Salah Al-Naami - Al Ahram
La fin de la semaine  dernière a été assez particulière pour Ibrahim Alyan, âgé de 59 ans car  il y avait de bonnes raisons de se réjouir. Et pour cause, sa fille  Riham a finalement réussi à décrocher un travail à plein temps comme  enseignante au sein de l’une des écoles de Gaza Centre. En effet, Riham  fait partie des 5400 frais émoulus que  le Premier Ministre de Gaza, Ismail Haniyeh a décidé de recruter pour le deuxième semestre de l’année scolaire en cours.
Et ce n’est pas tout, Haniyeh a également annoncé que  chaque enseignant recevra une augmentation de $100 et ce, en raison de  la baisse du pouvoir d’achat du dollar US. Ainsi, il apparait qu’en  dépit du blocus, le gouvernement Hamas et ses organismes avaient été  capables de poursuivre leurs activités et d’assurer les services de base  au public. C’est pourquoi, à la lumière des réalisations, mais aussi  des échecs du Hamas pendant l’année 2010, on se demande ce que l’année 2011 réserve pour le mouvement.
Les réalisations du HAMAS 
L’aspect sécuritaire s’inscrit dans le cadre des réalisations majeures du Hamas, enregistrées au cours de l’année 2010. En effet, le Hamas  a réussi à maintenir la sécurité interne, chose qui n’a pas été assurée  avant  l’arrivée au pouvoir du mouvement. Aussi, il n’y a plus  d’insécurité interne et de chaos organisé. Ce constat est sans doute  caractérisé par le maintien de l’ordre dans les rues de la Bande de Gaza  jusque tard dans la nuit  et la baisse des attaques contre les leaders du groupe et ses  institutions que certains responsables attribuent aux groupes  djihadistes islamistes affiliés à Al-Qaeda et sa doctrine.
Ainsi, 2010 a été l’année où le Hamas a recueilli les  fruits de ses efforts fournis pendant l’année 2009 dans le but de  contrecarrer les leaders des groupes djihadistes à la suite des heurts  et accrochages entre ces derniers et les forces de sécurité du Hamas.
En parallèle, contrairement à 2008 et à 2009,  le mouvement laïc de l’opposition, en l’occurrence le Fatah, n’a pris aucune mesure sérieuse pour contester le contrôle du Hamas  sur la Bande de Gaza. Durant les deux années écoulées, les forces de  sécurité avaient découvert plusieurs réseaux planifiant des assassinats  et des attentats à la bombe. Dans ce contexte, le gouvernement du Hamas  a, pour la première fois depuis son accession au pouvoir, fait une  illustration de confiance en exécutant deux individus condamnés pour  avoir collaboré avec Israël et un troisième pour avoir été l’auteur de  crimes. En fait, le Hamas n’attend point la permission du Président Palestinien Mahmoud Abbas pour opérer les peines de mort.
Cette année a aussi été marquée par le relâchement  considérable du blocus sur Gaza, dû essentiellement au rôle joué par la  Flottille de la Liberté et par des campagnes similaires. Pour rappel,  Israël avait ce jour attaqué le bateau turc Mavi Marmara, tuant neuf  militants turcs. Par voie de conséquence, la Turquie et la communauté  internationale ont réagi avec véhémence, ce qui a poussé Tel Aviv  à changer sa politique envers Gaza. En effet, constatant les  changements stratégiques touchant ses relations avec la Turquie,  désormais son ancien allié, le gouvernement du Premier Ministre Benyamin Netanyahu n’a eu d’autres choix que d’accepter de lever considérablement le siège.
C’est ainsi que le ravitaillement a été autorisé à entrer au lieu d’être passé en contrebande par les tunnels. Par ailleurs, même si Israël n’a donné le feu vert qu’aux biens de consommation, en interdisant le passage  des matériaux de construction, le relâchement partiel du blocus,  faut-il le souligner,  a entrainé la baisse des prix  et a presque mis  un terme à la marchandise de contrebande via les tunnels reliant Gaza et l’Egypte.
Pour rappel, les évènements qui ont marqué la Flottille  de la Liberté ont constitué un tournant pour l’opinion internationale  qui a affiché son soutien pour Gaza et a fermement condamné les crimes  israéliens contre le peuple Palestinien. En conséquence, le nombre des  délégations arabes, musulmanes et internationales à venir manifester  leur solidarité aux Palestiniens a nettement augmenté. Des dizaines de  délégations européennes ont visité la Bande de Gaza, y compris des  membres des parlements nationaux et du parlement européen. D’anciens  responsables de la sécurité et d’anciens politiciens avaient aussi fait  le déplacement, certains d’entre eux avaient discuté sur une éventuelle  amélioration des relations entre le Hamas et l’ouest. Les délégations  médicales venues à Gaza se sont multipliées et ont même effectué des  milliers d’interventions chirurgicales.
Entre temps, le Hamas a, d’une manière générale, réussi à  maintenir une trêve tacite avec Israël depuis que la majorité des  groupes Palestiniens, à l’exception des groupes djihadistes qui  entretiennent des relations tendues avec le Hamas, se sont engagés à respecter le cessez-le-feu.
Cet état des choses a permis au groupe,  même avec des ressources limitées,  de reconstruire la plupart de ses institutions. Le Hamas  a aussi eu l’opportunité d’étayer sa puissance militaire en poursuivant  l’acquisition d’armement en contrebande, y compris des armes arrivées à  Gaza pour la première fois. Outre cela, le mouvement était en mesure de former ses cadres et ses membres, ainsi que de construire des fortifications et des tunnels.
