Il y a quelque chose de tragi-comique dans le personnage de Richard Goldstone.
Il y eut d’abord une furieuse tempête lors de la publication du rapport Goldstone originel.
Quel monstre ! Un Juif qui se prétend sioniste et  amoureux d’Israël et qui publie les calomnies les plus abominables  contre nos valeureux soldats, se faisant le collaborateur et le complice  des pires antisémites du monde ! Le prototype même du Juif honteux ! Pire encore, un “mosser” – un Juif qui livre un autre Juif aux Goyim malveillants, le personnage le plus détestable du folklore juif.
Et maintenant le revirement. Goldstone, le Juif qui  s’est rétracté. Goldstone qui a reconnu publiquement qu’il avait tort  sur toute la ligne. Que l’armée israélienne n’avait commis aucun crime  au cours de l’opération “Plomb durci” à Gaza en 2009-2010. Au contraire,  alors que l’armée israélienne avait mené des enquêtes honnêtes et  approfondies sur toutes les accusations, le Hamas n’avait enquêté sur aucun des crimes effroyables qu’il avait commis.
Goldstone, l’Homme de pierre, est devenu Goldstone, l’Homme en or. Un homme de conscience ! Un homme qu’il faut admirer !
C’est, naturellement, Benjamin Nétanyahou qui eut le dernier mot. La rétractation de Goldstone, a-t-il résumé, a confirmé encore une fois que les Forces israéliennes de défense sont l’armée la plus morale du monde.
MON COEUR saigne pour le juge Goldstone. Il était placé dès le départ dans une situation impossible.
La commission des Nations unies qui l’avait nommé pour  conduire l’enquête sur les accusations de crimes de guerre commis au  cours de l’opération agissait selon un calcul apparemment logique mais  ridicule en réalité. La désignation pour cette tâche d’un bon Juif, et qui plus est un sioniste déclaré, désarmerait, pensait-on, toute accusation de parti-pris anti-israélien.
Goldstone et ses collègues ont sans aucun doute fourni  un travail honnête et consciencieux. Ils ont examiné les témoignages qui  leur ont été présentés et en sont venu à des conclusions raisonnables  sur cette base. Cependant, presque tous les témoignages venaient de  sources palestiniennes ou des Nations unies. La commission n’a pas eu la  possibilité d’interroger les officiers et les soldats des forces  israéliennes parce que notre gouvernement, dans un acte de bêtise  typique et presque de routine, a refusé de coopérer.
Pourquoi ? Le point de vue de base est que le monde  entier cherche à nous accuser, non en raison d’un acte quelconque que  nous aurions commis, mais parce que nous sommes juifs. Nous savons que  nous avons raison et nous savons qu’ils cherchent à prouver que nous  avons tort. Alors pourquoi collaborer avec ces anti-sémites assoiffés de  sang et avec ces Juifs qui se haïssent eux-mêmes ?
Aujourd’hui, presque tous les Israéliens qui comptent  admettent que ce fut une attitude stupide. Mais rien ne garantit que nos  dirigeants se conduiront de façon différente la prochaine fois, en  particulier parce que l’armée est obstinément opposée au fait de  permettre à tout soldat de comparaître devant une tribune non  israélienne, ou aussi, dans ce domaine, devant une tribune israélienne  non-militaire.
REVENONS à ce pauvre Goldstone. Après la publication du rapport de sa commission, sa vie est devenue un enfer.
Toute la fureur du ghetto juif  contre les traîtres en son sein s’est tournée contre lui. Des Juifs se  sont opposés à ce qu’il soit présent à la Bar Mitzvah de son petit-fils.  Ses amis se sont détournés de lui, il a été mis en quarantaine par tous  les gens qui comptaient pour lui.
C’est ainsi qu’il s’est remis en question pour découvrir  qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Ses découvertes étaient  partiales. Il aurait fait des découvertes différentes s’il avait entendu  la version israélienne de l’histoire. L’armée israélienne avait mené  des enquêtes honnêtes sur les accusations, tandis que le Hamas n’avait mené aucune enquête sur ses crimes de guerre évidents.
Alors, quand Goldstone s’est-il trompé ? La première ou le deuxième fois ?
La réponse est, hélas, qu’il s’est trompé les deux fois.
LE TERME MÊME de “crimes de guerre” fait problème. La  guerre elle-même est un crime, qu’on ne saurait jamais justifier sauf  quand c’est le seul moyen de prévenir un crime plus grand – comme dans  le cas de la guerre contre Adolf Hitler, et maintenant – à une échelle  incomparablement plus petite – contre Mouammar Kadhafi.
Le concept de crimes de guerre est apparu après les  atrocités horribles de la guerre de 30 ans qui dévasta l’Europe  centrale. L’idée était qu’il est impossible de prévenir des actions  brutales si elles sont nécessaires pour gagner une guerre, mais que de  telles actions ne sont pas légitimes si elles ne sont pas nécessaires  dans ce but. Le principe n’est pas moral mais pragmatique. Tuer des  prisonniers et des civils est un crime de guerre, parce que cela ne sert  aucun objectif militaire, bien que les deux parties puissent s’y  livrer. Il en va de même pour la destruction gratuite de biens.
