Rami G. Khouri
The Daily Star
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          Il y a beaucoup à apprendre de la décision du gouvernement  israélien, cette semaine, de suspendre tout dialogue stratégique  particulier avec le Royaume-Uni.         
Ce qui effraie Israël c’est de perdre son impunité pour tous ses crimes,
présents, passés et à venir
présents, passés et à venir
Cette décision fut prise par Israël dans sa crainte que  des officiels israéliens soient arrêtés et inculpés au Royaume-Uni pour  crimes contre l’humanité et ce, en vertu d’une loi britannique qui lui  octroie « une juridiction universelle » dans de tels cas, c’est-à-dire  qu’un ressortissant de n’importe quel pays, soupçonné de tels crimes,  peut être accusé, placé en détention et jugé par un tribunal  britannique, même si les crimes allégués ont été commis dans un pays  tiers et si on ne compte pas de citoyens britanniques parmi les  victimes. (*) La dirigeante du parti Kadima d’Israël, Tzipi Livni, a  récemment annulé un voyage à Londres, tout comme le vice-premier  ministre, Dan Meridor, cette semaine, ayant été informé qu’il risquait  d’y être arrêté.
Les Palestiniens au Royaume-Uni ont, ces dernières  années, déposé des plaintes contre des officiels israéliens à la suite  desquelles les tribunaux britanniques ont émis des mandats d’arrêt à  l’encontre de certains d’entre eux, mais aucun n’a réellement été mis en  détention. Si cela prend une dimension si importante, c’est en raison  de l’inquiétude de nombreux Israéliens - justifiée à mon avis - de voir  Israël soumis à une campagne de « délégitimation ». Et c’est exactement  ce qui se passe et que craignent les Israéliens, plus que toute autre  chose au monde.
Ce qu’Israël convoite le plus, et qu’il n’a pas, aux  yeux de ses adversaires palestiniens et autres critiques arabes et  internationaux, c’est sa légitimité et sa reconnaissance. Que le Yémen,  l’Algérie ou la Somalie ne reconnaissent pas Israël est une chose, mais  c’en est une autre, et bien plus importante, que le gouvernement du  Royaume-Uni - l’accoucheur historique du sionisme et de l’Etat israélien  - émette des mandats d’arrêt accusant des officiels israéliens de  crimes contre l’humanité. Il y a exactement 93 ans cette semaine que le  gouvernement britannique a publié la Déclaration Balfour qui promettait  de soutenir la création d’un « foyer national pour le peuple juif ».  Et aujourd’hui, Londres se joint à d’autres dans le monde pour tenir  responsables de leurs violations du droit international les dirigeants  israéliens à la tête de ce « foyer national juif », devenu l’Etat  souverain d’Israël - souverain, mais grandement non accepté encore, dans  sa configuration actuelle.
Israël n’est pas spécialement préoccupé pour sa sécurité  militaire étant donné ses capacités bien connues en matière  d’armements, conventionnel été nucléaire. Il est en état de guerre  permanent avec ses voisins depuis 62 ans, parce qu’il n’a jamais été  pleinement et officiellement reconnu comme légitime par ses voisins  arabes. Israël est fort militairement, politiquement, économiquement,  culturellement et technologiquement, mais il est vulnérable et mal à  l’aise, parce qu’il n’est pas accepté au Moyen-Orient comme un pays  normal, légitime. Ceci surtout à cause de son refus de se conformer aux  droits nationaux et territoriaux du peuple palestinien qu’il a  grandement dépossédé, nettoyé ethniquement, déplacé et expulsé, au cours  (et depuis - ndt) de la création de l’Etat à majorité juive d’Israël.
Tous les Etats arabes ont, officiellement, proposé de  coexister dans la paix avec Israël sur la base du plan de paix arabe de  2002 qu’Israël ignore obstinément, il ne s’agit donc pas de la crainte  d’une prétendue destruction d’Israël comme les fanatiques sionistes et  d’autres singes hurleurs le prétendent. La campagne de délégitimation a  pour objectif de mettre en avant la nature le plus souvent criminelle  des actions des officiels israéliens, notamment quand Israël utilise des  forces massives et disproportionnées, les tactiques de blocus, les  punitions collectives, les incarcérations massives, la torture,  l’assassinat, la colonisation, le vol des terres et tant d’autres actes  illégaux et criminels dans ses rapports quotidiens avec les Palestiniens  et les autres Arabes.
Si Israël a réagi avec tant de véhémence et de façon  quasi irrationnelle l’an dernier au rapport de la Commission Goldstone  sur la conduite d’Israël et du Hamas lors de la guerre de Gaza  2008/2009, c’est parce que, pour lui, ce rapport prend une forme  nouvelle qui lui fait peur, parce qu’il exprime aussi une critique  officiellement et mondialement approuvée de l’usage excessif de la  violence par Israël et, plus important encore, parce que ce rapport  appelle à une confirmation internationale de la mise en responsabilité  d’Israël et du Hamas pour leur comportement. Que le Yémen, l’Algérie ou  la Somalie accusent Israël de crimes de guerre est une chose, mais c’en  est une autre que les organismes des Nations-Unies fassent de même par  le biais d’une commission dirigée par l’un des juristes les plus  respectés au monde. Israël a basé toute sa politique étrangère, depuis  sa création, sur sa capacité à pouvoir utiliser toute la force qu’il lui  semble nécessaire pour se protéger et s’affirmer. Les critiques qu’il  reçoit, et les initiatives juridiques telles que la Commission Goldstone  ou les mandats britanniques, sont beaucoup plus alarmantes pour Israël  que n’importe quel missile auquel il pourrait avoir à faire face dans  son environnement, car elles érodent l’avantage indispensable sur lequel  Israël a toujours le plus compté pour sa sécurité, pour son bien-être  et pour l’affirmation de son entité sioniste : l’impunité pour ses  actions militaires dans tout le Moyen-Orient, sa colonisation des terres  arabes, la dépossession structurelle et l’asservissement du peuple  palestinien.
C’est là le talon d’Achille d’Israël, et c’est ce qui  explique pourquoi cette initiative de remise en cause de l’impunité  d’Israël revêt une telle d’importance, et pourquoi elle continuera de  s’amplifier jusqu’à elle parvienne à un règlement politique qui soit  juste, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens, qui pourront  jouir alors de droits égaux dans une configuration étatique mutuellement  satisfaisante qui affirme, au lieu de les fouler aux pieds, les  préceptes de l’état de droit international.
 Israël a raison de s’inquiéter, car finalement son  comportement criminel est désormais soumis à un examen officiel  international.
(*) - Mais comme on pouvait le craindre : la Grande-Bretagne a fléchi sous les pressions et décidé d’amender la loi permettant de poursuivre sur son sol des étrangers pour crimes de guerre. Le tout pour le plaisir d’Israël. (Voir : Al-Manar)
(*) - Mais comme on pouvait le craindre : la Grande-Bretagne a fléchi sous les pressions et décidé d’amender la loi permettant de poursuivre sur son sol des étrangers pour crimes de guerre. Le tout pour le plaisir d’Israël. (Voir : Al-Manar)
                6 novembre 2010 - The Daily Star - traduction : JPP