Les échecs du HAMAS 
 Sur un autre front, l’année 2010 se rappellera d’un grand nombre d’échecs du Hamas.  En dépit de l’élan de solidarité internationale suscité par les  évènements de la Flottille de la Liberté, les pays du monde entier  (arabes ou autres) n’ont affiché aucune vivacité pour reconnaitre le  gouvernement du Hamas. A ce jour, le groupe continue de faire l’objet d’un boycott politique, excepté une poignée d’états arabes et musulmans. Les autres pays, quant à eux, refusent de collaborer avec le Hamas.  Mais le véritable revers pour le mouvement durant l’année 2010 reste la  détérioration de ses relations avec l’Egypte depuis que le groupe avait  refusé de signer la proposition égyptienne de réconciliation.
Ainsi, les autorités égyptiennes ont suspendu le traitement de faveur consacré aux responsables du Hamas  quand ils effectuaient des entrées et des sorties de Gaza ; les  officiels avaient, à maintes reprises, été empêchés de quitter la Bande.
Pour sa part, l’Arabie Saoudite a, elle aussi, refusé de coopérer avec le gouvernement du Hamas, ou de coordonner les voyages durant les périodes de Hajj et de Omra (grand et petit pèlerinage) tandis qu’elle a été très coopérative et serviable avec le Ministère des Waqfs du gouvernement Salam Fayyad.  Le personnel du gouvernement Haniyeh est devenu dépendant du  gouvernement Fayyad. Les dissensions internes permanentes au sein du gouvernement de Gaza  l’ont laissé à court de réalisations depuis que l’autorité de Ramallah a  resserré l’étau autour du fonctionnement du cabinet de Haniyeh. La  plupart des gazaouis ne peuvent pas quitter Gaza faute de passeports que  le Ministère de l’Intérieur de Ramallah avait refusé de les délivrer.
Aussi, bien qu’Israël ait autorisé l’entrée de carburant  pour alimenter l’unique centrale électrique à Gaza, le gouvernement  Fayyad a refusé de régler la facture de l’importateur israélien. En  effet, le gouvernement de Ramallah vise à recourir à toutes les méthodes  possibles pour mettre la pression sur le gouvernement du Hamas.
Le HAMAS en 2011 
Un défi majeur pour le Hamas se pointe à l’horizon avec  l’avènement de la nouvelle année. Cette dernière est également porteuse  d’une menace contre l’existence même et l’avenir du groupe à Gaza. Par exemple, le Hamas  est conscient que c’est dans son intérêt de maintenir la trêve non  officielle avec Israël, même si ce n’est qu’une question de temps. Il  sait aussi que les deux années durant lesquelles il a renforcé son arsenal militaire ne suffiront certainement pas à dissuader Israël s’il prévoit une nouvelle guerre, à l’instar de la précédente. Si la guerre venait à éclater, le Hamas serait probablement ciblé de manière agressive.
Le dilemme du Hamas est ancré dans le fait que, d’une  part il sait qu’il est incapable d’empêcher d’autres factions  palestiniennes (surtout les groupuscules djihadistes) de lancer des  attaques avec des missiles, d’autre part, il est facile pour ces groupes  d’accuser le Hamas de défendre Israël. Même si les attaques de ces groupes djihadistes ne causent pas un tort majeur à Israël, elles lui offrent un prétexte pour faire la guerre contre Gaza. Dans cette perspective, Israël n’a pas manqué de rappeler que le Hamas sera le seul responsable si une action militaire venait à se produire puisqu’il est au pouvoir à Gaza. En fait, Gabi Ashkenazi, Chef d’Etat Major israélien a annoncé qu’il avait donné l’ordre de mettre des membres du Hamas dans le collimateur en réponse aux opérations conduites par d’autres groupes palestiniens.
C’est pourquoi, le Hamas sera dans une situation  critique tant qu’il ne pourra pas empêcher l’action de petits groupes  islamistes et le lancement de missiles. Il est ironique de constater que  la seule raison qui retient Israël de renverser le Hamas par une offensive intense sur Gaza est qu’il n’y a aucune alternative Palestinienne ou Arabe pour gérer les affaires de la Bande. Dernièrement, Israël avait envisagé de reprendre les rênes dans la Bande de Gaza en l’occupant de nouveau.
Il faut donc reconnaitre que tous les indicateurs  révèlent que la nouvelle année ne sera pas placée sous le signe de la  fin des différends tant que les fractures inter-palestiniennes  persistantes continuent de menacer la Bande de Gaza et d’agir de façon  néfaste sur les moyens d’existence de la population. Le fossé qui s’est  creusé entre les positions du Fatah et du Hamas est désormais insurmontable, et l’un des challenges majeurs qui se présente au Hamas  demeure le boycott persistant de trois pays de taille, à savoir  l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite, et dont l’impact  désavantageux affecte la capacité du groupe à gouverner.
En conclusion, le Hamas  est actuellement confronté à des ennuis et problèmes insolubles, non  pas parce qu’il est disposé ou non à agir et à faire quelque chose, mais  parce que ses problèmes dépendent sur des développements internes,  régionaux et internationaux que le mouvement ne peut contrôler. Par voie  de conséquence, les leaders du groupe comptent sur deux facteurs de  base : la patience et la détermination du peuple Palestinien et les  développements régionaux qui couvriront les pertes du mouvement qui  résultent des divisions internes et qui limiteront toute offensive  provenant d’Israël.