Johara Baker
Il  n’aurait pas du y avoir de négociations du tout sur les colonies. La  seule et unique exigence devrait être leur arrêt immédiat et puis  leur  démantèlement avant que les discussions de paix puissent reprendre.
Pour la plupart des gens, le  conflit palestino-israélien peut sembler incroyablement compliqué -un  tissu de récits historiques, de revendications émotionnelles et de  passés amers- mais tout cela se résume à des prémisses simples : le  conflit palestino-israélien concerne la terre, c’est aussi simple que  ça. Israël veut ce qu’il en reste et les Palestiniens ne céderont pas  sans combattre pour conserver le petit morceau qui leur reste. Tout le  pinaillage d’Israël entre temps –l’insistance sur la nature juive de  l’Etat, davantage de sécurité à ses frontières, la menace du Hamas à  Gaza- n’est que détails mineurs pour détourner l’attention de son but  principal qui est de s’emparer d’autant de terre palestinienne que  possible avant d’arriver à un accord final.
En conséquence, coloniser est le maître mot ici. Les  colonies juives dans l’ensemble de  la Cisjordanie et à Jérusalem-Est ne  sont pas un détail mineur mais la force qui sous-tend  le but ultime  d’Israël. Les colonies, ça signifie la terre, la terre palestinienne en  fait, qui dans tous les cas doit faire partie de l’Etat indépendant un  jour prochain. C’est pourquoi Israël est si déterminé à, d’une part,   détourner l’attention de la question des colonies (notez l’insistance  soudaine à reconnaître Israël comme Etat juif) et d’autre part à  maintenir une progression régulière de la croissance des colonies sur la  terre palestinienne afin de préempter tout accord final.
Il suffit de regarder les statistiques israéliennes pour  voir que ceci est vrai. Récemment, un groupe israélien de gauche, la  Paix maintenant, a émis un rapport impressionnant sur le rythme de  croissance des colonies pendant le supposé moratoire – théoriquement dix  mois de gel de la construction en Cisjordanie, qui a pris fin le mois  dernier. Selon la Paix maintenant, la croissance des colonies après la  fin du gel a atteint quatre fois sa moyenne annuelle. Ca ne peut vouloir  dire qu’une chose : Israël se démène pour construire le plus d’unités  de logement possibles dans les territoires occupés.
A Jérusalem-Est, la future capitale de la Palestine,  Israël a récemment donné le feu vert pour la construction de 240 unités  de logement supplémentaires. De plus, en parallèle à la construction de  logements pour les juifs dans la ville, les autorités municipales  émettent de nouveaux ordres de démolition à Silwan et Beit Hanina, deux  banlieues palestiniennes importantes de Jérusalem. A la fin -en tout cas  la fin du processus de négociation- Israël aura réussi à s’incruster  dans Jérusalem-Est, écrasant ainsi les espoirs des Palestiniens  d’établir leur capitale dans ce secteur de la ville, illégalement annexé  par Israël en 1967.
Quant à l’Etat palestinien en Cisjordanie, étant donné  que les grands blocs de colonies ont déjà dévoré 40 % de la terre  palestinienne, il sera virtuellement impossible d’y instaurer un Etat  contigu et viable avec ces colonies en son sein.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre  l’équation. Même si les Etats-Unis appelaient Israël à prolonger le gel  afin que les discussions de paix puissent continuer, les Palestiniens  ont juré  de les quitter (ce qu’ils ont fait) et la communauté  internationale dans son ensemble a laissé voir son mécontentement au  Premier ministre israélien Netanyahou parce qu’il a suivi encore une  fois les éléments de droite de sa coalition. Finalement, le gel a pris  fin et les colons se sont précipités pour ériger autant de structures  coloniales illégales que possible avant que les pressions politiques  n’osent mettre leurs activités en veilleuse à nouveau.
Ce qui rend  cette situation si tragique c’est que la  base de l’argument s’est perdue. Ce n’est pas sur une « pause  temporaire » de la construction dans certaines colonies de Cisjordanie  qu’il aurait fallu négocier. Et Jérusalem-Est n’aurait jamais du être  exclue, puisque c’est aussi un territoire occupé et que les colonies à  cet endroit sont tout aussi illégales aux yeux du droit international.  En fait, il n’aurait pas du y avoir de négociations du tout sur les  colonies. La seule et unique exigence devrait être leur arrêt immédiat  et puis  leur démantèlement avant que les discussions de paix puissent  reprendre.
Et pourtant nous y revoici, à nous défendre contre une  marée insensée. Israël a réussi à déplacer le point focal de la question  de la construction illégale sur la terre occupée vers la reconnaissance   par les Palestiniens d’Israël comme Etat juif. Malheureusement tout le  monde s’y laisse prendre. Les Américains, les Européens et même les  Palestiniens trépignent tous au sujet de la nature juive d’Israël bien  qu’il n’ait jamais appartenu aux Palestiniens de définir le caractère  d’Israël. La reconnaissance d’Israël était déjà une réalité quand  l’OLP  accepta un Etat palestinien sur 22 %  de la Palestine historique. Dire  que le reste de la Palestine (ce qui est maintenant Israël) est  exclusivement juif revient à nier les droits, les sentiments et émotions  d’une population de réfugiés qui cherche toujours à rentrer et ceux des  Palestiniens qui vivent à l’intérieur des frontières d’Israël.
Mais, encore une fois, ce n’est pas le but premier  d’Israël. Netanyahou peut bien prendre l’air excédé parce que les  Palestiniens ne veulent pas accepter l’estampille juive sur Israël, ou  parce que même le pape l’a interpellé sur les violations du droit  international par Israël.
Car au niveau interne, Netanyahou et sa bande sont aussi  heureux que coqs en pâte. Pendant que, grâce à Netanyahou, le monde se  chamaille sur des sujets comme un Etat juif ou la menace perpétuelle que  pose l’Iran à la sécurité d’Israël, la terre disparait lentement sous  nos pieds et les montagnes brun-vert de notre Palestine sont presque  déguisées sous une laide couverture de briques rouges et de pierres  blanches à l’aspect étranger qui sont caractéristiques des colonies  juives.
Aussi  il n’est pas suffisant de “ralentir” la  colonisation. Les Palestiniens ne doivent pas avoir peur de dire tout  simplement non. Il n’y aura pas de négociations, pas de processus de  paix et pas de reconnaissance d’Israël et de sa nature juive tant que la  justice ne trouvera pas son dû. L’occupation –qui se traduit par  l’entreprise de colonisation et tout ce qu’elle induit- devra tout  bonnement cesser. Nous n’accepterons rien de moins.