M.J. Rosenberg - Al-Jazeera,
          Barak Obama a pressé Mahmoud Abbas de bloquer une résolution du conseil de sécurité de l’ONU qui condamne les colonies.         
Les colonies juives en Palestine occupée sont au coeur du conflit - Photo : Gallo/Getty
Il semble que l’attitude des USA envers les Palestiniens soit entrée dans une nouvelle phase : celle de la force.
Jeudi dernier, le président Barak Obama a téléphoné à Mahmoud Abbas,  le président palestinien, pour le presser de bloquer une résolution du  conseil de sécurité de l’ONU qui condamne les colonies. Obama a  tellement insisté pendant les 50 minutes qu’ils ont passé au téléphone  que Abbas s’est senti obligé d’accepter de présenter la requête d’Obama  au comité exécutif de l’OLP, l’Organisation de Libération de la Palestine (qui a confirmé sans surprise que Abbas devait refuser d’accéder à la requête d’Obama).
Et en voilà une requête !
Pour les Palestiniens les colonies israéliennes sont au  coeur même du conflit israélo-palestinien. Après tout c’est  l’engloutissement par Israël de la terre palestinienne qui empêchera probablement l’avènement d’un état palestinien.
Demander au leader palestinien d’accepter de faire  opposition à une résolution condamnant les colonies c’est comme demander  au premier ministre israélien de renoncer aux à la partie israélienne  de Jérusalem.
D’ailleurs, même la requête de geler la construction  dans les colonies pendant 90 jours (une requête contrebalancée par  l’offre d’une aide supplémentaire de 3,5 milliards de dollars) a été  perçue comme insultante par le gouvernement israélien. Le premier  ministre Binyamin Netanyahu  n’a pas pu se résoudre à y répondre (pensant sans doute qu’il recevra  de toutes façons l’argent supplémentaire quand il le désirera).  L’Administration alors a fait comme si elle n’avait jamais rien demandé,  dans sa grande crainte de contrarier le moins du monde Netanyahu.
Mais il n’en est pas de même avec les Palestiniens pour  des raisons évidentes (ils n’ont pas de poids politique à Washington).  Et quand ils demandent le soutien de l’ONU contre les colonies,  l’Administration n’hésite pas à exercer de très fortes pressions sur  eux.
Mais pourquoi se donner tant de peine ? Car ce n’est pas  une petite affaire quand le président des USA appelle un leader  étranger et pour être honnête, le président de l’Autorité Palestinienne  n’est pas exactement le président de France ou le premier ministre du Canada.
La raison pour laquelle le président Obama a donné ce  coup de fil c’est qu’il veut absolument éviter d’avoir à opposer son  veto à la résolution des Nations Unies qui condamne les colonies. Et on comprend facilement pourquoi.
Etant donné l’agitation qui secoue le Moyen Orient et  l’opposition générale vigoureuse du monde arabe et musulman aux  atermoiements des USA sur les colonies, la dernière chose que  l’Administration désire c’est d’être obligée d’opposer son veto à une  résolution qui condamne ces dernières.
C’est particulièrement vrai de cette résolution, qui est  soutenue par 122 pays et qui incarne des orientations politiques que  les USA défendent eux-mêmes depuis longtemps. L’intérêt évident des USA  est soit de soutenir la résolution soit de s’abstenir.
Mais l’Administration s’y est refusé, car elle savait que si elle soutenait cette résolution l’AIPC (American Israel Public Affairs Committee) deviendrait fou ainsi que ses supporters au Sénat et à la Chambre des représentants (surtout à la Chambre dont certains membres ont déjà sonné l’alarme).
Et les appels des donateurs liés à l’AIPAC  commenceraient à arriver pour le menacer de ne plus apporter leur  soutien à la réélection du président s’il n’opposait pas son veto. Et  Netanyahu ferait à Obama ce qu’il a fait à Clinton quand il était  président : c’est à dire épauler les républicains (son préféré est  l’ancien président de la Chambre Newt Gingrich) pour faire tomber Obama.
Quelle marche de manoeuvre restait-t-il donc à  l’Administration ? Elle qui ne jugeait pas opportun d’opposer son veto  mais qui craignait les représailles si elle ne le faisait pas ?
Plus tôt dans la semaine, elle avait envisagé d’obtenir  du conseil de sécurité une déclaration (à la place d’une résolution) qui  ne critiquerait les colonies que légèrement. Voilà, selon le ministère  des affaires étrangères, la déclaration en question : "... exprime sa  forte opposition à toute action unilatérale de n’importe lequel des deux  camps qui présumerait de l’issue des négociation et qui ne sera pas  reconnue par la communauté internationale, et réaffirme qu’il ne  considère pas comme légitime l’activité incessante dans les colonies,  activité qui constitue un sérieux obstacle au processus de paix." La  déclaration condamne aussi "toutes formes de violence, y compris les  roquettes envoyées de Gaza et souligne le besoin de calme et de sécurité  des deux peuples."
Avez-vous remarqué si les colonies sont bien mentionnées dans la déclaration ? Lisez lentement. Elles y sont bien.
Quand on lit la déclaration, on comprend vite qui l’a  rédigé. Elle ne parle pas seulement des colonies, elle mentionne des  choses sans aucun rapport avec elles (dans ce contexte) mais qui sont  chères à l’AIPAC comme "les roquettes envoyées par Gaza" qui n’ont rien à  voir avec les colonies de Cisjordanie. En d’autres termes, c’est un  document de travail rédigé par l’AIPAC à la Chambre, bien qu’on n’y  trouve pas le traditionnel "Hourra à Israël" dont est coutumier le  Congrès mais que le Conseil de Sécurité de l’ONU risque de ne pas  apprécier.
Tout cela  pour éviter d’opposer son veto à une résolution conforme à la politique  des USA. Inutile de dire que la stratégie des USA a échoué.  L’hypocrisie marche seulement quand elle ne se voit pas.
Comme je l’ai écrit plus tôt dans la semaine, voilà ce  qui arrive quand les donateurs et non les diplomates conduisent la  politique des USA. Il est regrettable qu’il leur soit indifférent de  faire passer les USA pour la marionnette de Netanyahu aux yeux du monde  entier.
* M.J. Rosenberg est un expert en politique étrangère confirmé de Media Matters Action Network. L’article ci-dessus est paru d’abord dans Foreign Policy Matters, qui fait partie de Media Matters Action Network. On peut suivre le travail de M.J. Rosenberg sur Facebook ou sur Twitter.
18 février 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à : 
http://english.aljazeera.net/indept...Traduction de l’anglais : Dominique Muselet