samedi 15 octobre 2011

Enfants de Qalandiya : l’avenir déjà tracé de Sharif

samedi 15 octobre 2011 - 07h:30
Tamar Fleishman - PalestineChronicle
Une fois le mois de septembre achevé, emportant avec lui les attentes d’un « tsunami politique », et depuis que les pires scénarii ou les prophéties évoquant des milliers de personnes venues de toute la Cisjordanie et marchant vers le poste de contrôle de Qalandiya ont été contredites, l’endroit est redevenu un espace régi par la même routine monotone et la même atmosphère maussade et déprimante.
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harif n’ira plus à l’école - Photo : Tamar Fleishman
Les encombrements sur la route menant de et vers Ramallah ont été déviés du côté de la route et la circulation est redevenue libre (si les « bouchons » qui s’étendent sur des centaines de mètres sont une illustration de « la libre circulation »). Le ballon blanc transportant une caméra et qui, pendant un mois a volé dans le ciel, a disparu. Peut-être a-t-il été conservé quelque part. Une fois de plus, les ordures se sont amoncelées sur le bord de la route. Les enfants ramassent ce que les passants laissent tomber et l’air est à nouveau pollué par la poussière et par les gaz d’échappement, sans les picotements de l’odeur des grenades à gaz. Partout s’impose une atmosphère où planent en permanence le désespoir, la pauvreté et le chagrin, au niveau du poste de contrôle, du camp de réfugiés et des coins de rues. Des sentiments affligeants qui n’épargnent personne, visibles même sur les visages des enfants et des adultes...
Le point de contrôle de Qalandiya est un aimant qui attire tous les habitants misérables de la Cisjordanie. Là-bas, sur ce site où des milliers de personnes sont contraintes d’affluer chaque jour, ces pauvres gens espèrent trouver un moyen pour survivre, quelques shekels au quotidien ou, comme ils l’expliquent : la possibilité « d’emporter du pain à la maison ».
La plupart d’entre eux n’habitent pas à Qalandiya, mais viennent de villes et villages isolés, d’endroits très éloignés où ils ne peuvent y retourner, une fois la nuit tombée. Pour cela, ils louent des chambres sans confort ou un lit dans la maison d’un étranger dans le camp de réfugiés ou alors dans la plus proche localité d’Ar-ram.
En m’approchant d’eux, j’ai rencontré un de ces étrangers, le père de Sharif. D’une voix à la fois douce et triste, il nous raconte : « Comme nous sommes dix à la maison, et que je n’arrivais pas à subvenir à leurs besoins, j’ai dû obliger Sharif à quitter l’école pour qu’il m’apporte de l’aide. Ma fille ainée est universitaire et a besoin d’un ordinateur pour ses études, vous savez, cet outil est indispensable même dans les classes des plus jeunes. Comment voulez-vous que je fasse ? Peut-être que l’année prochaine, InchaAllah (si Dieu le Veut), j’enverrai Sharif à l’école. Mais il faut reconnaitre que d’année en année, la situation ne fait qu’empirer, la vie devient plus dure et nous manquons terriblement d’argent.
Tout est excessivement cher ici. Je pense que même en Israël, il existe une catégorie de gens malheureux, mais en Palestine, les citoyens endurent encore plus. La preuve, depuis la levée du jour et jusqu’à ce moment, Sharif et moi n’avons réussi à gagner que vingt shekels. Est-ce suffisant pour vivre ?’ »
Sharif est âgé de quinze ans, et la tristesse a déjà dessineé une ligne bien apparente sur son visage. La sincérité et la sensibilité crient fort à travers ses yeux. Quand il sourit, se sont les contours de son visage qui sourient.
Mais le garçon est conscient, comme l’est son père et comme nous le savons tous, qu’il ne retournera pas à l’école. En fait, interrompre la scolarité d’un enfant est un acte sur lequel on ne peut revenir. Aussi, faut-il le savoir, le terme « InchaAllah » est souvent utilisé pour dissimuler la réalité ; une expression usuelle répondant à des habitudes et à des références culturelles. Car la réalité nous démontre que l’avenir de Sharif et des adolescents de son âge est déjà tout tracé. Cette triste réalité ne lui laisse aucun choix, elle lui a imposé un chemin à travers lequel, il passera les années de son adolescence à connaitre, au détriment de son corps et âme, les dures lois de la survie et leur lourd tribut, jusqu’au jour où le devoir de servir et de subvenir aux besoins de sa famille aura finalement asservi et absorbé son corps et âme.
Quant au père, sa voix traduisait le chagrin et la douleur. C’est un homme bienveillant, un bon père qui se soucie du bien-être de ses enfants. Autrefois, il travaillait en Israël, il travaillait assez dur et réussissait à subvenir aux besoins de sa famille. Mais depuis l’installation des points de contrôle, sa route vers son gagne-pain quotidien a été bloquée et la pente est devenue plus glissante que jamais, jusqu’au jour où le crash final arriva, forçant ainsi le père de famille à tirer un trait sur la scolarité de son fils. Et ce fut un acte déterminant pour l’avenir de Sharif.
9 octobre 2010 - Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’anglais : Niha
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