En Israël ce principe a pris corps dans le jugement qui  fait date de Benjamin Halévy après le massacre à Kafr Kasim en 1956 de  paysans innocents, hommes, femmes et enfants. Le juge a déclaré qu’un  “pavillon noir” flotte “manifestement” sur des ordres illégaux – des  ordres qui peuvent apparaître comme illégaux à des personnes ordinaires,  sans qu’il leur soit besoin de consulter un juriste. Depuis lors,  l’obéissance à de tels ordres est devenue un crime au regard du droit  israélien.
LA VRAIE question au sujet de Plomb Durci n’est pas de  savoir si des soldats ont individuellement commis de tels crimes. Il est  certain que cela a été le cas – toute armée comprend tous les types  d’êtres humains, des jeunes gens honnêtes doté d’une conscience morale à  côté de sadiques, d’imbéciles et d’autres dont le sens moral est  altéré. Dans une guerre vous leur donnez à tous des armes avec  l’autorisation de tuer, et le résultat est prévisible. C’est une raison  pour laquelle “la guerre est un enfer”.
Le problème avec la deuxième guerre du Liban et  l’opération Plomb Durci tient à ce que l’approche de base – la même dans  les deux cas – rend les crimes de guerre inévitables. Leurs concepteurs  n’étaient pas des monstres – ils ont simplement fait leur travail. Ils  ont additionné deux éléments. Le résultat était inévitable.
L’un des éléments pris en compte était l’exigence qu’il  n’y ait pas de pertes de notre côté. Nous avons une armée du peuple,  comportant des conscrits de toutes les conditions sociales (comme  l’armée américaine au Vietnam, mais pas en Afghanistan.)  Notre opinion publique juge les guerres en fonction du nombre de (nos)  soldats tués et blessés. La directive donnée aux organisateurs  militaires est : faites tout ce qui est possible pour que le nombre de  nos pertes soit proche de zéro.
L’autre élément est le mépris complet de l’humanité de  l’autre partie. Des années et des années d’occupation ont créé une armée  pour laquelle des Palestiniens et des Arabes en général sont de simples  objets. Pas des ennemis humains, pas mêmes des monstres humains,  seulement des objets.
Ces deux attitudes mentales conduisent nécessairement à  une doctrine stratégique et tactique qui impose de mettre en oeuvre une  force de mort contre toute personne et toute chose susceptible de  constituer une menace pour les soldats progressant en territoire ennemi –  en les éliminant en avant des soldats, de préférence à distance par  l’artillerie et la force aérienne.
Lorsque l’opposition est un mouvement de résistance  opérant dans une zone à forte densité de population, les résultats  peuvent presque se calculer mathématiquement. Dans l’opération Plomb  Durci, au moins 350 civils palestiniens, et parmi eux des centaines de  femmes et d’enfants, ont été tués, en même temps qu’environ 750  combattants ennemis. Du côté israélien : en tout 5 (cinq !) soldats  israéliens ont été tué par des tirs ennemis (quelques six de plus par  des “tirs amis”).
Ce résultat n’était pas en contradiction avec l’objectif  politique non déclaré de l’opération. Il s’agissait d’exercer une  pression sur la population de la Bande de Gaza pour qu’elle renverse le  gouvernement du Hamas. Le résultat, évidemment, ne fut pas atteint. Ce serait plutôt le contraire.
La logique – et le rapport des pertes – de la deuxième  guerre du Liban avaient été à peu près les mêmes, avec en plus une  énorme destruction  matérielle de cibles civiles.
À LA SUITE DU rapport Goldstone, notre armée a vraiment  procédé à des enquêtes étendues concernant des incidents individuels. Le  nombre en est impressionnant, mais pas les résultats. Quelques 150 cas  ont fait l’objet d’enquêtes, deux soldats ont été reconnus coupables (un  de vol), un officier a été mis en accusation pour le meurtre – par  erreur – d’une famille élargie dans sa totalité.
Cela semble donner satisfaction à Goldstone, qui a  accepté avec reconnaissance cette semaine une invitation du ministre  Israélien de l’Intérieur – peut-être le raciste le plus enragé de tout  le gouvernement, dans lequel les racistes abondent – à visiter Israël.  (Lorsque la conversation fut divulguée, Goldstone a annulé la chose et  déclaré que le rapport ne serait pas retiré.)
D’un autre côté, Goldstone est plein d’indignation contre le Hamas  pour avoir lancé des roquettes et des obus de mortier contre des civils  en Israël sans avoir mené aucune enquête. N’est-ce pas plutôt  ridicule : faire appel aux mêmes critères pour l’une des cinq armées les  plus puissantes du monde et une bande d’irréguliers et de combattants  de la résistance mal équipés ( alias terroristes) ?
Le terrorisme est l’arme des faibles. (“Donnez-moi des  chars et des avions, et je vous promets de ne plus poser de bombes” a  dit un jour un Palestinien.) Puisque toute la stratégie militaire du Hamas  vise à terroriser les communautés israéliennes à proximité de la  frontière afin de convaincre Israël de mettre un terme à l’occupation  (et, dans le cas de Gaza, au blocus), l’indignation de Goldstone semble  quelque peu surprenante.
En même temps, Goldstone a ouvert la voie à une nouvelle opération Plomb Durci qui serait bien pire.
Je prévois, cependant, qu’il lui sera maintenant possible de prier dans n’importe quelle synagogue de son choix.
Article écrit en hébreu et en anglais le 9 avril 2011 – Traduit de l’anglais "The Gold and the Stone" pour l’AFPS : FL