Ramzy Baroud
Ces temps-ci, a dit le Vice-Ministre des Affaires 
Etrangères, Ze’ev Elkin, en ricanant, la Cisjordanie est « l’endroit le 
plus stable du Moyen-Orient », assertion ahurissante et exaspérante pour
 bien des Palestiniens.
La police de l’A.P. se coordonne avec la police des frontières israélienne pour contrôler l’accès des Palestiniens au poste de contrôle de Bethléem (ActiveStills.org)
Le Vice-Ministre des Affaires Etrangères, Ze’ev Elkin, est membre du 
parti Likoud de Benjamin Netanyahou et de son cabinet à majorité de 
droite. Dans une interview récente accordée à The Economist, 
Elkin, sur le ton prétentieux qui lui est familier, s’est montré 
oublieux de notions comme le droit international ou les droits de 
l’homme,  en réaffirmant son rejet d’un état palestinien.
Elkin veut plutôt qu’Israël annexe un morceau de la Cisjordanie. Rien
 de neuf ici, car ce genre de langage fait partie à présent du discours 
israélien officiel. Mais une de ses assertions sortait du lot, 
ahurissante et exaspérante pour bien des Palestiniens.
Ces temps-ci, a dit Elkin en ricanant, la Cisjordanie est « l’endroit le plus stable du Moyen-Orient ».
L’étonnement pourrait venir du fait que la Cisjordanie est une 
territoire palestinien occupé. Sa population est menée à la pointe du 
fusil, elle n’a aucune liberté et n’a aucun droit. Ses terres sont 
saisies de force pour donner davantage d’espace aux colonies et aux 
colons juifs illégaux, dont le nombre dépasse à présent le demi-million.
Inutile de le dire, la Cisjordanie ne saurait être stable
En revanche, les Palestiniens devraient mener leur propre révolution 
jusqu’à ce qu’ils obtiennent l’intégralité de leurs droits et de leur 
liberté. Ceci n’est pas un appel à la violence mais une inclination 
humaine naturelle. Pourtant les Palestiniens ne se rebellent pas. 
Beaucoup de facteurs les retiennent, dont l’un est l’Autorité 
Palestinienne elle-même, à Ramallah.
Ses forces sont en « coordination sécuritaire » constante avec 
Israël. Ses « troupes d’élite » sont entraînées par des généraux 
étatsuniens et des armées arabes. La mission de l’AP n’est pas de 
libérer la Palestine mais d’assurer l’asservissement des Palestiniens 
pendant qu’Israël continue à s’occuper du projet colonial qu’il déploie 
depuis des décennies.
Le vice ministre Elkin sait tout cela. Netanyahou lui-même, de même 
que  chaque fonctionnaire israélien, comprend que l’AP, en dépit des 
tentatives occasionnelles de Mahmoud Abbas pour apparaître méfiant et 
rebelle, n’est pas une menace pour Israël et ne le sera jamais. Il en 
sera ainsi même si la date-butoir du 29 avril imposée par les Etats-Unis
  pour un accord-cadre entre le gouvernement israélien et l’AP est 
dépassée et même si Abbas osait signer les demandes d’adhésion à une 
quinzaine d’organisations internationales. Abbas et ses hommes 
comprennent qu’il y a des lignes rouges qu’il ne peuvent franchir sous 
aucun prétexte.
Abbas est peut-être faible mais il est intelligent. Il savait que les
 efforts de paix de Kerry n’aboutiraient pas et que le Premier Ministre 
Benjamin Netanyahou trouverait le moyen de faire capoter le processus. 
Si Abbas avait un peu de chance, Kerry pourrait même blâmer Israël pour 
avoir fait dérailler le processus de paix, comme il l’a déjà fait. Alors
 Abbas ferait ce que d’aucuns trouveraient raisonnable : rechercher 
d’autres reconnaissances internationales pour l’État de Palestine.
Cela pourrait frustrer quelque peu les Américains, irriter beaucoup 
les Israéliens, mais cela donnerait à ses partisans une raison de 
promouvoir le dirigeant âgé de 79 ans comme un nouvel Arafat, héroïque 
et méfiant  jusqu’au bout.
