Jean-Claude Lefort
En  colère contre ce qu’il appelle « Les intellectuels faussaires », Pascal  Boniface a décidé de mettre les pieds dans le plat. Non pas contre ceux  qui se trompent. Mais contre ceux qui trompent.
Le directeur de l’IRIS,  Pascal Boniface – dont on connaît la rigueur de la pensée, le sérieux et  la pertinence de ses analyses mais aussi la modération et la courtoisie  – est un homme en colère.
En colère contre ce qu’il appelle « Les intellectuels faussaires », titre de son dernier livre qui vient de paraître.  Un livre, tenez-vous bien, dont 14 – quatorze – maisons d’éditions ont  refusé la publication ! On doit la publication de ce livre au courage de  Jean-Claude Gawsewitch qui a sorti cet ouvrage dans sa collection  « Coup de gueule »*.
Pourquoi cet « interdit » et pourquoi ce livre nous concerne au premier chef ?
L’interdit tient en ceci : dans ce livre Pascal Boniface  touche à ce qu’il ne faut surtout pas toucher, à savoir les « super  stars médiatiques » de la politique internationale  qui, délibérément, jour après jour, avec le consentement goulu de leurs  demandeurs ou de leurs maîtres, assènent non pas des erreurs toujours  possibles mais des mensonges avérés et répétés. Ils sont partie prenante  d’une « croisade », bien rémunérée on s’en doute et peu risquée c’est  certain, contre le « Mal ». Le mal étant… l’islam, ce nouveau « pelé »,  ce nouveau « galeux d’où viendrait tout le mal » du monde moderne.
Pascal Boniface a décidé de mettre les pieds dans le  plat. Non pas contre ceux qui se trompent. Mais contre ceux qui  trompent. Il fait d’ailleurs le portrait de huit d’entre eux dans les  deux derniers tiers de son ouvrage, et cela ne manque pas de sel. Nous  reviendrons sur le cas d’un de ces « super stars » à la chemise blanche  constamment déboutonnée…
Fruit d’un travail patient et s’appuyant sur des faits  incontestables, il part d’un constat : ces « faussaires peuvent croire à  une cause mais ils emploient des méthodes malhonnêtes pour la défendre.  Ce sont donc des « faussaires » qui fabriquent de la fausse monnaie  intellectuelle pour assurer leur triomphe sur le marché de la  conviction. » Et l’éthique l’a rattrapé qui l’a poussé à écrire ce  livre : « Ce qui me pose problème, c’est la méthode. Ce qui ne devrait  pas être toléré à mon sens, c’est la place centrale occupée par le  mensonge dans le débat public. » Et s’il a concentré son propos sur les  questions internationales c’est que « c’est celui que je connais le  mieux et où je peux donc les démasquer. » Il le faut, car « les  faussaires font le lit des démagogues. »
La première partie de son livre met donc en lumière  l’objet ou les raisons de cette situation. Elles sont multiples. N’en  retenons que quelques unes.
Relativement aux évolutions constatées, il en est une  majeure qu’il relève, que nous appelons de nos vœux et pour laquelle  nous agissons, c’est « L’entrée en force de la morale dans l’agenda  international (qui) est la conséquence positive de la montée en  puissance des peuples dans les processus de décisions en politique  étrangère. » De ce fait, Pascal Boniface souligne fort justement que  désormais « l’opinion publique, sa conquête, sa non-opposition, devient  un enjeu aussi bien national qu’international. » En résulte que « cette  médaille à un revers : la montée en parallèle des opérations de  désinformation. »
Voilà le chaudron nouveau duquel sortent ces « faussaires ». On est bien loin de la « Lampe merveilleuse d’Aladin ».
Et sur quel créneau, tout particulièrement, se  montrent-ils aussi actifs, présents sur les plateaux de télé ou les  studios de radio qui en redemandent jusqu’à plus soif, même pris la main  dans le sac ?
Après le communisme qui a volé en éclat et avec éclats,  la nouvelle menace pour l’occident en récession – selon la thèse  rebattue de Huntington – c’est devenu le monde musulman. Un monde, selon  la « douce » thèse de Huntington, dont « les frontières sont  sanglantes ». Tel est le nouveau défi, selon eux, du monde occidental.  Et évidemment, on retrouve vite Israël dans cette configuration car,  justement analysé par Boniface « Pour les uns et pour les autres, il  existe un lien entre les menaces qui pèsent sur Israël et celles qui  pèsent sur le monde occidental. Et ce lien tient en cinq lettres :  I.S.L.A.M. » Le livre consacre tout un chapitre à « Israël en danger ».  Je vous laisse le découvrir.
Cette « politique » est non seulement dangereuse pour le monde  mais a des incidences internes. A juste titre  l’auteur souligne que  « Marine Le Pen est loin d’être la seule à tenir un discours d’exclusion  ou de suspicion à l’égard des musulmans. » Pascal Boniface poursuit :  « L’approche stratégique du « conflit des civilisations » a des  répercussions internes. Faisant la place belle au sensationnalisme, on a  vite fait d’incarner le musulman en terroriste sur le plan  international et en délinquant sur la scène intérieure ». Il ajoute « Le  conflit du Proche-Orient vient amplifier le problème. Certains des plus  fervents peuvent être tentés de transposer la figure de l’ennemi sur le  plan intérieur. » Et j’ajoute : combien d’entre nous sommes l’objet  d’accusations d’antisémitisme parce que nous disons ce que nous pensons  de la folle politique israélienne ? Et combien de procès à ce titre ?
