Alain Gresh
"Les  relations entre l’Armée Israélienne et l’Armée française sont le reflet  de la relation politique qui existe entre les deux pays. Il s’agit de  deux pays profondément alliés."
C’est au cours d’une visite  en Israël que Nicolas Sarkozy, alors président de l’Union pour un  mouvement populaire (UMP), salua à Herzliya, le 16 décembre 2004, le  combat commun mené par « nos soldats » en 1956, lors de la triste  expédition coloniale contre l’Egypte de Nasser pour récupérer le canal  de Suez. Combat qui se poursuit grâce à l’action « de nos services de  renseignement »… Cette déclaration n’a été reprise, à l’époque, par  aucun organe de presse en France.
Sept ans plus tard, et quatre ans après l’élection de  Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, on peut effectivement  dire que les relations entre la France et Israël sont revenues à  l’époque de 1956, quand les socialistes français et les travaillistes  israéliens combattaient ensemble les mouvements de libération nationale,  de l’Algérie à l’Egypte.
Il y a quelques jours, à l’occasion du 14 juillet, le  colonel G. Bailleux de Marisy, attaché militaire de l’Armée française en  Israël, déclarait : « Les relations entre l’Armée Israélienne et  l’Armée française sont le reflet de la relation politique qui existe  entre les deux pays. Il s’agit de deux pays profondément alliés. Cette  coopération se traduit par des échanges, des visites de délégations  militaires et par le partage de nos expériences militaires  respectives. »
Et puis est venue cette annonce de la fin de l’embargo  sur le commerce des armes avec Israël (« France to buy Israeli-made  drones, ending 42-year weapons embargo », Haaretz, 24 juillet) :
« Israel Aerospace Industries s’est refusé à tout  commentaire sur l’accord, mais un responsable important a déclaré durant  le week-end que c’était un retour historique au point de départ.  L’embargo français décidé par le générale de Gaulle, qui nous a refusé  les avions français développés avec l’expertise israélienne, a donné un  coup de pouce à l’industrie israélienne et c’est maintenant nous qui  fournissons la France avec un avion israélien. »
Heureusement, nous n’allons pas nous fournir en drones  uniquement en Israël : la France décidé aussi d’acheter des drones à  Dassault ; on est rassuré (« La France choisit Dassault pour ses  nouveaux drones », RFI, 21 juillet).
Ce rapprochement des industries militaires s’accompagne  d’une coopération renforcée dans le domaine policier, Israël faisant  part de son expérience de contrôle des populations, que la France  pourrait utiliser pour ses banlieues ! « Nous » combattions les  fellaghas ensemble en 1956, nous continuons le combat contre les  « musulmans »...
La dérive de la politique française a été marquée par un  appui systématique aux positions israéliennes, malgré la réaffirmation  par Paris d’un appui purement formel à l’idée de deux Etats. Paris  condamne même régulièrement la colonisation ou le blocus de Gaza, mais  développe parallèlement ses relations avec Israël. C’est la France, sous  l’impulsion de Bernard Kouchner, qui a obtenu le renforcement des  relations entre l’Union européenne et Israël, à la veille de l’invasion  israélienne de Gaza.
Paris s’est régulièrement fait le porte-parole des  injonctions israéliennes. Mais la France est allée encore plus loin dans  l’affaire de la flottille de Gaza et des militants qui voulaient se  rendre en Israël par avion pour affirmer leur solidarité avec les  Palestiniens.
Interrogé sur la flottille, le porte-parole du Quai d’Orsay a déclaré le 5 juillet :
« Notre position, c’est de dissuader ce bateau de se  rendre à Gaza, d’autant plus qu’à ma connaissance ce bateau ne comporte  pas de cargaison humanitaire. Nous ne pensons pas que c’est une bonne  idée. Pour nous, l’essentiel aujourd’hui est de favoriser la reprise des  discussions entre les autorités israéliennes et palestiniennes. Toute  notre énergie est concentrée sur cet effort destiné à favoriser la  reprise des pourparlers israélo-palestiniens pour la recherche de la  paix. Nous pensons que c’est cela l’important et le plus urgent. C’est  dans cette perspective qu’Alain Juppé a reçu ce matin Tony Blair, le  représentant spécial du Quartet, pour lui rappeler l’initiative  française et la volonté de reprise des pourparlers israélo-palestiniens  et la meilleure façon d’y parvenir. C’est cela aujourd’hui la priorité  de la diplomatie française. »
Rappelons que la fameuse initiative française a  pitoyablement échoué, mais que le blocus israélien de Gaza – que Paris  condamne régulièrement – est toujours en vigueur.
Quant aux militants qui souhaitaient se rendre en  Palestine par avion, nombre d’entre eux ont été refoulés à... Roissy.  (« Bienvenue en Palestine… à Ben Gourion », Guerre ou paix, 7 juillet  2011). Israël déciderait-il maintenant qui a le droit d’embarquer dans  les aéroports français ?
publié sur le blog du Monde diplomatique "Nouvelles d’Orient"