René Backmann
Comme
 prévu, le Comité des admissions du Conseil de sécurité de l’ONU, chargé
 d’instruire la candidature de la Palestine, a adopté hier, vendredi, un
 rapport dans lequel il se déclare « incapable d’émettre une 
recommandation unanime au Conseil de sécurité ».
En clair, les Palestiniens ne
 disposent pas des 9 voix (sur 15) qui auraient permis au Comité de 
formuler une recommandation favorable pour l’adoption d’une Résolution 
sur l’admission de la Palestine. Comme on le sait, même dans cette 
hypothèse, la Palestine n’aurait pas été admise, les Etats-Unis ayant 
prévenu qu’ils étaient résolus à opposer leur veto à cette décision.
Il revient désormais aux Palestiniens de décider s’ils 
souhaitent aller jusqu’au vote, ce qui obligerait les 15 membres du 
Conseil à rendre public leur choix, mais donnerait un caractère plus 
visible à leur échec. Ou si, en attendant une nouvelle tentative au 
Conseil de sécurité, ils vont demander, comme le leur suggère Paris, un 
vote à l’Assemblée générale pour obtenir  le statut d’Etat-non membre, 
semblable à celui du Vatican.
Ce scrutin, où aucun veto n’est possible, ne leur 
réserverait aucune – mauvaise – surprise : près de 140 Etats sur 194 ont
 déjà fait connaître leur intention de voter en faveur de l’octroi de ce
 statut à la Palestine. Selon Nimr Hammad, conseiller politique du 
président palestinien Mahmoud Abbas, cette hypothèse est actuellement 
l’objet de discussions au sein de la direction palestinienne qui a 
décidé de consulter sur ce point la Ligue arabe. Une rencontre entre 
Mahmoud Abbas et des représentants de la Ligue arabe est prévue 
mercredi.
Le Conseil de sécurité coupé en deux
« Après notre admission à l’UNESCO, le 31 octobre, nous 
existons désormais dans le système de l’ONU, constate de son côté le 
représentant de la Palestine à l’ONU, Riyad Mansour. Nous allons décider
 très rapidement quelle sera notre nouvelle initiative au sein des 
Nations Unies. » L’obtention du statut d’Etat-non membre donnerait aux 
Palestiniens la possibilité d’adhérer à toutes les organisations et 
agences des Nations Unies comme, par exemple, la Cour internationale de 
Justice, ce qui ne manque pas d’inquiéter Israël.
Conformément à l’usage, les votes exprimés sur le 
rapport de la Commission des admissions n’ont pas été rendus publics. En
 recoupant les confidences de diplomates impliqués dans le dossier, on 
peut cependant constater que le Conseil de sécurité s’est coupé en deux 
sur le sujet. La Russie, la Chine, le Liban, le Brésil, l’Inde et 
l’Afrique du Sud ont voté en faveur de l’admission de la Palestine. Les 
votes du Gabon, du Nigeria et de la Bosnie-Herzégovine sont discutés. 
Les deux premiers pourraient avoir soutenu la Palestine tandis que la 
dernière se serait abstenue, comme la France et le Royaume-Uni, qui 
avaient officiellement annoncé leur décision. Se seraient également 
abstenus le Portugal et la Colombie. Le choix de l’Allemagne est plus 
difficile à établir : certains indiquent qu’elle aurait imité les 
Etats-Unis en votant non ; d’autres qu’elle aurait choisi l’abstention.
L’étrange, dans cette affaire, est que le texte du 
rapport est dans l’ensemble plutôt favorable à l’admission de la 
Palestine. Résultat de plus d’un mois de travaux, de deux réunions 
plénières - le 30 septembre et le 3 novembre - mais aussi de cinq 
réunions informelles – dont quatre tenues au niveau des experts –, ce 
document de trois pages, en 23 points, dont le Nouvel Observateur a 
obtenu une copie, rappelle les critères d’admission d’un Etat au sein de
 l’ONU, tels qu’ils sont définis à l’Article 4 de la Charte, et examine 
en détail la manière dont la Palestine répond à ces critères.
La Palestine peut-elle devenir un Etat ?
« Les experts, lit-on au point 3 du rapport, ont examiné
 si la Palestine remplit les conditions permettant de devenir un Etat, 
si elle est un Etat pacifique et si elle a la volonté et la capacité de 
remplir les obligations définies par la Charte. » Des « vues 
différentes », indique le rapport, ont été exprimées sur ce point. Mais 
« il a été affirmé que ce travail du Comité, quel qu’en soit le 
résultat, doit tenir compte du contexte politique général. Il a été 
rappelé  qu’une solution négociée demeure la seule option pour atteindre
 une paix durable et que le statut final doit être décidé par la 
négociation.
Un soutien a été affirmé à une solution à deux Etats 
basée sur les  frontières d’avant 1967, résultant de négociations 
politiques débouchant sur un Etat indépendant de Palestine avec 
Jérusalem-Est pour capitale.
