Ali Abunimah - Al Jazeera
          Les efforts de l’Autorité palestinienne poussant à la création  d’un État ne sont qu’une farce parfaitement mise au point.         
Compte  tenu des précédents historiques au Liban et en Syrie, la déclaration de  l’État palestinien faite par l’Autorité palestinienne n’aura que peu  d’effet malgré ce qu’en peut dire le premier ministre, Salam Fayyad  [GALLO/GETTY]
Que faire si la campagne interminable que vous avez  menée pour la création d’un État palestinien indépendant sur les miettes  de la Palestine historique connue sous le nom de Cisjordanie et Bande de Gaza, a  totalement échoué ?
Apparemment, si vous êtes l’Autorité  palestinienne (AP)  sponsorisée par l’Occident à Ramallah sous occupation israélienne, vous  faites semblant d’avoir un État palestinien quand même et vous  embarquez le plus grand nombre possible de pays dans cette mascarade.
Il semble que ce soit essentiellement la stratégie de l’AP pour faire admettre « l’État de Palestine » à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre.
L’AP insiste beaucoup auprès des pays pour qu’ils  appuient cette initiative et ces derniers mois, plusieurs Etats,  notamment en Amérique latine, ont pleinement reconnu l’Autorité  de  Ramallah sur le plan diplomatique. D’après le New York Times,  certains diplomates ont déclaré que si la proposition est présentée à  l’Assemblée générale des Nations unies, elle sera probablement. adoptée.
Un « État » fantaisiste
L’effort de l’AP pour faire reconnaître un État  palestinien est le volet diplomatique des efforts dont il a été fait  grand cas pour le « renforcement des institutions » et le  « développement économique », censés créer l’infrastructure du futur  État.
Mais le programme de renforcement des institutions n’est  qu’un leurre , gonflé à coups de relations publiques et d’articles  favorables dans les médias.
En fait, les principales « institutions » édifiées par  l’AP sont les appareils de l’État policier et des milices, utilisés pour  réprimer l’opposition politique à l’AP ainsi que toute forme de  résistance à l’occupation israélienne. Entre-temps, l’économie  cisjordanienne et l’AP elle-même restent totalement tributaires de  l’aide étrangère.
La reconnaissance par l’ONU d’un État palestinien bidon  n’aurait pas plus de sens que cette fantaisie du « renforcement des  institutions » et elle pourrait refouler les Palestiniens encore plus  loin d’une véritable libération et autodétermination.
Des responsables  de l’AP basée à Ramallah expliquent  que la stratégie de reconnaissance par l’ONU serait le moyen de faire  porter la pression internationale sur Israël.
« Cette reconnaissance créerait une pression politique  et juridique sur Israël l’incitant à retirer ses troupes des terres d’un  autre État reconnu dans les frontières [ de 1967] », a déclaré aux  journalistes en janvier , Riyad al-Malki, « ministre des affaires  étrangères » de Ramallah.
De même, Nabil Shaath, important officiel du Fatah, a expliqué au New York Times  que si l’État palestinien était reconnu par les Nations unies « Israël  serait alors en violation quotidienne des droits d’un autre État membre  ce qui lui vaudrait des conséquence diplomatiques et légales pénibles.
Mais est-il possible que quiconque a vu comment la  « communauté internationale » fonctionne par rapport à Israël, ajoute  foi à ces anticipations chimériques ?
Le Liban est membre des Nations unies depuis 1945 et  pourtant cela n’a pas empêché Israël d’occuper le sud du Liban de 1978 à  2000. L’occupation israélienne du Liban s’est terminée non pas sous la  pression internationale, mais uniquement parce que la résistance  libanaise a fait partir Israël et les milices qui collaboraient avec  lui.
Depuis le bombardement massif du Liban en 2006, Israël a  violé la souveraineté du Liban des milliers de fois - selon les Nations  unies elles-mêmes. Mais ses constants survols de l’espace aérien  libanais ainsi que ses enlèvements de citoyens libanais, parmi d’autres  violations, n’ont jamais eu pour « conséquences diplomatiques et  juridiques » d’enjoindre Israël à rendre des comptes.
De même, depuis 1967 Israël occupe le plateau du Golan  qui appartient à la Syrie (elle aussi membre des Nations unies depuis  1945). Il n’y a pratiquement pas eu de résistance armée sur le plateau  du Golan ni de pressions internationales pour inciter Israël à se  retirer ou pour obtenir le retour des réfugiés syriens chez eux.
Même après qu’Israël ait illégalement annexé le  territoire en 1981 - mesure condamnée par le Conseil de sécurité de  l’ONU - le silence de la communauté internationale lui a permis de  poursuivre  la colonisation du plateau du Golan.
En quoi la situation serait-elle différente dans le cas de « l’État de Palestine » ?
