Paul Khalifeh, RFI
Le  ton monte entre le Liban et Israël au sujet de l’exploitation de  ressources gazières en Méditerranée. Beyrouth accuse Tel-Aviv d’avoir  empiété sur sa souveraineté maritime dans un accord ratifié avec Chypre.  Ce nouveau litige s’ajoute à celui des fermes de Chebaa occupées par  Israël et revendiquées par le Liban. Cette fois, les enjeux économiques  sont énormes car les découvertes de gaz sont gigantesques.
L’annonce de la découverte  d’importants gisements de gaz et de pétrole, à l’Est de la Méditerranée,  il y a un peu plus d’un an, avait ravivé l’inquiétude de voir une  recrudescence de la tension entre le Liban et Israël. Aujourd’hui, ces  craintes sont parfaitement justifiées. Depuis l’annonce par l’Etat  hébreu de la conclusion d’un accord sur le tracé des frontières  maritimes avec Chypre, début juillet, les déclarations belliqueuses  fusent de part et d’autre. Beyrouth estime que ce tracé pénètre sur une  distance de 19 kilomètres dans sa Zone économique exclusive (ZEE). Il a  donc été décidé d’accélérer les procédures pour ne pas laisser le champ  libre à l’Etat hébreu, avec lequel le Liban est techniquement en guerre  depuis 1948.
Le président du Parlement, Nabih Berri, a assuré,  mercredi 20 juillet 2011, que le Liban est fermement déterminé à  défendre tous ses droits. « Il faut faire face aux tentatives  israéliennes de violer nos eaux territoriales ou de mettre la main sur  le pétrole et le gaz libanais, a dit ce leader chiite, allié du  Hezbollah. Le Liban effectuera les démarches nécessaires et accélèrera  la promulgation de la loi du tracé des frontières maritimes. Un projet  de loi est en voie d’élaboration pour être examiné lors d’une séance  législative, le 3 août prochain », a-t-il dit.
Beyrouth a également décidé de déposer un recours auprès  des Nations unies contre le tracé israélo-chypriote. Le vice-Premier  ministre israélien et ministre des Affaires stratégiques, Moshé Yaalon, a  accusé l’Iran et le Hezbollah de se tenir derrière cette démarche.  « Ces deux parties, a-t-il dit début juillet, tentent de créer  intentionnellement un foyer de tension avec Israël. Nous avons signé un  accord avec Chypre de même niveau que l’accord signé entre ce pays et le  Liban. Et lorsque nous avons annoncé les prospections gazières, les  Iraniens et le Hezbollah ont décidé que c’était un bon sujet de  confrontation avec nous. Ils ont décidé la délimitation d’une nouvelle  ligne, au sud de la ligne convenue entre le Liban et Chypre, qui pénètre  en fait dans notre domaine maritime. Cela a été exécuté  intentionnellement pour créer un point de confrontation, comme les  fermes de Chebaa ».
Même discours du côté du ministre israélien des Affaires  étrangères. « Le Liban, sous la pression du Hezbollah, est à la  recherche de frictions, mais nous n’allons pas renoncer à tout ce qui  nous revient », a déclaré Avigdor Lieberman.
Des réserves importantes   
 
En 2010, Noble Energy, une compagnie basée aux Etats-Unis, avait annoncé  la découverte d’un potentiel de 453 milliards de m3 de gaz au « large  d’Israël ». Ce pays dispose déjà du gisement de Tamar, dont les réserves  sont estimées à 238 milliards de m3 de gaz.
De son côté, dès 2001, le Liban avait fait réaliser un  balayage sismique de ses fonds marins. Deux compagnies étrangères,  Spectrum et Petroleum Geo-Services (PGS), avaient alors procédé à des  prélèvements, respectivement en 2002 et 2006. Ces études sismiques et  géologiques avaient révélé la présence possible de gaz et de pétrole.
Un rapport de l’USGS (US Geological Survey) estime le  potentiel au large des eaux libanaises à près de 608 millions de barils  de pétrole, 44 560 milliards de pieds cubiques de gaz (plus de mille  milliards de m3) et 1 107 millions de barils de gaz naturel liquide.