Il a aussi été indiqué, avec une insistance 
particulière, que le fait de « garantir à la Palestine son droit à 
l’autodétermination et à la reconnaissance ne peut être vu comme 
contraire au droit inaliénable d’Israël à exister ». Les auteurs du 
rapport ont également noté que « la candidature de la Palestine n’était 
ni contradictoire avec le processus politique ni une alternative aux 
négociations. » « Des inquiétudes, ajoutent-ils, ont été soulevées à 
propos de la poursuite de l’activité israélienne de colonisation. Elle 
est illégale au regard du droit international et constitue un obstacle à
 une paix totale. »
Sur la question de savoir si la Palestine remplit les 
conditions requises pour devenir un Etat, le texte f      ait référence à
 la Conférence de Montevideo en 1933 sur les Droits et devoirs des 
Etats, selon laquelle une entité doit posséder, pour accéder à la 
personnalité juridique d’Etat, une population, un territoire défini, un 
gouvernement et la capacité à entrer en relations avec d’autres Etats.
Plus de 130 Etats ont reconnu la Palestine
La Palestine, selon le rapport du Comité d’admission, 
remplit clairement les deux premières conditions. Même si le Hamas 
exerce une « autorité de fait dans la bande de Gaza » et même si 
« l’occupation israélienne empêche le gouvernement palestinien d’exercer
 un contrôle complet sur l’ensemble de son territoire ».
Le Comité a également admis que la Palestine remplissait
 le critère lié à l’existence d’un gouvernement, même si le Hamas 
contrôle environ 40% de la population. « C’est l’OLP, note le document, 
et non le Hamas, qui est le représentant légitime du peuple 
palestinien ». Le Comité rappelle d’ailleurs que les rapports de la 
Banque Mondiale, du FMI, et du Comité de liaison pour la coordination de
 l’aide internationale aux Palestiniens ont conclu que les fonctions 
gouvernementales actuelles de la Palestine permettaient le 
fonctionnement d’un Etat.
Sur le dernier des quatre points définis par la 
conférence de Montevideo – l’aptitude à nouer des relations avec 
d’autres Etats –, il a été également indiqué que la Palestine répondait à
 ce critère. Le texte rappelle que la Palestine est membre du Mouvement 
des non-alignés, de l’Organisation de la Conférence islamique, de la 
Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie 
occidentale, du groupe des 77, et de l’UNESCO. Et que plus de 130 Etats 
l’ont reconnue comme un Etat indépendant et souverain. La question a été
 cependant soulevée de savoir si le fait pour l’Autorité palestinienne 
de nouer des relations avec d’autres Etats n’est pas contradictoire avec
 les Accords d’Oslo.
L’exemple …d’Israël
La Palestine est-elle pacifique ? La question a 
visiblement fait débat. L’opinion a été exprimée que la Palestine répond
 aussi à ce critère par « son engagement en faveur d’une résolution 
juste et durable du conflit israélo-palestinien ». Attitude confirmée 
par sa disposition à « reprendre les négociations sur tous les points du
 statut final, sur la base des termes de référence endossés par la 
communauté internationale, des résolutions des Nations Unies, des 
principes de Madrid, de l’initiative de paix arabe et de la Feuille de 
route du Quartette. »
Certains membres du comité ayant soulevé la question du 
Hamas, qui refuse de renoncer au terrorisme et conserve pour objectif la
 destruction d’Israël, d’autres ont avancé la position de la Cour 
internationale de Justice  sur la Namibie, en 1971, selon laquelle « les
 seuls actes qui peuvent être attribués à un Etat sont ceux accomplis 
par les autorités reconnues de cet Etat ».
Le point le plus paradoxal du rapport est abordé lorsque
 le Comité s’interroge sur l’aptitude – et la volonté – de la Palestine 
de respecter la charte des Nations Unies. Pour certains membres du 
Conseil, un engagement verbal ne suffit pas. Un candidat doit 
« démontrer son intention de résoudre pacifiquement les conflits et 
renoncer à la menace de la force dans la conduite des relations 
internationales, obligations que le Hamas n’a pas acceptées ».
A l’appui de leur thèse, les parties favorables à 
l’admission de la Palestine rappellent un précédent qui remonte à plus 
de 60 ans et concerne…Israël. A l’époque, indique le rapport, lorsque 
l’ONU avait examiné la candidature d’Israël, il avait été avancé que 
« l’engagement solennel d’Israël à remplir ses obligations telles que 
définies par la Charte était suffisant ».
Après avoir constaté que l’unanimité n’avait pas pu être
 obtenue à l’issue de ses travaux, le Comité suggère qu’à titre de 
« mesure intermédiaire » l’Assemblée générale adopte une résolution 
faisant de la Palestine un Etat-Observateur (non-membre). C’est ce à 
statut provisoire que les dirigeants palestiniens pourraient se résigner
 dans les jours prochains, avec l’aval de la Ligue arabe et 
l’approbation de plusieurs capitales, dont Paris. Comme le rappelle un 
diplomate palestinien, « Israël non plus n’a pas été admis à l’ONU à sa 
première candidature. Nous recommencerons autant de fois que 
nécessaire ».