Denis Sieffert
Tant  face à la crise économique que dans l’affaire de la flottille pour  Gaza, le Premier ministre grec donne une triste image de la gauche  européenne.
Déjà confronté à la crise  économique qui mine son pays, le Premier ministre grec, Georges  Papandréou, est aujourd’hui empêtré dans l’affaire de la flottille pour  Gaza. Son gouvernement vient d’interdire aux dix navires qui devaient  prendre la mer pour tenter de forcer le blocus israélien de quitter le  port grec. Seuls quatre navires étaient encore dans la course, lundi,  pour tenter de gagner les eaux internationales : un Espagnol, un  Canadien et deux Français, dont un, le Dignité, qui s’apprêtait à  appareiller pour la Crête.
Les membres de l’équipage du navire américain Audacity  of Hope, arraisonné vendredi par la marine grecque, ont entamé une grève  de la faim, dimanche, devant l’ambassade des États-Unis. D’autres  militants, rejoints par des passagers français, grecs et danois, ont  manifesté devant le Parlement d’Athènes aux cris de « Laissez-nous  partir ! Gaza, nous arrivons ! ». Avant l’interdiction officielle, un  navire suédois avait été la cible d’un sabotage, et l’administration  grecque avait multiplié les tracasseries administratives. Le  gouvernement a indiqué qu’il était « principalement préoccupé par la  protection de la vie humaine ». Le 30 mai 2010, une première flottille  avait été attaquée dans les eaux internationales par les commandos  israéliens. Neuf militants avaient été tués sur un navire turc.
Mais le raisonnement des dirigeants grecs est étrange.  Au lieu de soutenir une opération destinée à vaincre symboliquement le  blocus qui étouffe la population de Gaza depuis 2006, ils s’en prennent  aux militants pacifistes. Certains militants ont accusé dimanche  M. Papandréou d’avoir « vendu l’âme de la Grèce », celui-ci répondant  manifestement aux injonctions des autorités israéliennes.
Ce coup de main apporté par le gouvernement socialiste  grec au gouvernement israélien d’extrême droite donne une terrible image  de la social-démocratie européenne. Cette affaire intervient alors que  M. Papandréou applique contre son peuple un plan de désendettement qui  lui est dicté par le Fonds monétaire international et l’Union  européenne. Un plan qui reporte de cinq ans l’âge de la retraite  (jusqu’à 65 ans) et entérine la baisse des primes aux fonctionnaires,  une augmentation de deux points de la TVA, et surtout la privatisation  d’une grande partie de l’économie grecque, vendue ainsi aux intérêts  privés, et notamment aux fonds de pension. Un plan qui a entraîné le  pays dans la grève générale la semaine dernière.
Cette double soumission à la finance et, en politique  étrangère, à Israël, à propos d’un conflit colonial qui constitue  historiquement un marqueur identitaire pour la gauche, pourrait étonner.  Car Georges Papandréou est actuellement président de l’Internationale  socialiste. Ce fils et petit-fils de Premier ministre grec, formé au  Canada et aux États-Unis, rentré au pays en 1974 après la chute du régime des Colonels, est en train de symboliser jusqu’à la caricature la dérive de la social-démocratie européenne.
En proposant « d’entreprendre le transport de l’aide  humanitaire avec des navires grecs ou d’autres moyens appropriés », le  gouvernement grec feint d’ignorer l’enjeu de la flottille, qui est  d’attirer l’attention du monde sur le blocus qui vise la population de  Gaza. En fait, la Grèce n’a fait que relayer la proposition d’Israël  d’acheminer l’aide humanitaire à Gaza.
Il ne s’agit évidemment pas de faire parvenir une fois  par an une aide qui sera, de surcroît, filtrée par les autorités  israéliennes. Il s’agit de faire cesser un blocus criminel contre toute  une population. On est donc curieux d’entendre les réactions des  gouvernements, et plus encore des partis socialistes, européens à propos  de l’attitude du Pasok (Mouvement socialiste panhellénique) et de son  principal dirigeant.