Ces quantités avérées ou estimées permettraient au Liban  d’éponger son énorme dette publique de 65 milliards de dollars (150% du  PIB) et de s’assurer une indépendance énergétique pour les décennies à  venir. A condition, évidemment, que le litige avec Israël soit réglé.
Le représentant du Liban à l’ONU, Nawaf Salam, a  souligné que le Liban avait remis, en 2010, les informations qu’il  possède au sujet de l’étendue de sa superficie maritime, en y joignant  les cartes nécessaires. Il a ajouté que Beyrouth a également remis aux  Nations unies des documents dans lesquels il s’oppose à l’accord de  démarcation conclu entre Israël et Chypre en 2011. « Les Nations unies  ont la responsabilité d’empêcher toute violation des eaux territoriales  libanaises », a affirmé l’ambassadeur libanais, le 21 juillet.
L’Onu se désengage
Au lieu d’intervenir rapidement pour empêcher  l’émergence d’un nouveau conflit entre les deux pays, l’ONU semble opter  pour le désengagement. Michael Williams, le représentant spécial de Ban  Ki-moon au Liban, a indiqué toujours le 21 juillet, que les Nations  unies ne pouvaient pas aider le Liban et Israël sur la question de la  délimitation maritime pour des avantages économiques. « Il est difficile  pour l’ONU de trouver un moyen pour avancer sur cette question, a  déclaré Michael Williams lors d’une conférence de presse à New York. Il  faut être conscient que les différends maritimes sont bien plus  difficiles à régler que les frontières terrestres ».
Le représentant spécial de Ban Ki-moon au Liban a noté,  au passage, qu’Israël est « bien avancé » dans ces projets d’exploration  et a six à sept ans d’avance sur le Liban. Le diplomate a également  fait observer que les ressources maritimes entre Israël et le Liban sont  « devenues un problème, bien que chaque partie ait tendance à amplifier  les choses ».
Le Liban et Israël ont clairement décrit le domaine  qu’ils considèrent comme étant leurs ZEE (Zone économique exclusive) et  ont déposé leurs documents à l’ONU. Mais ce qui « complique les choses,  c’est que le Liban est membre de la Convention des Nations unies sur le  droit dela mer et qu’Israël ne l’est pas », a ajouté le représentant à  Beyrouth du secrétaire général de l’ONU.
Le Hezbollah menace
Le Hezbollah, qui avait très peu communiqué sur la  question, s’est exprimé dimanche 17 juillet 2011. Mohammad Raad, le chef  du bloc parlementaire du parti, a assuré que le Liban allait  « récupérer la souveraineté intégrale de ses eaux ». « L’ennemi  israélien ne peut forer un seul mètre dans les eaux à la recherche de  pétrole et de gaz si la zone fait l’objet d’un litige, a ajouté Mohammad  Raad sur un ton menaçant. Vu que cette zone est contestée, il (Israël)  doit résoudre le litige, car aucune compagnie ne pourra mener des  prospections dans des eaux dont la souveraineté est contestée ».
Le Hezbollah a-t-il les moyens de mettre ses menaces à  exécution ? Probablement. Surtout si l’on se souvient que le 26 mai  2010, Hassan Nasrallah avait annoncé que « la résistance dispose de  missiles sol-mer capables d’imposer un blocus maritime à Israël en cas  de nouvelle guerre ». « Nous détruirons tous les navires civils,  militaires et commerciaux qui s’approcheraient de la Palestine »,  avait-il dit.
Lors de la guerre de 2006, le Hezbollah avait tiré des  missiles C-802 de fabrication chinoise. Une frégate israélienne qui  croisait au large de Beyrouth avait été touchée. Quatre membres  d’équipage avaient été tués ou portés disparus.
Ce nouveau litige entre le Liban et Israël est d’autant  plus grave qu’il porte sur des enjeux économiques, énergétiques et  stratégiques colossaux.