Qu’importe alors les « savantes » distinctions établies  entre musulmans modérés et islamistes radicaux. Pour être modéré, pour  eux, il ne faut tout « simplement » pas être un musulman. De même en  découle l’idée que « Si tous les musulmans ne sont pas des terroristes,  tous les terroristes sont musulmans. »
Le monde d’aujourd’hui et la montée des opinions  publiques qui leur fait peur ; la thèse retenue d’une bipolarité  occident-monde musulman ; le rôle particulier d’Israël dans ce  « modèle » – voilà au moins trois raisons que je retiens ici pour  expliquer d’où naissent, à quoi servent et pourquoi les médias offrent  tant de place à ces « faussaires » qui sont aussi des « mercenaires ».
Dans la seconde partie de ce livre qui se dévore comme  du bon pain – merci Pascal Boniface ! – l’auteur prend la main dans le  sac huit « faussaires ». Je vous les laisse découvrir, vous ne serez pas  déçus ! Je veux juste retenir – et m’éloigner du livre – le cas de BHL.  Sa Majesté.
Je sors du livre, pour mieux y rentrer finalement, car  Pascal Boniface met en lumière – une lumière crue qui n’émeut pas sa  Majesté – les faux, les « vrais-faux » répétés du déclaré « philosophe »  qui sait tout sur tout, même sur lui-même !
En effet, après l’affaire de l’annulation de la conférence que devait tenir Stéphane Hessel  à la Sorbonne, à propos des procès ou plaintes – justement– déclenchés  contre lui-même et de nombreux militants à propos de BDS, le CRIF avait  remercié vivement BHL, notamment, pour être intervenu afin d’interdire  cette réunion dans l’amphithéâtre de ce haut-lieu de la culture.
Il se trouve que, absent de Paris comme souvent, BHL  avait fait un démenti appuyé : « Je rentre des Etats-Unis et j’apprends  qu’un débat autour de l’opération BDS a été annulé à l’Ecole Normale.  Contrairement à ce que laisse entendre votre site, je ne suis intervenu  ni auprès de Madame Canto-Sperber ni auprès de quiconque pour  recommander l’annulation de ce débat. Je suis, par principe, même et  surtout quand le désaccord est profond, partisan de la confrontation des  points de vue - pas de leur « annulation ». M’appuyant sur cette déclaration on ne peu plus claire, j’écrivais  aussitôt à BHL en ces termes : « Partisan de la confrontation des points  de vue, j’ai donc le plaisir de vous proposer un débat sur la question  majeure du Proche-Orient, vous qui par ailleurs avez signé le texte  remarqué « JCall », face à une personnalité qualifiée et reconnue, non  membre de notre association, qui est le directeur de l’IRIS, Monsieur  Pascal Boniface.  Ce débat, qui pourrait avoir lieu sous nos auspices, devrait  naturellement et, dans la forme et techniquement, assurer à chacun  d’entre vous des conditions équitables et absolument satisfaisantes pour  confronter vos points de vue. Afin d’assurer totalement l’impartialité  du débat, je propose que, d’un commun accord, nous choisissions un  « Monsieur Loyal » pour animer le débat et garantir sa sérénité. Et  aussi, naturellement, pour fixer une date possible. Monsieur Pascal  Boniface, contacté, est favorable à ce projet. Je souhaite vivement que  vous aussi vous acceptiez à votre tour. »
Cette lettre a été envoyée le 21 janvier dernier…  Inutile, vous l’aurez compris, que je vous dise que je n’ai reçu aucune  réponse à cette lettre… Courageux mais pas téméraire ! C’est à pleurer.  Non pas sur le sort de BHL mais sur celui de l’état de la France.
C’est pourquoi ce livre est salutaire. Il est bon de  mettre les pieds dans le plat comme le fait Pascal Boniface avec ce  livre. Cet hymne à la moralité et à la propreté en politique l’honore.  « Faire le portrait de quelques faussaires en particulier », comme il le  fait, c’est tout simplement du courage. On comprend mieux pourquoi 14  maisons d’éditions ont refusé sa publication ! C’est quasiment un livre  interdit, en tout cas interdit d’antennes qui diffusent toujours et  encore ces « faussaires-mercenaires ».
Je n’ai qu’un conseil à donner : ne vous censurez pas,  vous ! Refusez qu’on vous interdise la vérité. Lisez-le et parlez-en  autour de vous ! Ce sera faire œuvre utile. Pour vous, tout d’abord. Et  pour notre société. Pascal Boniface n’est pas seul dans ce combat pour  la vérité. Nous-en sommes !
C’est Diderot qui écrivait que « Les avantages du  mensonge sont d’un moment, et ceux de la vérité sont éternels ; mais les  suites fâcheuses de la vérité, quand il y en a, passent vite, et celles  du mensonge ne finissent qu’avec lui ». Il faut vite qu’on en finisse  avec le mensonge.. et les « faussaires ». Ce livre y contribue  grandement !
Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS
* Pascal Boniface : « Les intellectuels  faussaires – Le triomphe médiatique des experts en mensonge ». Editions  « Jean-Claude Gawsewitch ».