26 Février 2011
Pendant le bombardement israélien du Liban en juillet 2006, plus de 3 500 chrétiens évangéliques conduits par le pasteur texan John Hagee  ont convergé vers Washington. Au cours d'un grand dîner auquel était  convié l'ambassadeur d'Israël, le pasteur a exhorté ses disciples,  membres de l'organisation des Chrétiens unis pour Israël, à plaider  auprès de leurs représentants au Congrès afin qu'ils «laissent Israël faire son travail pour anéantir le Hezbollah».«Le soutien à Israël, a proclamé John Hagee, est la politique étrangère de Dieu» dans cette «bataille entre le bien et le mal».
Bible best-seller. Des délégués du pasteur, qui dirige une église de 18 000 fidèles à San Antonio, ont été reçus peu après par Bush à la Maison Blanche. La veille du départ du Président pour son voyage au Moyen-Orient, le révérend Hagee est revenu à la charge, exhortant Bush à «rallier la communauté internationale contre l'Iran», et Israël à «résister aux pressions pour diviser Jérusalem».
Ces militants font partie des 40 millions de chrétiens évangéliques qui constituent la base électorale la plus solide du Parti républicain. La plupart sont de fervents sionistes : ils croient que l'établissement d'un Etat juif en Palestine  est l'accomplissement de la prophétie de la Bible - éternel best-seller  aux Etats-Unis. Chaque année, 25 millions d'exemplaires y sont vendus,  en dépit du fait que chaque famille américaine en possède déjà quatre en  moyenne. «D'après la Genèse, Dieu a donné la terre  d'Israël à Abraham et ses descendants ; en colonisant la Cisjordanie,  les Juifs reprennent ni plus ni moins possession de ce que Dieu leur a  donné», écrivent les auteurs du Lobby israélien et la Politique  étrangère des Etats-Unis (New York, 2007) pour expliquer le point de  vue de ces chrétiens évangéliques, qu'ils considèrent comme une partie  intégrante du «lobby pro israélien».
Tout aurait vraiment commencé dans les années 80, après que le Premier ministre Menahem Begin  eut rencontré, à plusieurs reprises, le pasteur Hagee. Ce dernier est  loin d'être le seul religieux à cimenter cette alliance. Elle est aussi  appuyée par le célèbre télévangéliste Pat Robertson, qui s'est rendu en  Israël durant le conflit de 2006. Il a, peu après, participé à une  publicité pour attirer les chrétiens américains en Israël, alors déserté  par les touristes. Chaque année, 400 000 visiteurs américains, en  majorité des évangélistes, apportent une manne considérable en Israël.  Le quotidien Jerusalem Post a d'ailleurs créé une édition destinée aux chrétiens américains.
«Nationalisme chrétien». Fondée en 1983, l'Association internationale des chrétiens et des juifs, dirigée par le rabbin Yechiel Eckstein,  consacre en moyenne 10 millions de dollars par an (6,82 millions  d'euros) pour aider les juifs du monde entier à s'installer en Israël.  Le poids des groupes de pression évangéliques sur la politique  extérieure des Etats-Unis inquiète Nancy Roman, du Conseil des relations  étrangères (CFR), un centre de réflexion de Washington. Auteur d'un  ouvrage déplorant la montée d'un «nationalisme chrétien» qui  saperait, selon elle, les bases de la démocratie américaine, elle estime  que le sionisme chrétien est la cheville ouvrière du soutien américain  en faveur des positions israéliennes les plus dures, comme la poursuite  de la colonisation en Cisjordanie. Ce lobby aurait, dit-elle, davantage  d'influence sur la politique moyen-orientale des Etats-Unis que le  Comité des affaires publiques américano-israélien (Aipac), le puissant  lobby pro israélien qui a pignon sur rue à Washington. Peut-être par vanité, le pasteur Hagee ne la dément pas: «Quand un membre du Congrès voit quelqu'un de l'Aipac passer le seuil  de sa porte, il sait qu'il représente six millions de personnes,  déclarait-il l'an dernier. Nous, on en représente 40 millions.» De notre correspondant à Washington.