Victoire sur « papier »
Chercher à obtenir la reconnaissance diplomatique d’un État palestinien imaginaire sur une fraction de la Palestine  historique est l’effort désespéré d’un leadership palestinien qui n’a  plus d’options, qui a perdu sa légitimité, et qui est devenu un sérieux  obstacle pour le recouvrement de leurs droits par les Palestiniens.
S’appuyer fortement sur les cercles diplomatiques et la  bonne volonté de la « communauté internationale » est une stratégie qui a  été testée auparavant sans produire de  résultats. Rappelons qu’en  2004, l’AP a fait des efforts énormes pour obtenir un avis consultatif  de la Cour internationale de justice (CIJ) de LaHaye selon lequel le mur  d’Apartheid israélien en Cisjordanie est illégal et doit être  démantelé.
Mis à part cet avis, l’AP n’a absolument aucun plan pour  amener les Palestiniens et leurs alliés à faire pression à l’échelle  mondiale pour que cette décision soit mise en application. Cette  victoire sur le papier n’a rien changé sur le terrain.
En fait, alors que les diplomates et les négociateurs  étaient occupés à LaHaye, le leadership essayait d’empêcher la société  civile palestinienne en Cisjordanie et à Jérusalem de s’organiser autour  de la question et d’attirer l’attention sur l’avis de la CIG, presque  certainement sous la pression d’Israël et des USA.
Le gouvernement d’une « Palestine  indépendante » toujours sous occupation israélienne et tributaire de  l’aide des USA et de l’Union européenne, serait-il capable de résister à  des pressions similaires à l’avenir ? La conduite adoptée par l’AP  jusqu’ici n’incite guère à l’optimisme.
Malgré cela,  l’avis de la CIG a eu un effet  mobilisateur important. Toutefois, la mobilisation n’est venue de l’AP  ni de l’ancienne Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
Devant l’inaction des gouvernements mondiaux à mettre à  exécution l’avis de la CIG, la société civile palestinienne a de son  côté lancé l’appel palestinien de 2005 pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS).
Cette campagne a pour but d’isoler Israël et de l’amener  à respecter les droits des Palestiniens ainsi que le droit  international au moyen de boycotts populaires similaires à ceux qui ont  contribué à mettre fin à l’Apartheid en Afrique du Sud.
Plutôt que de faire de « l’État » un fétiche, la  campagne BDS se concentre sur les droits et les réalités : elle lance un  appel pour la fin de l’occupation et de la colonisation israéliennes de  toutes les terres arabes conquises en 1967, pour la pleine égalité pour  les citoyens palestiniens d’Israël et le respect ainsi que la mise en  application des droits des réfugiés palestiniens. Ces demandes sont  pleinement compatibles avec la déclaration universelle des droits de  l’homme et le droit international.
Loin d’appuyer cette campagne l’AP, en fait, a essayé de  la détourner et de la saborder en appelant à un boycott mou des  produits des colonies israéliennes tout en promouvant activement le  commerce avec Israël en contradiction avec  l’appel BDS.
Résurrection des bantoustans
Beaucoup ont comparé avec raison « l’État » palestinien  envisagé par l’AP et ses promoteurs aux « bantoustans » de l’Afrique du  sud de l’apartheid.
Les bantoustans étaient nominalement des états  indépendants établis par le régime d’apartheid pour accorder la  « citoyenneté » aux Noirs afin de faire pièce à  leur demande d’une  véritable égalité.
Les gouvernements mondiaux ne sont pas tombés dans le  piège et ont refusé de reconnaître les bantoustans parce qu’ils  comprenaient que leur reconnaissance diplomatique ferait reculer la fin  de l’Apartheid an Afrique du Sud.
Ce n’est pas par coïncidence que le seul pays à avoir  des relations importantes avec les bantoustans - leur permettant  d’ouvrir des missions diplomatiques et accueillant fréquemment leurs  dirigeants- a été Israël. Israël considérait les bantoustans comme un  modèle pour la gestion des Palestiniens.
Reconnaître un « État » palestinien sous occupation  israélienne renforcerait et perpétuerait certainement les privilèges et  la positions des officiels non élus de l’AP qui ne font rien pour  changer la situation ni pour restaurer les droits de millions de  Palestiniens,  pas simplement dans les territoires occupés pendant la  guerre de juin 1967, mais également en Israël et dans la Diaspora.
Loin d’accroître la pression internationale sur Israël,  cette reconnaissance permettrait même aux états qui ont totalement  manqué à leurs devoirs en ne tenant pas Israël responsable devant le  droit international, de se laver les mains de la question palestinienne,  en alléguant « nous avons reconnu la Palestine, qu’est-ce que vous voulez de plus ? ».
Les Palestiniens et leurs alliés ne devraient pas se  laisser distraire par ce théâtre international de l’absurde. Ils  devraient s’attacher à élargir et à approfondir les campagnes BDS afin  de mettre fin à l’Apartheid israélien où qu’il existe et une fois pour  toutes.