Les Israéliens ont encore besoin d’Abbas. Il est important pour 
maintenir la « stabilité » en Cisjordanie. Cela signifie la poursuite de
 la coordination sécuritaire qui assure la sûreté des colons armés, et 
procure une protection supplémentaire aux soldats israéliens quand ils 
tuent à volonté, confisquent encore davantage de terres, démolissent 
arbres et maisons, dressent des murs, creusent des tranchées et 
nivellent les collines.
Alors, peu importe si un état imaginaire existait sur papier dans les
 dossiers de quelque corps international à Genève ou à Bruxelles. Pour 
Israël, le droit, la loi, ce sont ses militaires qui les font, et la 
réalité, c’est ce qui se passe dans la Zone C, pas dans une quelconque 
capitale européenne.
Voilà pourquoi Elkin ricane. Il est à l’aise, tout comme l’élite 
politique israélienne. Depuis la signature des Accords d’Oslo en 1993, 
un accord est conclu entre Israël et et ce qui est devenu une classe 
politique palestinienne prédatrice, contrôlant tout et corrompue. Israël
 a maintenu son occupation militaire, a poursuivi son projet colonial et
 a continué à défigurer les territoires occupés de toutes les façons 
qu’il estimait nécessaires à ses besoins de « sécurité ». Les élites 
palestiniennes se sont vu garantir des privilèges économiques et des 
accréditations qui sont refusés à la grande majorité des Palestiniens.
Pour l’AP, le défi permanent est de maintenir un certain niveau de légitimité
 Bien sûr, elle se sert de son monopole de la force, qui est 
facilement sanctionné par Israël, pour arrêter, torturer et tuer des 
résistants palestiniens s’il le faut. Elle utilise la logique de la 
théorie économique du ruissellement pour maintenir les Palestiniens dans
 leur ensemble otages de son pain quotidien.
Mais cela ne suffit pas. Il lui faut brandir l’oriflamme de héraut 
exclusif de la liberté des Palestiniens. Elle se sert de slogans, de 
drapeaux et de keffiehs pour promouvoir cette marque via le contrôle 
qu’elle exerce sur les médias. Beaucoup de partisans de l’AP chantent ce
 refrain et jurent qu’Abbas, Abbas seul, est capable d’extorquer la 
libération tant convoitée de la Palestine des mains obstinées du Premier
 Ministre israélien.
Les fonctionnaires palestiniens font savamment gonfler l’image de 
marque d’Abbas pour être sûrs que les Palestiniens ne remettront pas en 
question la sagesse de leur leader vieillissant, après l’échec récent et
 prévisible du processus de paix, qui d’ailleurs n’a jamais réellement 
été censé réussir.
Un fonctionnaire palestinien a parlé du refus d’Abbas de tenir compte
 d’un appel du Secrétaire d’État US John Kerry lui demandant d’arrêter 
les demandes d’adhésion aux traités internationaux. Il a prétendu que 
Kerry a mis en garde Abbas contre une « forte réponse (israélienne) » à 
l’action palestinienne. Abbas aurait répliqué « Les menaces d’Israël ne 
font peur à personne. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent ».
Ces paroles ont été répétées dans les médias palestiniens. L’image 
d’Abbas a été amplifiée une fois de plus. Il n’y a aucun espace pour 
ceux qui mettent en cause la crédibilité, la légitimité ou les méthodes 
foireuses de cet homme. De plus en plus d’affiches du vieil homme sont 
placardées dans les villes palestiniennes occupées. Ses dernières 
bouffonneries aideront à perpétuer le mythe que l’AP est une plateforme 
pour la résistance, pas pour la capitulation.
Aussi longtemps que la Cisjordanie est « stable », et aussi longtemps
 qu’Abbas et ceux qui le suivent continueront de vendre les vieilles 
illusions palestiniennes de révolutions qui n’ont jamais eu lieu, et de 
héros qui n’existent que sur les affiches colorées dans les rues de 
Ramallah … Elkin continuera de ricaner.
Et aussi longtemps que la Cisjordanie est « stable », les 
Palestiniens n’obtiendront pas leur liberté, car la soumission ne permet
 pas de conquérir des droits : seule la résistance le peut.
* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr
http://www.palestinechronicle.com/w...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM