouvements libèrent leurs
prisonniers politiques respectifs. A la suite du conflit qui
a éclaté en 2007 entre le Hamas et le
Fatah, chacun des deux mouvements a procédé à l’arrestation
d’adversaires politiques sur le territoire qu’il contrôlait. L’accord
prévoit que la commission des libertés, créée par l’accord du Caire de
2011, détermine le nombre de prisonniers devant être libérés dans les deux camps.
Des commissions de réconciliation
L’accord prévoit la réactivation des instances de réconciliation, créées dans le cadre de l’accord du Caire de 2011, à l’instar de la commission de réconciliation sociale et de la commission des libertés publiques.
LES DÉFIS DE LA RÉCONCILIATION
Azzam Al-Ahmad, représentant du Fatah, Ismaël Haniyeh, premier ministre de la bande de Gaza, et Moussa Abou Marzouk, numéro 2 du Hamas, annoncent à Gaza, le 23 avril, leur réconciliation politique.
Outre la question de l’adhésion du Hamas à l’OLP, sur laquelle le mouvement islamiste ne s’est pas formellement prononcé lors de la signature de l’accord du 23 avril, d’autres questions restent en suspens.
L’unification des services de sécurité palestiniens
Depuis 2007, le Hamas assure seul la
sécurité dans la bande de Gaza et à ses frontières, tandis que les
forces de sécurité de l’Autorité palestinienne prennent en charge
cette fonction dans les zones A de Cisjordanie ainsi que dans les
zones B, conjointement avec Israël. L’accord du Caire de 2011
prévoyait la création d’une commission suprême de sécurité, composée
d’officiers professionnels, chargée de définir, par consensus, les
modalités d’unification des services de sécurité. L’accord actuel
n’aborde pas cette question, bien qu’il soit fait mention des accords de
réconciliation précédents.
Comme le note l’historien Jean-François Legrain, restent donc en
suspens les questions sécuritaires, pourtant essentielles :
« Y aura-t-il fusion des services de sécurité du Hamas avec ceux de
Cisjordanie ? La garde présidentielle de Mahmoud Abbas
sera-t-elle autorisée à se déployer le long de la frontière entre
la bande de Gaza et l’Egypte ? »
Le rapprochement des services de sécurité palestiniens est vu
d’un mauvais œil par Israël. Des sources sécuritaires israéliennes,
citées par le quotidien Maariv, prédisent que les forces de sécurité
israéliennes ne pourront plus compter sur leurs homologues
palestiniennes – et donc sur la coopération sécuritaire qui a été
instaurée entre Israël et l’Autorité palestinienne – et agiront
désormais seules en cas de « nécessité d’élimination ciblée » à Gaza ou
en cas de « menace terroriste » en Cisjordanie.
Le Djihad islamique absent de l’accord
Le Djihad islamique, « une force plus populaire que jamais dans la
bande de Gaza, et qui bénéficie d’une partie de l’aide du Hezbollah et
de l’Iran », est le grand absent parmi les signataires, pointe
également l’historien Jean-François Legrain. Le mouvement a pourtant
été partie prenante de précédents accords spécifiques, à l’instar
de l’accord de cessez-le-feu signé en 2011 entre Israël et le Hamas, encore en vigueur actuellement.
Réconciliation et négociations de paix
La question primordiale que pose l’accord de réconciliation, et
qui a été le principal point d’achoppement de ce processus jusqu’à
présent, concerne la position vis-à-vis d’Israël. Les négociations
de paix avec Israël sont au cœur de la politique de l’OLP
ainsi que de la présidence Abbas. Ces derniers ont engagé il y a
neuf mois, sous égide américaine, un nouveau cycle de négociations
avec Israël, dont l’échéance était fixée au 29 avril. Le Hamas, qui ne reconnaît pas l’existence d’Israël, rejette ce processus et continue à promouvoir la lutte armée.
Israël exclut pour sa part toute négociation avec le Hamas, qu’il
considère comme un « groupe terroriste ». La signature de l’accord de
réconciliation, le 23 avril, a ainsi acté
pour le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, la fin des
négociations. Ce dernier a appelé Mahmoud Abbas à choisir entre la
paix et le Hamas.
Le président palestinien a rétorqué qu’« il n’existe aucune
incompatibilité entre la réconciliation et les négociations. »
Djibril Rajoub, un dirigeant du Fatah, a de son côté assuré que « le
prochain gouvernement de consensus national proclamera de façon
claire et nette qu’il accepte les conditions du Quartette [pour le
Proche-Orient, à savoir les Etats-Unis, la Russie, L’Union
européenne et les Nations unies] ». Ce dernier exige du Hamas qu’il
reconnaisse Israël ainsi que les accords déjà conclus entre cet Etat et
l’OLP, et renonce à la violence. L’ONU
dit avoir reçu l’assurance du président Abbas que l’accord
interpalestinien se fera sur la base de ces engagements. La
direction du Hamas ne s’est pas officiellement exprimée sur ce point.