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lundi 1 novembre 2010

Oublions les détails, c’est de la terre qu’il s’agit

publié le dimanche 31 octobre 2010
Johara Baker

 
Il n’aurait pas du y avoir de négociations du tout sur les colonies. La seule et unique exigence devrait être leur arrêt immédiat et puis leur démantèlement avant que les discussions de paix puissent reprendre.
Pour la plupart des gens, le conflit palestino-israélien peut sembler incroyablement compliqué -un tissu de récits historiques, de revendications émotionnelles et de passés amers- mais tout cela se résume à des prémisses simples : le conflit palestino-israélien concerne la terre, c’est aussi simple que ça. Israël veut ce qu’il en reste et les Palestiniens ne céderont pas sans combattre pour conserver le petit morceau qui leur reste. Tout le pinaillage d’Israël entre temps –l’insistance sur la nature juive de l’Etat, davantage de sécurité à ses frontières, la menace du Hamas à Gaza- n’est que détails mineurs pour détourner l’attention de son but principal qui est de s’emparer d’autant de terre palestinienne que possible avant d’arriver à un accord final.
En conséquence, coloniser est le maître mot ici. Les colonies juives dans l’ensemble de la Cisjordanie et à Jérusalem-Est ne sont pas un détail mineur mais la force qui sous-tend le but ultime d’Israël. Les colonies, ça signifie la terre, la terre palestinienne en fait, qui dans tous les cas doit faire partie de l’Etat indépendant un jour prochain. C’est pourquoi Israël est si déterminé à, d’une part, détourner l’attention de la question des colonies (notez l’insistance soudaine à reconnaître Israël comme Etat juif) et d’autre part à maintenir une progression régulière de la croissance des colonies sur la terre palestinienne afin de préempter tout accord final.
Il suffit de regarder les statistiques israéliennes pour voir que ceci est vrai. Récemment, un groupe israélien de gauche, la Paix maintenant, a émis un rapport impressionnant sur le rythme de croissance des colonies pendant le supposé moratoire – théoriquement dix mois de gel de la construction en Cisjordanie, qui a pris fin le mois dernier. Selon la Paix maintenant, la croissance des colonies après la fin du gel a atteint quatre fois sa moyenne annuelle. Ca ne peut vouloir dire qu’une chose : Israël se démène pour construire le plus d’unités de logement possibles dans les territoires occupés.
A Jérusalem-Est, la future capitale de la Palestine, Israël a récemment donné le feu vert pour la construction de 240 unités de logement supplémentaires. De plus, en parallèle à la construction de logements pour les juifs dans la ville, les autorités municipales émettent de nouveaux ordres de démolition à Silwan et Beit Hanina, deux banlieues palestiniennes importantes de Jérusalem. A la fin -en tout cas la fin du processus de négociation- Israël aura réussi à s’incruster dans Jérusalem-Est, écrasant ainsi les espoirs des Palestiniens d’établir leur capitale dans ce secteur de la ville, illégalement annexé par Israël en 1967.
Quant à l’Etat palestinien en Cisjordanie, étant donné que les grands blocs de colonies ont déjà dévoré 40 % de la terre palestinienne, il sera virtuellement impossible d’y instaurer un Etat contigu et viable avec ces colonies en son sein.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre l’équation. Même si les Etats-Unis appelaient Israël à prolonger le gel afin que les discussions de paix puissent continuer, les Palestiniens ont juré de les quitter (ce qu’ils ont fait) et la communauté internationale dans son ensemble a laissé voir son mécontentement au Premier ministre israélien Netanyahou parce qu’il a suivi encore une fois les éléments de droite de sa coalition. Finalement, le gel a pris fin et les colons se sont précipités pour ériger autant de structures coloniales illégales que possible avant que les pressions politiques n’osent mettre leurs activités en veilleuse à nouveau.
Ce qui rend cette situation si tragique c’est que la base de l’argument s’est perdue. Ce n’est pas sur une « pause temporaire » de la construction dans certaines colonies de Cisjordanie qu’il aurait fallu négocier. Et Jérusalem-Est n’aurait jamais du être exclue, puisque c’est aussi un territoire occupé et que les colonies à cet endroit sont tout aussi illégales aux yeux du droit international. En fait, il n’aurait pas du y avoir de négociations du tout sur les colonies. La seule et unique exigence devrait être leur arrêt immédiat et puis leur démantèlement avant que les discussions de paix puissent reprendre.
Et pourtant nous y revoici, à nous défendre contre une marée insensée. Israël a réussi à déplacer le point focal de la question de la construction illégale sur la terre occupée vers la reconnaissance par les Palestiniens d’Israël comme Etat juif. Malheureusement tout le monde s’y laisse prendre. Les Américains, les Européens et même les Palestiniens trépignent tous au sujet de la nature juive d’Israël bien qu’il n’ait jamais appartenu aux Palestiniens de définir le caractère d’Israël. La reconnaissance d’Israël était déjà une réalité quand l’OLP accepta un Etat palestinien sur 22 % de la Palestine historique. Dire que le reste de la Palestine (ce qui est maintenant Israël) est exclusivement juif revient à nier les droits, les sentiments et émotions d’une population de réfugiés qui cherche toujours à rentrer et ceux des Palestiniens qui vivent à l’intérieur des frontières d’Israël.
Mais, encore une fois, ce n’est pas le but premier d’Israël. Netanyahou peut bien prendre l’air excédé parce que les Palestiniens ne veulent pas accepter l’estampille juive sur Israël, ou parce que même le pape l’a interpellé sur les violations du droit international par Israël.
Car au niveau interne, Netanyahou et sa bande sont aussi heureux que coqs en pâte. Pendant que, grâce à Netanyahou, le monde se chamaille sur des sujets comme un Etat juif ou la menace perpétuelle que pose l’Iran à la sécurité d’Israël, la terre disparait lentement sous nos pieds et les montagnes brun-vert de notre Palestine sont presque déguisées sous une laide couverture de briques rouges et de pierres blanches à l’aspect étranger qui sont caractéristiques des colonies juives.
Aussi il n’est pas suffisant de “ralentir” la colonisation. Les Palestiniens ne doivent pas avoir peur de dire tout simplement non. Il n’y aura pas de négociations, pas de processus de paix et pas de reconnaissance d’Israël et de sa nature juive tant que la justice ne trouvera pas son dû. L’occupation –qui se traduit par l’entreprise de colonisation et tout ce qu’elle induit- devra tout bonnement cesser. Nous n’accepterons rien de moins.
Joharah Baker écrit pour http://www.miftah.org
traduction : C. Léostic, Afps